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Les maisons de la culture : des lieux de découverte et d’accessibilité

30 septembre 2022

Accessibles et audacieuses, les maisons de la culture de Montréal sont, dès les années 1980, des lieux innovants de démocratisation culturelle.

Spectacle Strada

Quatre hommes jouent des instruments de musique sur les escaliers extérieurs en pierre d’un bâtiment.
Maison de la culture Côte-des-Neiges
À la fin des années 1970, plusieurs villes à travers le monde deviennent des acteurs importants de la démocratisation culturelle. Le projet des maisons de la culture, mis sur pied par Yvon Lamarre à Montréal, s’inscrit dans ce contexte. La vocation de ces lieux de proximité est de rendre la culture accessible au maximum de Montréalaises et de Montréalais. Pour démocratiser la culture, il faut faire tomber les différents types d’obstacles à la fréquentation culturelle. Ces réflexions guident le fonctionnement des maisons.

En choisissant d’implanter les maisons de la culture au cœur des quartiers, l’administration Drapeau-Lamarre souhaite briser la barrière géographique. Les maisons sont facilement accessibles à pied ou en métro. La gratuité permet quant à elle d’éliminer la barrière économique. La barrière culturelle, qui fait en sorte que tous ne se reconnaissent pas dans ce qu’on leur présente, est aussi au cœur de l’action et du travail des maisons. Dès les débuts, des projets emballants ambitionnent d’exposer des publics variés à différentes formes d’arts. Les maisons deviennent ainsi des ponts entre les artistes et les citoyens dans l’espoir de faire rayonner l’art et la création.

Collaborations avec le milieu scolaire

Aahuntsic architecte de l'imaginaire

Six garçons et filles regardent des photos collées sur le plafond et les murs d’une petite maison.
Maison de la culture Ahuntsic
Dans les années 1990, nombreuses sont les maisons de la culture qui travaillent avec les écoles pour offrir des activités culturelles aux enfants de leur quartier. Alors qu’il était agent à la maison de la culture Mercier, dans les années 1990, Sylvain Galarneau constate que ses enfants, qui fréquentent les écoles du quartier, ne font aucune activité culturelle dans un cadre scolaire. Intrigué, il rencontre les directions d’école pour en comprendre les raisons. Il constate rapidement que des facteurs très pratiques, entre autres budgétaires, mais aussi d’horaire, freinent la planification de ces activités. Il n’est alors pas toujours simple pour une classe de son quartier d’assister à un spectacle au centre-ville à 10 heures, compte tenu des horaires scolaires, du temps, de la location du transport et de la nécessité d’être de retour pour le dîner.

Entendant bien ce qui freine la fréquentation culturelle, il décide, en collaboration avec l’agent culturel de Rivière-des-Prairies de tout mettre en place pour offrir un « clés en main » aux écoles, en respectant leurs contraintes. Il prévoit, avec les artistes, des spectacles dont la durée est conforme aux contraintes scolaires, propose des activités adaptées pour les différents cycles, dans une salle à la fine pointe de la technologie qui n’est généralement pas utilisée les jours de semaines. Avec l’équivalent des ressources qu’une école aurait allouées à un spectacle, la maison de la culture peut proposer plusieurs spectacles, adaptés aux différents cycles du primaire, et en faire bénéficier plusieurs écoles du quartier et de Rivière-des-Prairies. En deux ans, le programme réussit à joindre plus d’une trentaine d’écoles. Les élèves de ces écoles voient alors 3 spectacles par année, pour un total de 21 spectacles pendant les 7 années que dure leur parcours au primaire.

Une belle collaboration s’établit avec les directions d’écoles et les enseignants du quartier qui participent au choix des spectacles. Au fil du temps, l’habitude culturelle se crée chez ces enfants. Après la déconfessionnalisation des écoles en 2000, la maison de la culture Rivière-des-Prairies collabore à d’autres programmes scolaires avec la maison de la culture Pointe-aux-Trembles, située plus près, puisque les écoles de ces quartiers font alors partie de la même commission scolaire, ce qui n’était pas le cas auparavant. Le programme L’école et les arts, quant à lui, se poursuit au fil des années suivantes et, en septembre 2021, il entamait sa 28e saison. La plupart des maisons de la culture ont ainsi développé des programmes scolaires pour créer des liens entre les artistes et les élèves.

Dans les années 1990, les agentes culturelles des maisons de la culture Côte-des-Neiges et Notre-Dame-de-Grâce sont aussi parmi les premières à mettre sur pied un comité scolaire, à la demande d’une directrice d’une école primaire du quartier. Le comité scolaire de ces maisons élabore des projets avec les écoles primaires, puis secondaires. Des projets similaires voient aussi le jour à la maison de la culture Villeray où le programme L’enfant et les arts est créé en 1993. Il est suivi par la mise en place du comité culturel Arts jeunesses pour les écoles secondaires au cours des années suivantes.

