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Le Chaînon, une œuvre portée par la Providence

24 avril 2023

La foi en la Providence a guidé Yvonne Maisonneuve et les Associées dans leur œuvre charitable. La Providence est-elle à l’origine de la profonde solidarité qui anime toujours l’association?

Dès 1932, Yvonne Maisonneuve, fondatrice de l’Institut Notre-Dame-de-la-Protection, s’est appuyée sur sa foi en la Providence pour accueillir gratuitement les jeunes filles démunies qui se présentaient à son refuge. Son œuvre, devenue Le Chaînon en 1978, continue à offrir un hébergement sécuritaire à des femmes en difficulté en grande partie grâce aux multiples dons qu’elle reçoit.

Offrir un service gratuit grâce à la Providence

« Nous n’avons jamais refusé d’accueillir les infortunées que la Providence dirigeait vers notre maison, pourquoi nous refuserait-Elle les secours indispensables? » ― Yvonne Maisonneuve, fondatrice, 1948

Providence

Deux femmes portant un manteau transportent des légumes avec une brouette.
Archives Le Chaînon
Lorsqu’Yvonne Maisonneuve accepte, en 1932, la direction d’un refuge pour accueillir de jeunes chômeuses éprouvées par la crise économique, elle désire les loger et les nourrir gratuitement. Même si des dames patronnesses organisent des parties de cartes pour l’achat de vaisselle, draps ou autres articles, les ressources s’avèrent insuffisantes. Guidée par sa foi en la Providence et convaincue que les personnes qui se présentent à sa porte et celles qui donnent généreusement sont dirigées par la même main invisible, Yvonne apprend à quêter et à solliciter le cœur des gens. À partir de 1938, son infaillible foi en la Providence attire de nombreuses jeunes filles qui joignent sa communauté laïque. Ces femmes, nommées les Associées catholiques Notre-Dame-de-la-Protection, dédient leur vie pour servir bénévolement les plus démunies. La Providence joue un rôle extraordinaire dans leur vie spirituelle : elle renforce leur vocation et affermit leur esprit de foi par ses dons continuels.

Préserver la confidentialité prime

« La Providence me dirige vers la “Maison d’accueil” et le court exposé de Mlle Maisonneuve sur le but et la manière de vivre me plait instantanément, j’ai trouvé ma place. Tout me plait : dépendance envers la Divine Providence, œuvres qui s’occupent des plus déshérités, qui les traitent en égal. » ― Rolande Bernier, Associée, 1971

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Deux femmes sont assises une face à l’autre à un bureau de travail. Une tape à la dactylo et l’autre prend des notes à la main et a une main posée sur le combiné du téléphone.
Archives Le Chaînon
Le contexte économique des années 1930 pousse les municipalités et le gouvernement québécois à s’investir dans des œuvres de charité mais, pour être admissibles à des financements, les organismes doivent se soumettre à certaines conditions. Bien que des octrois financiers faciliteraient la gestion de l’œuvre Notre-Dame-de-la-Protection, Yvonne Maisonneuve et ses Associées les refusent par crainte d’être emprisonnées dans des règles étouffantes; elles tiennent à envelopper de sécurité les femmes sous leur protection et, notamment, à garantir la confidentialité de leur nom. Ce faisant, bien que se maintenant dans la précarité, elles s’assurent de demeurer à l’écart du contrôle gouvernemental et de préserver les valeurs de la Maison d’accueil, entre autres, la souplesse des services offerts, l’hébergement gratuit basé sur la charité et l’accueil inconditionnel et rapide, sans délai bureaucratique.

