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Expo 67. Nicole Poliquin. Un kiosque d’information à Trois-Rivières

17 août 2017

L’été 1967, Nicole Poliquin a la responsabilité, à Trois-Rivières, d’un kiosque d’information touristique sur l’Expo 67. L’étudiante obtient alors un accès privilégié à l’Exposition et au monde.

Dans le cadre de son exposition Explosion 67. Terre des jeunes, soulignant le 50e anniversaire d’Expo 67, le Centre d’histoire de Montréal a reçu des messages de personnes qui souhaitaient témoigner de leur expérience. C’est ce qu’a fait Nicole Poliquin, qui a livré ce témoignage écrit.

Nicole Poliquin

Page couverture du passeport Expo 67 de Nicole Poliquin
Collection personnelle Nicole Poliquin
Puisque j’habitais Trois-Rivières et que je faisais mes études, je ne pouvais pas « rêver » d’obtenir un emploi directement sur le site de l’Expo 67 à Montréal! C’est le fruit du hasard qui m’a permis d’avoir la responsabilité d’un kiosque d’information Esso. La compagnie Imperial Oil avait l’exclusivité de toute l’information touristique sur l’Expo 67.

Un samedi soir d’avril 1967, je reçois un appel d’une dame de Trois-Rivières qui ne veut plus aller à l’entraînement d’hôtesses Esso à Montréal. Le dimanche, la compagnie Office Overload, responsable des ressources humaines pour Expo 67, communique avec moi pour faire une entrevue téléphonique. L’agente de recrutement ne parle qu’anglais et je dois prouver que je suis à l’aise dans la langue de Shakespeare. Un risque pour Office Overload : interviewer à distance une inconnue plus jeune que la candidate retenue, francophone et étudiante par surcroit. Un espoir pour moi : réaliser le rêve de participer à cette aventure unique qu’est l’Expo 67.

Voilà! Acceptée, je suis dans le train le lendemain matin pour me rendre à Montréal, à l’hôtel Maritime Plaza, au coin Guy et Dorchester (René-Lévesque aujourd’hui). La formation regroupe toutes les personnes qui dirigeront 1 des 20 kiosques Esso : 7 sur le site même de l’Expo 67 et 13 en région, au Québec et à l’est de l’Ontario.

Début mai commence donc la formation : logistique du fonctionnement des kiosques, gestion du personnel, communications quotidiennes avec Montréal par téléphone ou par télex, essai des uniformes, présentation du site de l’Expo 67 avec les pavillons et les activités.

Rappel à l’ordre

Expo 67 - kiosque (can_mt1967-ph-4001)

Un jeune garçon pose une question à deux hôtesses d'un kiosque d'information
Collection personnelle Roger La Roche
Petit contretemps à la fin du troisième jour! Je reçois un appel de la directrice du collège privé où je dois terminer mon année de Philo I (avant-dernière année du cours classique). Elle se demande ce que je fais à Montréal dans un hôtel à mon âge! Je lui explique que j’ai eu l’opportunité exceptionnelle de recevoir une formation pour diriger un kiosque d’information Expo 67. Elle me répond : « Mademoiselle, vous êtes en examens demain. » Je réponds rapidement : « Mère, mes notes sont toujours dans les 90 %, je n’ai jamais eu d’échec scolaire, alors j’irai à la reprise! » Sa réponse est aussi rapide : « Mademoiselle, dans votre cas, il n’y aura pas de reprise. Je vous attends au collège demain pour écrire vos examens sinon vous échouerez votre année. »

Oups! Le plan A serait de terminer la formation, le plan B de terminer mes études. Le temps file… je me décide pour le plan B. Je me rends au bureau de la responsable de la formation pour l’aviser que, pour des raisons hors de mon contrôle, je dois quitter l’entraînement. Elle me regarde avec stupéfaction… En toute détermination et naïveté, je lui affirme que la formation de trois jours est adéquate pour me permettre de remplir mes responsabilités : je suis bilingue, bien organisée et je connais la ville et les environs parfaitement. Elle cède finalement : quelle autre solution a-t-elle? Ouf! Aucune.

