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La création des maisons de la culture à Montréal : un projet ambitieux

30 septembre 2022

En 1981, une première maison de la culture ouvre ses portes à Montréal dans l’objectif de rendre la culture plus accessible dans les quartiers de la ville.

Maison de la culture Côte-des-Neiges 1983

Vue de haut d’un escalier et de étages d’un bâtiment. Une dizaine de personnes montent l’escalier. Aux deux étages, des gens sont rassemblées.
Maison de la culture Côte-des-Neiges
À la fin des années 1970, Yvon Lamarre, le président du comité exécutif de la Ville de Montréal, désire rendre la culture accessible au plus grand nombre de Montréalaises et de Montréalais possible. Inspiré par les maisons de la culture mises sur pied par André Malraux en France dans les années 1960, il s’interroge sur les façons d’adapter et de financer le projet à l’échelle d’une ville.

En 1979, le gouvernement du Québec instaure le plan Vaugeois qui permet entre autres de construire ou rénover des équipements multifonctionnels dans les bibliothèques publiques. La Ville de Montréal saisit l’occasion et s’engage à couvrir les frais des installations liées aux manifestations culturelles. Le projet montréalais prend forme : les maisons de la culture seront jumelées aux bibliothèques et ces lieux permettront à la fois la diffusion culturelle et documentaire. L’objectif est ambitieux : décentraliser la diffusion culturelle et rendre la culture accessible au plus de personnes possible dans les quartiers de la ville. Le Service des activités culturelles est créé en 1979 et reçoit le mandat de développer le programme des maisons de la culture. Monique Verschelden est la première coordonnatrice de ce service et elle fait équipe avec Yvon Lamarre pour donner vie aux maisons. Ces institutions sont créées pour faire vibrer la culture dans les quartiers montréalais, stimuler la création, accroître la diffusion, soutenir les artistes et faciliter l’accès à la culture.

L’ouverture des premières maisons

« Les spectacles, concerts se tenaient dans le hall d’entrée. […] Les gens étaient assis dans l’escalier. On pouvait accueillir entre 75 et 80 personnes à ce moment-là dans la bibliothèque. Dès le début, les petits concerts qui étaient présentés remportaient beaucoup de succès. » ― Sylvain Galarneau, ancien agent culturel

Bibliothèque et maison de la culture Maisonneuve 1981

Photo d’un bâtiment en pierre. On voit une affiche devant qui indique Bibliothèque Maisonneuve. Maison de la culture.
Atelier d’histoire Mercier–Hochelaga-Maisonneuve

Le 20 octobre 1981, Montréal célèbre l’inauguration de sa première maison de la culture, la maison de la culture Maisonneuve, en présence du maire Jean Drapeau. Des activités d’ouverture soulignent cet événement attendu. Au programme, ateliers d’histoires, cinéma, lancements de livres, musique et conférence. La maison de la culture partage les locaux de la bibliothèque, et les expositions sont présentées sur ses murs.

Quelques mois plus tard, en juin 1982, la maison de la culture Marie-Uguay ouvre dans le Sud-Ouest, suivie de celle de Côte-des-Neiges un peu plus tard, qui est la première située dans un bâtiment neuf. En 1984, c’est au tour des maisons Plateau-Mont-Royal, Notre-Dame-de-Grâce et Petite-Patrie de s’établir dans leurs quartiers respectifs. Les agentes et agents culturels élaborent des programmations multidisciplinaires et gratuites qui permettent aux habitants du quartier de découvrir de nouveaux artistes. Une maison dite éclatée est ensuite créée en 1988 à Ahuntsic-Cartierville, elle utilise différents lieux de l’arrondissement, jusqu’à l’aménagement de la maison dans l’édifice Albert-Dumouchel en 1999. Les maisons éclatées permettent d’implanter dans les quartiers l’action des maisons de la culture, même s’il n’est pas possible financièrement qu’un bâtiment leur soit propre dès le départ.

Pour le choix des agentes et des agents culturels, Monique Vershelden, la première gestionnaire du réseau, embauche des personnes formées dans différentes disciplines artistiques et elle s’assure d’engager autant de femmes que d’hommes. Dans chaque maison, on trouve alors un agent et un adjoint : une femme et un homme occupent ces postes dans chaque maison dans un souci de parité, et à proportion égale dans les deux fonctions. Le Centre d’histoire de Montréal, fondé en 1983, et la Chapelle historique du Bon-Pasteur sont aussi intégrés au réseau des maisons en 1987 et en 1988 en proposant des programmations spécialisées en histoire et en musique de concert.

Des installations à la fine pointe de la technologie

Inauguration maison de la culture Marie-Uguay.

