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Des ondes et des hommes : une première radio à Montréal

21 janvier 2016

En 1919, des émissions expérimentales sont diffusées à Montréal sous l’indicatif XWA. Un an plus tard, la XWA devient la première station radiophonique au monde à émettre selon un horaire régulier.

Radio - Guglielmo Marconi dans sa station de radiotélégraphie

Guglielmo Marconi dans sa station de radiotélégraphie de Glace Bay en Nouvelle-Écosse en 1907.
1907, Receiving room of the Marconi wireless telegraph station, Glace Bay, N.S., Bibliothèque et Archives Canada, PA-095413.
Berceau de l’industrialisation au Canada, porte d’entrée pour les immigrants, centre bancaire et culturel, Montréal a aussi été le foyer de premières technologiques. Elle a par exemple le mérite d’avoir abrité une des toutes premières stations de radio au monde en 1919. Toutefois, à cette époque, cette nouvelle technologie n’est pas connue sous le terme de radio, mais plutôt sous le terme de radio-téléphone. Cette technologie allait supplanter la télégraphie sans fil (TSF) utilisée depuis le tout début du XXe siècle.

Le récit historique de la radio se compose comme un véritable arbre généalogique d’inventions et de découvertes; parmi celles-ci, une importante innovation, les stations radiophoniques, se concrétise à Montréal. L’aventure débute en Allemagne, en 1888, avec la découverte des ondes électromagnétiques par Heinrich Hertz. La France y ajoute une suite en 1890, quand le physicien Édouard Branly invente le radioconducteur, un outil servant à détecter les ondes hertziennes. En 1895, c’est au tour de la Russie d’ajouter une page à cette histoire. Un ingénieur russe, Alexandre Popov, utilise les découvertes de Hertz et l’invention de Branly pour concevoir l’antenne et ainsi fabriquer le premier récepteur d’ondes hertziennes. L’année suivante, Popov réussit la première transmission sans fil d’un message en morse, sur une distance de 250 mètres. Utilisant les inventions de Hertz, de Branly et de Popov, un physicien italien de 22 ans, Guglielmo Marconi, met sur pied un poste de transmission de télégraphie sans fil. Marconi connaîtra ses premières heures de gloire en Angleterre, où il réussit en 1901 une transmission de télégraphie sans fil entre la Cornouailles et Terre-Neuve. Guglielmo Marconi obtient un prix Nobel en 1909.

Des émissions expérimentales sont diffusées

Mais là ne s’arrête pas la liste des gens qui ont travaillé sur des expériences de télégraphie sans fil. Il faut y ajouter Reginald Aubrey Fessenden qui nous rapproche davantage de Montréal. Ses études au collège de Lennoxville l’ont conduit à travailler auprès de l’illustre Thomas Edison, aux États-Unis. Durant la nuit de Noël 1906, Fessenden réalise à son tour une diffusion par TSF depuis la ville de Brant Rock au Massachusetts. Toutefois, cet exploit passe inaperçu. Puis, un ingénieur américain, Lee DeForest, inventeur de la triode (1907), communément appelé la lampe à vide, transmet sur les ondes, en 1910, un concert du Metropolitan Opera de New York ainsi que les résultats des élections présidentielles américaines de 1916. Enfin, en 1919, la filiale canadienne de la Marconi Wireless Telegraph Company, installée à Montréal, diffuse des émissions expérimentales sous l’indicatif XWA avant de devenir CFCF en 1922.

Il est difficile de savoir quelle fut la première station radiophonique au monde à diffuser selon un horaire régulier et non plus de façon expérimentale. Assurément, XWA était l’une d'elles et fut la première au Canada. Appartenant à la filiale canadienne de la Marconi Wireless Telegraph Company, elle était installée au 173, rue William (aujourd’hui le 1017, rue William) à Montréal depuis l’année précédente. Elle obtient, la même année, le premier permis de radiodiffusion émis à cette époque par le ministère fédéral de la Marine et des Pêcheries, car la TSF était surtout utilisée pour la communication maritime. En 1922, la station prend l’indicatif CFCF.

La programmation prend forme

Radio - boxeur Jack Dempsey au micro de CFCF

Le boxeur Jack Dempsey au micro de CFCF lors d’une visite des studios en 1922.
1922, Heavyweight champion Jack Dempsey speaking into microphone of Marconi YC3 unit at Station CFCF, Montreal, P.Q., 1922, Bibliothèque et Archives Canada, C-066695.
Au cours des années 1920, la programmation commence à prendre forme. On présente des bulletins météorologiques ainsi que de la musique, obtenue par un phonographe Victrola à manivelle. La première grande émission de la station CFCF est la diffusion entre le Château Laurier à Ottawa et le studio de XWA à Montréal de discours et de chants. CFCF est aussi pionnière dans les bulletins de circulation routière. Enfin, avec l’avènement de la fréquence modulée (FM), CFCF met sur pied une station FM que l’on a connu sous l’indicatif CFQR entre 1967 et 2011.

La station CFCF a occupé plusieurs bâtiments à Montréal. En 1922, elle s’installe dans l’édifice de la compagnie Canada Cement au square Philips. Une console, un piano et un gramophone constituaient alors l’outillage de base. Un épais rideau entourait le studio afin d’empêcher la réverbération. En 1927, CFCF emménage dans des locaux de l’hôtel Mont Royal pour ensuite déménager dans l’édifice Kings Hall de la rue Sainte-Catherine en 1930. La station a aussi occupé un édifice du square Dominion de 1948 à 1963 pour enfin s’établir au 405, avenue Ogilvy.

Radio - gens écoutant la radio

Groupe de personnes réunies autour d’un récepteur radio dans les années 1920.
Entre 1920 et 1930, Atwater Kent, standing by radio, and seven other people listening to the radio, in the Hamilton Hotel, Washington, D.C., Library of Congress, LC-USZ62-109738.
Aujourd’hui, la radio est présente dans toutes les maisons. Elle est devenue un objet usuel et on oublie à quel point son invention a été précédée d’exploits technologiques.

Cet article est paru dans le numéro 13 du bulletin imprimé Montréal Clic, publié par le Centre d’histoire de 1991 à 2008. Merci à Alain Dufour pour la révision de l'article en 2018. 

Dieu est partout, même à la radio!

À Montréal, le clergé catholique s’est intéressé très tôt à la nouvelle technologie de radiodiffusion, y voyant une application pratique pour ses activités. Un prêtre jésuite du nom de Papin Archambault sollicite du temps d’antenne auprès de la station CKAC, première station radiophonique d’expression française créée en 1922. À partir de 1930, la station CKAC diffuse une émission d’une heure consacrée à la religion, L’heure catholique. Plus tard, en 1950, le cardinal Léger réussi un exploit sur les ondes : faire réciter le chapelet à la grande majorité de la population montréalaise, tous les jours à la même heure.