Bien implantées dans leur milieu, les maisons de la culture de Montréal travaillent depuis 40 ans à resserrer le tissu social dans les quartiers où elles se trouvent.
Maison de la culture Marie-Uguay 1982
À travers les activités qu’elles proposent, les maisons de la culture offrent aux citoyens des occasions de se réunir autour d’événements culturels, tout en apprenant à mieux connaître les artistes et les organismes qui évoluent tout près d’eux. Le mot maison exprime bien le solide ancrage de ces institutions au sein de leur quartier. Pour Joanne Germain, ancienne agente culturelle, ce mot est intimement lié à la famille et à la proximité que permettent les maisons : « Les artistes, le public, les employés, c’était vraiment comme une famille, pour moi. C’est une belle partie de l’esprit des maisons de la culture. » Plus qu’un espace de diffusion, les maisons sont aussi des lieux de proximité, d’échange et de solidarité.
Collaborations avec des organismes culturels et communautaires locaux
Hors les murs
Les maisons situées dans des quartiers où les organismes culturels sont nombreux ont beaucoup d’occasions de collaboration, comme c’est le cas de la maison de la culture du Plateau-Mont-Royal, qui coopère au travers des ans avec des théâtres et associations culturelles du quartier, dont les ateliers Graff. Si ces derniers sont spécialisés dans les arts visuels, leurs collaborations avec les maisons de la culture leur donnent la possibilité d’être découverts par des gens du quartier qui ne fréquenteraient pas forcément une galerie spécialisée en art visuel. De plus, des maisons de la culture prêtent leur équipement à des organismes culturels et à des compagnies de danse ou de théâtre du quartier et d’ailleurs, qui cherchent des lieux pour se produire. Les résidences d’artistes proposées par les maisons contribuent à créer des liens entre les artistes et le public en leur permettant de diffuser leur travail au sein de leur communauté.
Les maisons de la culture qui fonctionnent en mode éclaté sont aussi, par la force des choses, très connues par les intervenants du quartier, ce qui les mène à établir de nombreux partenariats. À Rivière-des-Prairies, par exemple, la maison de la culture développe très tôt des collaborations avec des partenaires scolaires, avec la maison des jeunes et avec différents organismes communautaires. C’est également le cas des diffuseurs dans les anciennes municipalités indépendantes avant les fusions qui nouent de fructueux partenariats avec des organismes du quartier. À Saint-Laurent, par exemple, les collaborations sont nombreuses avec VertCité, qui s’occupe des pianos publics, avec le CARI St-Laurent, une organisation qui s’adresse aux personnes immigrantes, ou avec des associations culturelles comme Propulse danse.
Des maisons de quartier
Exposition maison de la culture Petite-Patrie
Les maisons situées dans de nouveaux bâtiments, comme Frontenac ou Mercier, doivent au départ être apprivoisées par ceux et celles qui habitent le quartier depuis longtemps, mais les équipes des maisons de la culture ont à cœur de rendre ces lieux accessibles et accueillants. Dès les premières années qui suivent l’ouverture de la maison de la culture Frontenac, des activités sont organisées pour accueillir les enfants du secteur pendant la semaine de relâche en créant des liens avec des artistes professionnels de cirque du quartier. Des pauses musicales sont au programme certains midis de semaine et les travailleurs des environs peuvent manger leur lunch en assistant au spectacle dans les escaliers de la maison.
Au fil des ans, les maisons servent aussi souvent de lieux d’accueil pour les personnes nouvellement arrivées dans les quartiers. Qu’ils viennent d’ailleurs au Québec ou au Canada ou d’ailleurs dans le monde, ils peuvent assister, en se rendant dans une maison de la culture, à plusieurs spectacles gratuits chaque semaine et ainsi briser l’isolement, comme en témoigne Louise Matte : « Ça me rappelle, un homme, nouvel arrivant. Il avait laissé sa famille […]. Puis il venait voir quasiment tous les shows, et Dieu sait qu’on en faisait souvent. Et il m’avait dit : “Vous savez, j’ai passé une meilleure année grâce aux spectacles que vous présentez. Je m’ennuyais terriblement de ma famille.” Parce qu’il avait laissé femme et enfant. […] Il voyait des gens. On servait à ça. » ― Louise Matte, ancienne agente culturelle
Espaces de diffusion et d’incubation, les maisons sont aussi des lieux de solidarité qui permettent de briser la solitude tout en laissant la culture apaiser les difficultés du quotidien, peu importe les moyens financiers des usagers. Elles offrent également des occasions aux aînés de se retrouver autour d’activités culturelles. À la maison de la culture de Villeray, par exemple, la programmation culturelle Un temps pour l’art s’adresse aux aînés dès le début des années 2000. La maison de la culture Rivière-des-Prairies propose aussi des activités aux aînés et développe des partenariats avec des résidences de personnes âgées pour y organiser des spectacles.
Azam Ali
Plusieurs maisons de la culture jouent un rôle crucial pour faire mieux connaître le travail des artistes de la diversité, dont la maison de la culture d’Ahuntsic-Cartierville qui est devenue un véritable carrefour des musiques du monde. Pendant la pandémie, plusieurs maisons ont offert aux artistes la possibilité de faire des résidences de création et ont continué ainsi à appuyer les artistes et la création. Les maisons sont aussi des lieux de parole, qui fournissent un moyen de sensibiliser les citoyens aux réalités présentes dans leur quartier, comme le prouve la collaboration entre la maison de la culture Frontenac, l’UQAM, l’association Stella et la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le SIDA (COQQ-SIDA), dans le cadre de l’exposition Témoigner pour agir. Présentée en 2017, elle réunissait des œuvres liées à la sexualité, au travail du sexe et à la stigmatisation.
Engagées dans leur quartier, les maisons de la culture contribuent à favoriser le dialogue et à resserrer le tissu social. Leur implication prend différentes formes, ce sont des lieux de partenariats, de mise en valeur de l’histoire des quartiers, mais aussi des espaces qui favorisent les rencontres et qui participent à l’accueil des nouveaux arrivants. Plus que des outils de diffusion culturelle, elles permettent aussi de cultiver les liens sociaux à l’échelle du quartier.
CHEVALIER, W. « Les Maisons de la Culture à Montréal », Vie des arts, vol. 30, no 120), 1985, p. 42–45.
LAFORTUNE, Benoît. « Les maisons de la culture », Possibles, vol. 16, no 1, 1992, p. 75-94.
NICHOLSON, Georges. La Chapelle historique du Bon-Pasteur : La maison de la musique, Montréal, Druide, 2014.
PAQUIN, Jean. Art, public et société, l’expérience des Maisons de la culture de Montréal, Montréal, Éditions Hurtubise, 1996, 122 p.
PAQUIN, Jean. « La place des Maisons de la Culture de Montréal dans le réseau institutionnel de l’art », Possibles, vol. 9, no 4, 1985, p. 100-106.
Ville de Montréal. Les maisons de la culture : un choix d’accessibilité, Ville de Montréal, 1994.
Une série d'entrevues ont été réalisées en 2021 et en 2022 avec des personnes ayant travaillé dans le réseau des maisons de la culture. Les entrevues suivantes ont servi à l’écriture du présent article :
- Louise Matte et Joanne Germain, 5 novembre 2021
- Paul Langlois, 5 novembre 2021
- Sylvain Galarneau, 5 novembre 2021
- Martin-Philippe Côté, 5 novembre 2021
- Virginie Simard-Tozzi, 1er avril 2022