Neuf personnes discutent dans le hall d’un bâtiment.
Maison de la culture Marie-Uguay.
À la fin des années 1980, le scénographe Michel Demers devient gestionnaire du réseau. Connaissant bien l’avantage que procure un équipement culturel de qualité, il prépare l’ouverture des maisons de la culture Frontenac et Mercier en 1989. En 1987, un moratoire sur la construction d’équipement culturel financé par Québec était survenu, mais les deux maisons de la culture en construction y ont échappé. Elles se démarquent par la qualité de leur équipement, comme en témoigne Paul Langlois, ancien agent culturel à la maison de la culture Frontenac, qui a aussi été gestionnaire du réseau : « Les deux maisons qui ont ouvert en 1989, Frontenac et Mercier […] étaient vraiment des lieux de diffusion beaucoup plus élaborés et beaucoup plus aux normes en fonction des besoins de diffusion culturelle. Il y avait des vraies salles de spectacles, des salles d’expositions beaucoup plus spacieuses, donc on se retrouvait avec des équipements culturels d’assez grande qualité pour l’époque. »

Ces maisons permettent de présenter des spectacles sur des scènes plus grandes, d’aller beaucoup plus loin dans la diffusion culturelle et d’offrir aux artistes ou aux organismes culturels l’accès à ces espaces de qualité pour se produire avec des équipements culturels à la fine pointe de la technologie. Les maisons de la culture deviennent rapidement des lieux de choix pour les artistes de la relève, dont plusieurs se font connaître grâce au réseau. Le milieu culturel s’approprie peu à peu les maisons qui deviennent des points de rencontre entre les artistes et les citoyens et qui transforment la vie culturelle des quartiers.

En 1989, deux maisons sont créées dans des quartiers plus éloignés du centre, à Pointe-aux-Trembles et à Rivière-des-Prairies. Ces maisons dites éclatées utilisent les lieux existants dans l’arrondissement pour leurs événements. Celle de Pointe-aux-Trembles emprunte huit sites différents, dont des écoles et un centre communautaire, alors que la maison de Rivière-des-Prairies utilise l’auditorium du Collège Marie-Victorin, une école secondaire, une église et une bibliothèque. En 1992, c’est au tour de la maison Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension de voir le jour, aussi sous forme éclatée jusqu’en 2018. Des églises, l’auditorium du centre communautaire et de loisir du Patro-Le Prévost (aujourd’hui Patro Villeray) et d’autres salles permettent de mettre en œuvre une programmation riche et multidisciplinaire dès le début. Les maisons de la culture Pointe-aux-Trembles et Ahuntsic inaugurent leur propre bâtiment en 1999.

Les défis et réalisations des années 1990

Maison de la culture Pointe-aux-Trembles

Première page du journal de quartier Avenir de l’est du 2 mars 1999 annonçant l’ouverture prochaine d’une maison de la culture.
Maison de la culture Pointe-aux-Trembles
La décennie 1990 comporte des défis et de grandes réalisations pour les maisons de la culture. Les compressions dans le domaine public ne les épargnent pas. D’importantes coupes budgétaires en 1992 mènent à l’arrêt de la publication du mensuel d’information Parallèle, le journal des maisons de la Culture publié depuis 1988. Un énoncé d’orientation publié en 1992 par le Service des loisirs et du développement communautaire permet de solidifier le réseau. Il réaffirme son engagement pour rendre la culture accessible en misant sur l’action culturelle et en favorisant la dimension interculturelle.

Des projets emballants marquent aussi cette décennie, dont un grand nombre de « projets réseau », qui résultent du travail de collaboration de plusieurs maisons. Ces projets offrent de belles occasions aux artistes émergents de faire circuler leur spectacle dans différents quartiers de la ville et de se faire connaître. La gratuité des activités permet aux agentes et aux agents culturels de prendre des risques dans l’élaboration de leur programmation et ainsi de favoriser la découverte de nouveaux artistes et de nouvelles formes d’arts.

En permettant au public de découvrir une grande variété d’artistes gratuitement, les maisons de la culture contribuent à initier les usagers à des formes d’arts qu’ils connaissaient moins et à installer une habitude culturelle qui rejaillit sur tout le milieu culturel montréalais. À l’aube des années 2000, ce réseau est devenu un acteur incontournable dans la diffusion culturelle montréalaise en touchant les citoyens dans leur quartier.

Références bibliographiques

CHEVALIER, W. « Les Maisons de la Culture à Montréal », Vie des arts, vol. 30, no 120), 1985, p. 42–45. https://www.erudit.org/en/journals/va/1985-v30-n120-va1161924/54110ac.pdf

LAFORTUNE, Benoît. « Les maisons de la culture », Possibles, vol. 16, no 1, 1992, p. 75-94.

NICHOLSON, Georges. La Chapelle historique du Bon-Pasteur : La maison de la musique, Montréal, Druide, 2014.

PAQUIN, Jean. Art, public et société, l’expérience des Maisons de la culture de Montréal, Montréal, Éditions Hurtubise, 1996, 122 p.

PAQUIN, Jean. « La place des Maisons de la Culture de Montréal dans le réseau institutionnel de l’art », Possibles, vol. 9, no 4, 1985, p. 100-106.

Ville de Montréal. Les maisons de la culture : un choix d’accessibilité, Ville de Montréal, 1994.

Une série d'entrevues ont été réalisées en 2021 et en 2022 avec des personnes ayant travaillé dans le réseau des maisons de la culture. Les entrevues suivantes ont servi à l’écriture du présent article :

  • Louise Matte et Joanne Germain, 5 novembre 2021
  • Paul Langlois, 5 novembre 2021
  • Sylvain Galarneau, 5 novembre 2021
  • Martin-Philippe Côté, 5 novembre 2021
  • Jean Paquin, 29 mars 2022
  • Claude Toupin, 4 avril 2022
  • Guy Soucie, 30 mars 2022