Expo 67. Carte Esso

Carte détaillée Expo 67 et environs de Montréal produite par Esso
Collection du Centre d’histoire de Montréal. 1997.9.4.
L’année scolaire terminée, la belle aventure débute à la station-service Esso, à l’angle Thibault et Fusey au Cap-de-la-Madeleine. Le beau kiosque bleu en bois est entouré d’un Dairy Queen, d’un Orange Julep et d’un resto rapide Chez Tarte. La mal bouffe sera de rigueur! Le kiosque est assez grand pour accueillir les visiteurs : chaises, comptoir avec télex, téléphone et présentoirs pour les brochures touristiques. Nous serons deux employées à se partager des horaires de travail de 12 heures par jour, 7 jours par semaine. Surprise! L’autre personne choisie par Office Overload est une étudiante que je connais.

Première journée : rencontre avec le propriétaire de la station-service. Il est très accueillant et content d’avoir de l’action en vue pour l’été. De son côté, le représentant régional s’assure que le kiosque est fonctionnel et il m’avise qu’il sera disponible pour tout problème concernant le kiosque. La journée commence : révision des tâches et des horaires, organisation des présentoirs. Première constatation pratique, il ne fait pas très chaud dans ce beau petit kiosque. Alors pas de problème, trois radiateurs seront livrés le lendemain.

L’été s’annonce très bien : les gens font le plein d’essence, les curieux et les touristes viennent poser des questions sur le tourisme aux environs et sur les activités à l’Expo 67. On a même reçu les jeunes d’une chorale de mormons de Salt Lake City.

Du renfort

Expo 67 - Ceylan

Vue extérieure du pavillon du Ceylan
Collection personnelle Joseph Aspler
Puis, à la fin de cette première semaine, un beau jeune homme se pointe sur une motocyclette flambant neuve. On se connaît car on a suivi des cours au Séminaire de Trois-Rivières. Tout surpris de me voir là, vêtue d’un bel uniforme, il me dit : « Comment as-tu obtenu cet emploi? » Je lui donne un bref résumé, et il me demande comment il pourrait se joindre à nous. Son offre est intéressante car, à trois personnes, on aurait un horaire plus flexible et on pourrait aller à Montréal pour voir l’Expo 67 de plus près. S’en suivent un appel à Office Overload, l’envoi du curriculum vitae du jeune homme et une réponse affirmative après trois jours. Le kiosque fonctionnera désormais en triumvirat. Il faut croire que l’Expo 67 rendait tout possible pour les jeunes.

La richesse de ces kiosques d’information est que tout ce qui se passe sur le site de l’Expo 67 est accessible via le télex à la minute près. Les horaires des activités, les visites de dignitaires, les spectacles, les événements spécifiques de chaque pavillon nous sont envoyés à longueur de journée. Donc, maintenant, non seulement on a le plaisir d’accueillir des visiteurs mais aussi celui de planifier nos propres visites à Montréal avec une précision incroyable.

Ainsi, j’ai pu visiter l’Expo 67 très souvent et voir tous les pavillons nationaux et thématiques. J’ai eu la chance de voir arriver des dignitaires, par exemple le roi Constantin de Grèce, Pierre Elliot Trudeau. J’avais un grand privilège : mon copain avait une jambe dans le plâtre, alors à cause de ses béquilles, on nous faisait signe de passer en tête de la file d’attente.

Apprendre et voyager

Expo 67. Pavillon du téléphone

Vue sur le pavillon du téléphone, avec la foule qui circule
Collection personnelle Clément Brillant
Ce qui m’a le plus impressionnée fut le pavillon Bell où l’on visitait le Canada sur l’écran géant de 360 degrés, et ce, en 20 minutes. Je me souviens encore des chansons fétiches du Québec et de l’Ontario. Et comment ne pas apprécier les pavillons des États-Unis, du Québec, de la France, du Japon et de Ceylan? Habitat 67 de Moshe Safdie offrait une vue magnifique sur le Saint-Laurent et une création architecturale toute nouvelle en termes de mode de vie.

Cet été 1967, porteur de tant de souvenirs mémorables, m’a permis de découvrir le monde en quelques mois. Le goût d’apprendre et de voyager ont toujours été au rendez-vous par la suite.

Nicole Poliquin, 1er juin 2017