Avec ses règlements inspirés de ceux du hockey, la LNI a connu un succès fulgurant au Québec. Ce type d’improvisation créé à Montréal en 1977 est maintenant pratiqué dans une trentaine de pays.
LNI - photo de groupes
Membre fondateur du Théâtre expérimental de Montréal, Robert Gravel vient de tenter trois improvisations inusitées : une séance de 24 heures en duo, sans public mais filmée; une séance de 12 heures en trio, où le public est libre d’entrer et sortir; une visite du zoo dont il est le gardien, zoo où logent des animaux vivants et empaillés, ainsi que des humains! Gravel réfléchit à la façon de structurer les improvisations, et il a envie d’en faire un jeu, avec des règles et des contraintes dues au hasard.
Une idée qui fait son chemin
LNI - Robert Gravel
Rapidement, des amis sont recrutés pour cette nouvelle expérience : Yvan Ponton deviendra l’arbitre imperturbable, Pierre Martineau le maître de cérémonie, Gaston Lepage le premier comédien invité. Il faut des joueurs, des instructeurs, un organiste, bref, plusieurs personnes dont les horaires chargés peuvent difficilement inclure les réunions et les quatre soirs de spectacle prévus. On décide alors de faire les rencontres, comme les spectacles, les vendredis à minuit et les lundis, jours de relâche au théâtre.
Le match qui fait office de générale déçoit tout le monde. Il lui manque un élément essentiel : le public. Gravel et Leduc doivent convaincre la troupe de revenir pour la véritable première. En cette mémorable soirée du 21 octobre 1977, sur la petite patinoire de la Maison de Beaujeu, le match décolle, la foule est enthousiaste et le succès, foudroyant. La saison inaugurale, qui devait se limiter à 4 parties, en comptera finalement 17. Les règles du jeu se précisent, les choses se mettent en place rondement pour une deuxième saison.
La LNI voit grand
LNI - Sylvie Potvin et Robert Gravel
La popularité de la LNI connaît une poussée de croissance avec la diffusion des matchs à Télé-Québec. Après la première finale de la saison télévisée, en décembre 1982, Michel Rivard, avec l’humour qu’on lui connaît, lance cette invitation : « Les jeunes, lâchez la drogue et improvisez! » Son appel est entendu. Professeurs et étudiants contactent la ligue pour obtenir les règles du jeu. À cette époque pré-Internet, les organisateurs se débrouillent pour répondre à la demande, rêvant à la création de ligues mineures, comme dans la Ligue nationale de hockey. Des ligues d’impro amateurs se forment un peu partout dans la province. Bientôt, la LNI offre des ateliers de formation dans les écoles, avec des cours dirigés par des joueurs aguerris.
En parallèle à son action locale, la LNI effectue des matchs de démonstration en Europe, où de nouvelles ligues voient le jour. En 1985, la première Coupe du Monde d’improvisation a lieu à Montréal et à Québec, réunissant les meilleurs joueurs français, suisses, belges et québécois. Le Québec remporte le trophée.
L’année 1996 marque d’une pierre noire l’histoire de la LNI. Robert Gravel, fondateur, source d’inspiration et joueur émérite, meurt subitement à l’âge de 51 ans. Lors du 20e anniversaire de la LNI, en octobre 1997, on lui rend hommage en retirant son chandail, le numéro 1, qui ne sera plus jamais porté par un autre joueur.
Un concept qui tient bien la route
Le Temple de la renommée de la LNI voit le jour en 2000. Chaque année, des artistes et artisans y sont intronisés. Plus de 60 personnes y figurent, dont Robert Lepage, Pierrette Robitaille, Normand Brathwaite, Denis Bouchard, Martin Drainville, et bien sûr Robert Gravel. En 2007, la ligue célèbre son 30e anniversaire avec un tournoi des Étoiles de la LNI, où la nouvelle génération affronte les vétérans. Vincent Bolduc est couronné grand champion.
En 2008, profitant du Sommet de la francophonie à Québec, la LNI organise le premier Sommet des ligues d’impro. Des comédiens de 13 pays francophones y échangent sur leurs pratiques et improvisent devant des dignitaires. Deux ans plus tard, les premiers États généraux de l’improvisation théâtrale ont lieu à l’Université du Québec à Montréal.
Depuis ses débuts en 1977, la LNI est devenue une véritable institution, reconnue au Québec aussi bien qu’à l’étranger. Plus de 350 artistes ont foulé sa patinoire. Elle a servi, et sert toujours, de lieu de création, de rencontre et d’échange artistique pour une foule de comédiens professionnels de toutes origines. Elle inspire aussi la relève, comme en témoignent une centaine de ligues amateurs et semi-professionnelles au Québec. Le match d’impro typique de la LNI est aujourd’hui joué en 7 langues, dans plus de 30 pays, dont le Congo, la Norvège, les États-Unis, Haïti, l’Australie, l’Argentine et la Tunisie. Comme le dit si bien Yvon Leduc, à qui on prédisait que l’engouement pour la LNI serait une mode passagère, « le besoin de se rencontrer et de se raconter des histoires va toujours exister ».
Un match d’impro façon LNI ne s’improvise pas! Comme dans n’importe quel sport, les joueurs doivent suivre les règlements officiels. Une partie dure 90 minutes, soit 3 périodes de 30 minutes avec 1 pause de 10 minutes entre les périodes. Les deux équipes qui s’affrontent comptent chacune un instructeur et six joueurs, habituellement trois hommes et trois femmes. Un arbitre et ses deux assistants veillent au respect des règlements.
Il existe deux types d’improvisations : dans l’impro comparée, les deux équipes improvisent sur un même thème à tour de rôle; dans l’impro mixte, un ou plusieurs joueurs des deux équipes improvisent ensemble sur un même thème. Parmi les catégories d’improvisation classiques de la LNI, on compte l’impro chantée, rimée, sans paroles, à la manière de…
L’arbitre, maître absolu du jeu, tire chaque improvisation au hasard et en signale le début par un coup de sifflet. En cours de partie, il peut imposer des punitions en sifflant dans son gazou. Il interrompt alors le jeu pour, par exemple, cabotinage, cliché, accessoire illégal, retard de jeu, confusion, etc. Après chaque impro, le public vote à l’aide d’un carton à la couleur de l’équipe de son choix. Au besoin, les votes sont comptés par les aides-arbitres. Une sirène marque la fin des périodes et de la partie.