Administrer la Providence

« J’ai été l’un des rares témoins des débuts de l’œuvre. Yvonne Maisonneuve accomplissait déjà des prodiges dans le domaine de la charité pour venir en aide à la jeunesse inquiète ou malheureuse. » ― Arthur Laramée, juge à la Cour des jeunes délinquants, président du Conseil central de la Société Saint-Vincent de Paul, 1949

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Des hommes et une femme sont assis en deux rangées pour la prise de photo.
Archives Le Chaînon
Le principe de vie de la fondatrice et des Associées : voir Dieu et les âmes partout! Leur compte en banque : la Providence! Afin de ne pas manquer de ressources et d’apporter une certaine structure pour gérer les besoins financiers de l’organisme, le « Comité d’hommes de charité » est créé en 1943. Yvonne Maisonneuve est convaincue que c’est le miracle de la Providence qui fait que ces hommes se laissent inspirer par la frêle et timide personne qu’elle est, sans aucun moyen et aux prises avec mille difficultés. Le président du comité, Arthur Laramée, juge à la Cour des jeunes délinquants et pilier de la première heure de l’organisme alors qu’il était président de la Société Saint-Vincent de Paul, rassemble des amis sincères, magnanimes, pieux et charitables.

Outre le financement obtenu par ce comité d’hommes, des dons, parfois anonymes, proviennent des quatre coins de la ville. Ces cadeaux de la Providence, administrés par une Associée-trésorière, prennent diverses formes : des entrepreneurs offrent gratuitement d’entretenir et d’effectuer les réparations nécessaires à la Maison d’accueil, des provisions sont livrées par le laitier, le boulanger, l’épicier, bien souvent au moment précis où elles sont indispensables. De plus, les Associées qui consacrent leur vie à la tâche sans salaire ont également des besoins : achats divers, frais d’hôpitaux et de visites chez le médecin alors que la Loi sur l’assurance maladie sera créée seulement en 1970. Pour pourvoir à ces soins, une caisse commune est établie. Ayant fait vœu de pauvreté, les Associées ne peuvent, à moins d’une permission très rare et particulière, demander quoi que ce soit à leurs parents. Car l’idéal visé est de vivre en pauvres, de le demeurer et d’apprendre le contentement de ce qu’elles possèdent ou de ce qu’elles reçoivent spontanément de la Providence.

Prières et demandes à la Providence

« L’abandon en la Providence, le respect de la personne, la charité vraie pour chacune, l’amour entre associées, bienfaiteurs et protégées, la joie de celle qui donne et de celle qui reçoit; voilà, ce qui m’a touchée et ce qui me touche toujours. » ― Louisette, Associée, 1971

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Une femme serre la main d’un homme, à côté d’eux se tiennent une femme et deux hommes. Ils sont devant une auto où il est écrit « don du Club Richelieu ». Une femme est au volant.
Archives Le Chaînon
Yvonne Maisonneuve enseigne à cultiver par les pensées et la prière la certitude que les ressources jailliront d’une façon ou d’une autre de la Providence. Régulièrement, l’équipe cible les besoins urgents et formule ce dont elle aurait besoin pour servir ses protégées. La liste, adressée au saint patron des Canadiens, Saint-Joseph, est écrite sur un tableau ou déposée dans un panier. L’histoire de l’œuvre regorge d’anecdotes de manifestation. Notamment, en 1942, un jour où la préposée au chauffage se désolait qu’il n’y avait plus de charbon pour alimenter le feu et que la trésorière en faisait autant devant une cassette vide, Yvonne Maisonneuve déposa une liste de leurs requêtes dans le panier au pied de la statue de Saint-Joseph et débuta une neuvaine avec ses auxiliaires. Après trois jours de ferventes prières, elle fut appelée au téléphone par un marchand, Roger Robert, qui lui offrait tout le combustible nécessaire au chauffage des 75 pièces pour une année entière, largesse qu’il renouvela jusqu’en 1965.

Aller à la rencontre de la Providence, la quête

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Deux femmes portant un costume noir et un chapeau assorti, dans un commerce. Un employé montre un plat de légumes qu’une des deux femmes observe.
Archives Le Chaînon
Bien que la Providence puisse se présenter d’elle-même, tous les jours, les Associées doivent, pour compléter le nécessaire, aller vers Elle et faire appel à la charité des gens. Yvonne explique que c’est la peur au ventre qu’elle affronta ses premières quêtes en priant que sa famille, surtout son père, ne l’apprenne pas. Elle avoue que jamais il ne lui est devenu naturel de le faire et que c’est uniquement pour la gloire de Dieu et le soulagement de son prochain qu’elle s’y prêtait bravement. Un règlement municipal interdisait la mendicité et seules les organisations de charité pourvues d’un permis ou d’une charte pouvaient y recourir. Contrairement à Yvonne qui, les premiers temps, quêtait sans pouvoir attendre que son organisme soit approuvé, les Associées, facilement identifiables par leur uniforme, quêtaient munies d’une autorisation.