Oser découvrir

« Je pense que ça a un impact important de permettre à des gens de réaliser qu’ils peuvent avoir du plaisir en allant dans une salle de spectacle ou en allant voir une exposition. […] Moi, parmi les meilleurs moments que j’ai eus comme agent culturel, c’était d’aller me planter en bas de l’escalier à la fin des spectacles. […] Quand les gens arrivaient et nous disaient : “Vous avez eu raison d’insister pour que je prenne un laissez-passer pour venir voir ce show-là. Parce que je ne l’aurais pas fait.” » ― Sylvain Galarneau, ancien agent culturel

Inauguration violonistes

Neuf violonistes et un violoncelliste jouent sur une scène. Un chef d’orchestre dirige l’ensemble.
Maison de la culture Marie-Uguay
La relation privilégiée qu’entretiennent les employés des maisons avec les habitués qui participent à leurs activités les mène parfois à leur en proposer de nouvelles. Lorsqu’un usager des maisons vient pour un spectacle, nombreux sont les agents qui en annoncent un autre, auquel il n’aurait peut-être pas pensé.

Après avoir assisté à des spectacles gratuits dans les maisons, certains développent le goût d’acheter des billets dans des lieux plus spécialisés. Dans les maisons de la culture, les gens peuvent se permettre d’essayer des choses qu’ils ne connaissaient pas, sans se soucier du prix.

La possibilité de présenter des spectacles gratuitement permet aussi aux maisons de la culture de faire des choix parfois plus audacieux dans leur programmation, de présenter des œuvres expérimentales et d’encourager la création de nouvelles œuvres. Elles font une place importante aux artistes de la relève, à qui elles offrent une première occasion de se produire dans un contexte professionnel, de recevoir un cachet et de circuler dans différents lieux. Si huit ou neuf maisons présentent un spectacle, cela peut représenter un contrat important pour un artiste qui débute. Des collaborations avec des artistes qui vivent en région permettent aussi de faire connaître leur travail à Montréal et les maisons sont souvent également des partenaires de choix pendant tout le processus d’incubation.

Des maisons à l’écoute 

Projet de murale dans le parc Howard

Six personnes sont debout devant une muraille peinte sur un mur de brique. Une personne est agenouillée.
Maison de la culture Claude Léveillée
Pour atteindre les gens, les agents culturels doivent être à l’écoute de leurs besoins. Qu’il s’agisse des aînés, de communautés culturelles ou de jeunes adultes, il est important de les écouter et de se rapprocher des lieux qu’ils fréquentent. À partir du début des années 2000, les maisons sont nombreuses à s’investir dans la médiation culturelle, pour aller à la rencontre des populations qui ne les fréquentent pas. Le programme Hors les murs, lancé par la maison de la culture de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, propose précisément de rejoindre les citoyens du quartier dans les lieux qu’ils fréquentent et de collaborer avec des organismes du quartier pour monter des activités culturelles qui soient signifiantes. La maison de la culture Côte-des-Neiges embauche très rapidement un médiateur culturel pour créer des liens avec des clientèles du quartier. À la maison de la culture Ahuntsic-Cartierville, depuis 2009, trois ou quatre projets de médiations culturelles sont conçus et réalisés chaque année, ce qui permet un rapprochement avec les organismes et les gens du quartier. Parmi ceux-ci, le projet Ma planète/mon école : Québec/Afrique permet aux élèves de découvrir la musique, la danse et la culture africaine et suscite beaucoup d’enthousiasme. Des projets réseau en médiation culturelle, comme le projet Un million d’horizons en 2017, mis en place à l’occasion du 375e anniversaire de Montréal, puis le projet Nos maisons né pendant la pandémie permettent de créer des liens avec des Montréalaises et des Montréalais dans plusieurs arrondissements et maisons. L’engagement des maisons pour toucher les gens dans leur quartier et pour leur donner l’envie de faire une place à la culture dans leur vie en fait des institutions municipales d’une grande importance.

Références bibliographiques

CHEVALIER, Willie. « Les Maisons de la Culture à Montréal », Vie des arts, vol. 30, no 120, 1985, p. 42-45. 

LAFORTUNE, Benoît. « Les maisons de la culture », Possibles, vol. 16, no 1, 1992, p. 75-94.

NICHOLSON, Georges. La Chapelle historique du Bon-Pasteur : La maison de la musique, Montréal, Druide, 2014.

PAQUIN, Jean. « La place des Maisons de la Culture de Montréal dans le réseau institutionnel de l’art », Possibles, vol. 9, no 4, 1985, p. 100-106.

Ville de Montréal. Les maisons de la culture : un choix d’accessibilité, Ville de Montréal, 1994.

Une série d'entrevues ont été réalisées en 2021 et en 2022 avec des personnes ayant travaillé dans le réseau des maisons de la culture. Les entrevues suivantes ont servi à l’écriture du présent article :

  • Louise Matte et Joanne Germain, 5 novembre 2021
  • Paul Langlois, 5 novembre 2021
  • Sylvain Galarneau, 5 novembre 2021
  • Martin-Philippe Côté, 5 novembre 2021
  • Luce Botella, 30 mars 2022
  • Danièle Racine, 30 mars 2022