L’Exposition a été l’occasion de multiples découvertes gastronomiques pour les visiteurs. Du côté des organisateurs, combler l’incroyable demande concernant l’alimentation fut un vrai casse-tête.
Expo 67 - Gastronomie
En 1967, le portrait gourmand des Montréalais est assez particulier. Montréal est reconnue comme une ville où la gastronomie est très présente. C’est une ville de restaurants, mais avec des limites. L’influence culinaire est majoritairement européenne. Pas nécessairement à cause de l’origine des premiers habitants du pays, mais plutôt parce que Montréal est une des portes d’entrée importantes de l’Amérique du Nord pour les Européens : depuis le début du XXe siècle, de forts liens maritimes transatlantiques établis entre les grands ports de France et d’Angleterre et Montréal ont fait de la ville une cité internationale, bien avant la tenue de l’Exposition de 1967.
Cependant, le Québécois francophone consomme surtout une nourriture traditionnelle, souvent teintée par la Grande Dépression des années 1930. Ainsi, les plats économiques sont la base de son alimentation : la soupe aux pois, les fèves au lard, le pâté chinois, le spaghetti sauce à la viande (qui n’a aucun rapport avec la cuisine italienne), le quart de poulet frit, le chop suey (plat originaire de San Francisco) ou encore le pouding chômeur. Pendant la période des fêtes, on ajoute évidemment la traditionnelle tourtière (pâté à la viande) et les beignes.
L’expérience culinaire vécue à l’Expo 67 va tout bousculer. Lors de sa visite, le citoyen local fait une découverte gastronomique… et il est souvent surpris par l’offre!
Législation modifiée pour l’Expo
Expo 67 - Bulldog Pub
La curiosité et le palais des Montréalais sont bien récompensés durant les six mois de l’Expo 67… Ils y découvrent des cuisines peu ou pas connues comme celle de la Suisse avec son restaurant Les Quatre Régions, un des plus populaires. Qui s’est assis à sa table se souvient de l’émincé de veau zurichois ou encore de la viande séchée et du jambon cru des Grisons. On découvre aussi une cuisine indienne traditionnelle, cuite dans le premier four tandoori de Montréal, ou encore on ose manger du poisson cru au pavillon du Japon… alors que les Québécois consomment très peu les poissons. Et que dire du caviar iranien? Bien que celui produit par les pays de l’URSS soit aussi disponible au restaurant Moskva, c’est celui de l’Iran qui est le plus recherché. Et en plus, il faut réserver une petite place dans son estomac pour déguster une succulente gaufre belge ou une portion de bo bo polynésien.
Expo 67 - Beergarden
L’offre alimentaire et gastronomique de l’Expo 67 (et des premières années de Terre des Hommes) est à l’image de l’exposition et de son éclat. Quel mets découvrir, quels poisson ou viande essayer? Voilà la plus importante décision à prendre pour le visiteur en 1967.
À la découverte des alcools du monde
Expo 67 - Beergarden
L’autre découverte est celle des single malt, ces whiskies écossais tellement prisés aujourd’hui, mais totalement inconnus en 1967, car on ne les importe pas au Québec. C’est au Bulldog Pub de La Ronde que l’on goûte les premiers single malt… et les bières britanniques, elles aussi pratiquement inconnues des Montréalais.
Peut-on nourrir 50 millions de visiteurs?
Expo 67 - restaurant Bavarois
Avec plus d’un million de visiteurs lors de la première fin de semaine, la capacité de toutes les installations de l’Expo est excédée; que ce soit le métro, l’Expo-Express, le Minirail, les toilettes ou encore la restauration. Dans plusieurs cas, les casse-croûtes se trouvent sans nourriture au milieu de l’après-midi du dimanche 30 avril (journée où l’on accueille plus d’un demi-million de visiteurs!). Les files de gens devant les autres restaurants sont tellement longues qu’une attente d’une heure et demie ou même deux heures pour prendre place n’est pas rare. Et la facture dans plusieurs de ces commerces est particulièrement salée. Les responsables des services alimentaires de l’Expo sont submergés de plaintes provenant des visiteurs.
Cependant, la direction de l’Expo, le responsable des concessions alimentaires Maurice Novek en tête, constitue rapidement une cellule de crise et entreprend de régler le plus rapidement possible le problème. Les prix exorbitants sont compliqués à corriger. La volonté de la direction de l’Expo est que les prix pratiqués sur le site soient équivalents à ceux du centre-ville de Montréal. De plus, une taxe de 12 % est ajoutée à la facture finale pour couvrir les frais de la Compagnie de l’Exposition. Dès la réception des premières plaintes, la direction des concessions envoie ses inspecteurs vérifier les prix dans tous les établissements alimentaires sous sa juridiction et fait corriger à la baisse le coût des repas, en fonction de l’entente prise entre les gestionnaires des concessions et la direction de l’Expo.
Réguler les prix des repas
Expo 67 - restaurant Le Raphaël
Par contre, le problème le plus important, celui du manque chronique de places, demande beaucoup plus de travail à l’équipe de M. Novek. On procède à une approche en deux temps. Premièrement, on rencontre plusieurs des restaurateurs et commissaires généraux des pavillons pour agrandir les installations ou tout au moins ajouter des places assises. La Belgique monte une tente en face de son pavillon, sur le bord du lac des Cygnes, et y offre sensiblement le même menu que celui de la brasserie du pavillon. Au pavillon des provinces de l’Atlantique, on remplace la cuisine de service du deuxième étage par des tables supplémentaires. Au pavillon du Québec, on utilise tous les recoins possibles pour ajouter des places. On fait de même dans de nombreux restaurants et salles à manger.
Puis on crée plusieurs nouveaux établissements, certains en lien avec des pavillons, d’autres en construction libre. La Yougoslavie, qui a un restaurant, le Sveti Stefan, mais situé à la Ronde au Carrefour international, accepte un casse-croûte en terrasse, qu’on aménage rapidement sur le côté du pavillon. On fait de même avec le pavillon des Nations Unies, mais cette fois-ci le commerce (spécialisé en nourriture pakistanaise) est situé au sous-sol, à l’entrée du cinéma.
Création de nouveaux restaurants
Expo 67 - place de l'Univers
Au fil du temps, les problèmes liés à la restauration disparaissent et les plaintes des visiteurs se font de plus en plus rares. Il est évident que l’expérience gastronomique à l’Expo pouvait être une aventure dispendieuse, mais les correctifs apportés à l’offre alimentaire permirent à tous les visiteurs d’y trouver leur compte. On mangea bien à l’Expo et, surtout, on mangea beaucoup : plus de 10 millions de hot-dogs, plus de 6 millions de hamburgers et plus de 3000 tonnes de frites furent servis durant les six mois d’Expo 67.
Expo 67 - L'Abbaye
Plusieurs restaurants se sont démarqués. Le plus prestigieux de l’Expo fut Le Château du pavillon de la Tchécoslovaquie — c’était aussi le plus dispendieux; le plus populaire fut Le Bavarois Munich, situé au Village international; le mieux coté selon les critiques gastronomiques des journaux fut Les Quatre Régions du pavillon suisse (qui deviendra le William Tell, situé dans la rue Stanley et aujourd’hui fermé). Les plus médiatisés sont cependant demeurés le Santa Anita du pavillon du Mexique et le Moskva de l’URSS.
L’impact de l’expérience gastronomique offerte à Expo 67 est difficile à mesurer 50 ans plus tard, mais il est certain que l’ouverture culturelle vécue par les Montréalais lors de l’événement est en partie liée aux découvertes culinaires.