« Presque toutes ont été informées du magnifique don de 3400 paires de bas de nylon. Contrairement à l’habitude établie, toutes comprennent facilement l’obligation où nous sommes de nous en servir et de nous incliner devant ce geste de la Providence, puisqu’il n’est pas, par lui-même, contraire à l’esprit de pauvreté. » ― Lucie Morrissette, Associée, 1965

Les jeunes femmes qui rejoignent l’œuvre doivent apprendre à faire preuve de débrouillardise, car l’énorme respect envers ce qui découle de la Providence pousse l’équipe à trouver une vocation à chaque don reçu. À l’arrivée des aliments, le personnel improvise les menus et fait preuve de créativité pour offrir de délicieux repas. Tout ce qui peut être utilisé l’est dans les moindres détails, les os des morceaux de viande sont grattés pour que chaque filament en soit prélevé, les vêtements sont réparés maintes fois et les dons qui ne peuvent servir immédiatement sont soigneusement rangés pour un futur rapproché. Cette estime va jusqu’à adapter les préceptes. Par exemple, lorsque l’organisme reçoit, en 1965, un don de 3 400 paires de bas de nylon, cela incite les Associées à s’incliner devant ce geste de la Providence et à les porter plutôt que de suivre le principe de pauvreté.

De la charité chrétienne aux activités de financement laïques

« Au Chaînon, j’ai rencontré des gens qui en aidaient d’autres, sans attendre ni même vouloir de subventions. Des gens qui voulaient rester libres, faire les choses à leur façon. Avec ces femmes, j’ai compris qu’on peut bien payer les impôts, notre voisin, c’est peut-être de nous dont il a besoin, avant l’État. » — Yvon Deschamps, monologuiste, dans Sylvie Halpern, Le Chaînon : La maison de Montréal, Éditions Stanké, 1998

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Deux femmes dans une petite pièce, vestiaire de vêtements, table avec légumes et pain et chaudron.
Archives Le Chaînon
À partir des années 1970, la foi en la Providence s’est transformée doucement en confiance envers une plus grande mobilisation sociale, et les prières se sont tournées vers des campagnes de financement de toutes sortes. L’arrivée d’Yvon Deschamps et de Judi Richards, porte-paroles pendant plus de 30 ans, a éveillé le public aux difficultés que vivaient certaines femmes. Ils ont ouvert la voie à une grande implication du domaine artistique à différentes activités annuelles auxquelles le public était invité à participer, dont des bazars et des tournois de golf.

À l’heure actuelle, l’organisme bénéficie de quelques octrois gouvernementaux mais, s’il peut continuer à venir en aide chaque année à des centaines de femmes, c’est encore majoritairement grâce aux dons du public, de quelques grands donateurs et à l’engagement de centaines de bénévoles. Et, depuis 2014, La Fondation Le Chaînon s’assure de faire rayonner l’organisme et de soutenir sa pérennité financière. À travers elle, des chefs de file dans leur domaine portent le message d’entraide auprès de leur réseau d’affaires.

