Accessibles et audacieuses, les maisons de la culture de Montréal sont, dès les années 1980, des lieux innovants de démocratisation culturelle.
Spectacle Strada
En choisissant d’implanter les maisons de la culture au cœur des quartiers, l’administration Drapeau-Lamarre souhaite briser la barrière géographique. Les maisons sont facilement accessibles à pied ou en métro. La gratuité permet quant à elle d’éliminer la barrière économique. La barrière culturelle, qui fait en sorte que tous ne se reconnaissent pas dans ce qu’on leur présente, est aussi au cœur de l’action et du travail des maisons. Dès les débuts, des projets emballants ambitionnent d’exposer des publics variés à différentes formes d’arts. Les maisons deviennent ainsi des ponts entre les artistes et les citoyens dans l’espoir de faire rayonner l’art et la création.
Collaborations avec le milieu scolaire
Aahuntsic architecte de l'imaginaire
Entendant bien ce qui freine la fréquentation culturelle, il décide, en collaboration avec l’agent culturel de Rivière-des-Prairies de tout mettre en place pour offrir un « clés en main » aux écoles, en respectant leurs contraintes. Il prévoit, avec les artistes, des spectacles dont la durée est conforme aux contraintes scolaires, propose des activités adaptées pour les différents cycles, dans une salle à la fine pointe de la technologie qui n’est généralement pas utilisée les jours de semaines. Avec l’équivalent des ressources qu’une école aurait allouées à un spectacle, la maison de la culture peut proposer plusieurs spectacles, adaptés aux différents cycles du primaire, et en faire bénéficier plusieurs écoles du quartier et de Rivière-des-Prairies. En deux ans, le programme réussit à joindre plus d’une trentaine d’écoles. Les élèves de ces écoles voient alors 3 spectacles par année, pour un total de 21 spectacles pendant les 7 années que dure leur parcours au primaire.
Une belle collaboration s’établit avec les directions d’écoles et les enseignants du quartier qui participent au choix des spectacles. Au fil du temps, l’habitude culturelle se crée chez ces enfants. Après la déconfessionnalisation des écoles en 2000, la maison de la culture Rivière-des-Prairies collabore à d’autres programmes scolaires avec la maison de la culture Pointe-aux-Trembles, située plus près, puisque les écoles de ces quartiers font alors partie de la même commission scolaire, ce qui n’était pas le cas auparavant. Le programme L’école et les arts, quant à lui, se poursuit au fil des années suivantes et, en septembre 2021, il entamait sa 28e saison. La plupart des maisons de la culture ont ainsi développé des programmes scolaires pour créer des liens entre les artistes et les élèves.
Dans les années 1990, les agentes culturelles des maisons de la culture Côte-des-Neiges et Notre-Dame-de-Grâce sont aussi parmi les premières à mettre sur pied un comité scolaire, à la demande d’une directrice d’une école primaire du quartier. Le comité scolaire de ces maisons élabore des projets avec les écoles primaires, puis secondaires. Des projets similaires voient aussi le jour à la maison de la culture Villeray où le programme L’enfant et les arts est créé en 1993. Il est suivi par la mise en place du comité culturel Arts jeunesses pour les écoles secondaires au cours des années suivantes.
Oser découvrir
« Je pense que ça a un impact important de permettre à des gens de réaliser qu’ils peuvent avoir du plaisir en allant dans une salle de spectacle ou en allant voir une exposition. […] Moi, parmi les meilleurs moments que j’ai eus comme agent culturel, c’était d’aller me planter en bas de l’escalier à la fin des spectacles. […] Quand les gens arrivaient et nous disaient : “Vous avez eu raison d’insister pour que je prenne un laissez-passer pour venir voir ce show-là. Parce que je ne l’aurais pas fait.” » ― Sylvain Galarneau, ancien agent culturel
Inauguration violonistes
Après avoir assisté à des spectacles gratuits dans les maisons, certains développent le goût d’acheter des billets dans des lieux plus spécialisés. Dans les maisons de la culture, les gens peuvent se permettre d’essayer des choses qu’ils ne connaissaient pas, sans se soucier du prix.
La possibilité de présenter des spectacles gratuitement permet aussi aux maisons de la culture de faire des choix parfois plus audacieux dans leur programmation, de présenter des œuvres expérimentales et d’encourager la création de nouvelles œuvres. Elles font une place importante aux artistes de la relève, à qui elles offrent une première occasion de se produire dans un contexte professionnel, de recevoir un cachet et de circuler dans différents lieux. Si huit ou neuf maisons présentent un spectacle, cela peut représenter un contrat important pour un artiste qui débute. Des collaborations avec des artistes qui vivent en région permettent aussi de faire connaître leur travail à Montréal et les maisons sont souvent également des partenaires de choix pendant tout le processus d’incubation.
Des maisons à l’écoute
Projet de murale dans le parc Howard
CHEVALIER, Willie. « Les Maisons de la Culture à Montréal », Vie des arts, vol. 30, no 120, 1985, p. 42-45.
LAFORTUNE, Benoît. « Les maisons de la culture », Possibles, vol. 16, no 1, 1992, p. 75-94.
NICHOLSON, Georges. La Chapelle historique du Bon-Pasteur : La maison de la musique, Montréal, Druide, 2014.
PAQUIN, Jean. « La place des Maisons de la Culture de Montréal dans le réseau institutionnel de l’art », Possibles, vol. 9, no 4, 1985, p. 100-106.
Ville de Montréal. Les maisons de la culture : un choix d’accessibilité, Ville de Montréal, 1994.
Une série d'entrevues ont été réalisées en 2021 et en 2022 avec des personnes ayant travaillé dans le réseau des maisons de la culture. Les entrevues suivantes ont servi à l’écriture du présent article :
- Louise Matte et Joanne Germain, 5 novembre 2021
- Paul Langlois, 5 novembre 2021
- Sylvain Galarneau, 5 novembre 2021
- Martin-Philippe Côté, 5 novembre 2021
- Luce Botella, 30 mars 2022
- Danièle Racine, 30 mars 2022