« Moi, j’essaie de ramasser de l’argent pour qu’eux autres puissent continuer à faire leur belle œuvre, parce qu’il y a beaucoup de monde qui ont beaucoup de difficultés. Ils ont besoin d’aide. » ― Judi Richards, auteure-compositrice-interprète, émission Maisonneuve à l’écoute, 2000

Le Magasin du Chaînon

Coffre aux trésors

Trois femmes et un homme très souriants sont devant une chaîne et une femme coupe l’attache avec un immense ciseau.
Archives Le Chaînon
Le Chaînon a eu plusieurs magasins à Montréal pour le soutenir financièrement : La Friperie et Le Cagibi sur l’avenue du Mont-Royal et Le Coffre aux trésors du Chaînon, au numéro 50 de la portion ouest de la même voie. Aujourd’hui, c’est le vaste Magasin du Chaînon, situé au 4375, boulevard Saint-Laurent, opéré par une équipe dévouée de 33 employés et de plus de 60 bénévoles, qui constitue une source importante de financement de l’œuvre. Phare d’un grand mouvement d’entraide, le magasin est rempli de vêtements, meubles, jouets et autres objets qu’offre généreusement le public. Leur vente à prix abordable permet de soutenir financièrement l’organisme. Parmi les dons, de beaux morceaux sont apportés à la Maison de l’Esplanade, où un vestiaire intime et chaleureux fait office de magasin miniature. Les bénéficiaires, les « dames du Chaînon », peuvent y trouver gratuitement des vêtements, souliers, tapis de yoga, cane, bottes, etc. Parmi les événements annuels de financement, celui de Reluxe permet d’allier mode et philanthropie. Des milliers d’articles et accessoires griffés et de luxe sont alors en vente à prix accessible. Un espace d’objets plus haut de gamme est également aménagé à l’intérieur du magasin et des marchandises de grande valeur sont offertes en tout temps sur la plateforme de vente en ligne, qui fait œuvre de friperie engagée.

Si plusieurs rient quand ils entendent parler de la Providence, évoquée en mémoire du passé, la plupart finissent par être émus et touchés par la confiance imperturbable du personnel et par les surprises inexplicables. Ce qui permet l’ouverture du cœur de toutes les personnes qui participent à la chaîne d’entraide du Chaînon, c’est le regard tourné vers l’autre. Tout comme Yvonne Maisonneuve l’enseignait à ses Associées, aujourd’hui le personnel inspire les bénévoles pour garder le meilleur et le plus beau pour les dames du Chaînon. Tous se sentent habités par la mission de chercher pour l’autre les « pépites d’or » et c’est, entre autres, ce qui crée l’âme si profonde d’entraide et de solidarité de l’œuvre.

Comment aider le Chaînon?

Grâce à vos dons, les femmes qui viennent frapper à la porte du Chaînon bénéficient d’une assistance immédiate. Pour contribuer, plusieurs possibilités s’offrent à vous.

Dons financiers

Vous pouvez soutenir La Fondation Le Chaînon en faisant un don en ligne, de façon simple, rapide et sécurisée : www.lechainon.org

Vous pouvez également faire un don par la poste ou par téléphone : La Fondation Le Chaînon, 4373, avenue de l’Esplanade, Montréal, QC, H2W 1T2 ou au 514 845-0151.

D’autres options vous sont proposées : dons à la mémoire d’un être cher, dons par testament, dons d’assurance-vie, dons en biens meubles ou immeubles. Communiquez avec Le Chaînon pour plus d’informations : 514 845-0151.

Dons de marchandises

Le grand public et les entreprises sont encouragés à offrir divers articles destinés à la revente au Magasin du Chaînon permettant ainsi à l’organisme de financer sa mission. Que ce soient des vêtements, des meubles, des jouets, des livres, des accessoires, un seul critère est exigé, la marchandise doit être en très bon état, propre et comporter une valeur de revente. Pour une cueillette imposante, un livreur peut venir sur place chercher les effets, pour cela communiquez par courriel : meubles@lechainon.org

Friperie engagée

Le public peut soutenir Le Chaînon en achetant des vêtements haut de gamme et des marchandises de grande valeur sur la plateforme de vente en ligne du Magasin du Chaînon : https ://boutiquelechainon.org/.

Bénévolat

Les bénévoles sont un apport essentiel au fonctionnement de l’organisme. Les femmes et les hommes sont invités à mettre leur temps et leur talent au service du Chaînon. Informations : 514 845-0151 ou par courriel : benevolat@lechainon.org

« Donner au Chaînon, c’est donner 100 % aux femmes. »