Tour à tour résidence de gouverneur, de la Compagnie des Indes, de l’armée d’invasion américaine, cour de justice, école, faculté d’université et musée, le Château Ramezay raconte toute une histoire!
Château Ramezay vers 1870
Situé en face de l’hôtel de ville, rue Notre-Dame Est, le Château Ramezay ne se laisse pas impressionner par ce voisin plus imposant et grandiose. Il attire les regards, bien qu’il n’ait que deux étages (dont un étage de comble), avec ses vieilles pierres grises, ses jolis auvents rouges et sa tourelle. Il a de quoi pavoiser lui aussi, car certaines de ses pierres datent de l’époque où Montréal n’était qu’une petite colonie même pas encore fortifiée. L’édifice a toutefois subi plusieurs modifications majeures et ne ressemble plus guère à la résidence que fit construire Claude de Ramezay en 1705.
Claude de Ramezay devient gouverneur de Montréal en 1704 et, dès l’année suivante, il se fait construire, par le maçon Pierre Couturier, un manoir en pierre de 18 mètres sur 11, avec deux étages, un grenier et des caves. Un grand jardin entoure la résidence. Elle est vendue à la Compagnie des Indes occidentales par les descendants de Ramezay en 1745. Dix ans plus tard, la Compagnie fait construire un nouvel édifice, en conservant toutefois une partie des fondations et les pierres. Elle fait ainsi porter les dimensions de l’édifice à 30 mètres sur 15, en plus d’y faire construire des caves voûtées afin d’y installer des entrepôts. C’est le maçon Paul Tessier, dit Lavigne, et le charpentier Joseph Dufaux qui sont en charge des travaux.
Un exemple de l’architecture domestique du Régime français
Château Ramezay
Les murs, épais de plus d’un mètre à certains endroits, sont recouverts d’un crépi à base de chaux. Sur la façade, on distingue une rangée d’esses en fer fixés dans les solives des planchers de l’étage. Les lucarnes à la française, comme les portes et les dessus de foyers, sont encadrées de pierres dressées. L’absence de couloirs, une caractéristique de l’architecture domestique du Régime français, explique la division de l’intérieur en une série de pièces à l’avant et à l’arrière. Notons aussi les doubles cheminées qui donnent une allure particulière à ce bâtiment.
La nouvelle construction accueille non seulement la Compagnie des Indes, mais loge aussi son agent général et sa famille. Après la Conquête, l’édifice est acheté par un négociant, puis loué au gouvernement. Ce sera la résidence des gouverneurs lorsqu’ils sont à Montréal jusqu’en 1830, exception faite de l’épisode d’occupation de la ville par les Américains en 1775-1776, c’est là qu’ils choisiront d’établir leur quartier général. On y trouve aussi des bureaux administratifs. Des travaux seront faits entre 1812 et 1830, qui modifieront le comble. Par la suite, le gouvernement lui donnera différentes fonctions administratives : l’édifice servira de cour de justice, accueillera le département de l’éducation, de même que l’École normale Jacques-Cartier, puis les facultés de médecine et de droit de l’Université Laval.
Château Ramezay - Tourelle en 1935
Entre-temps, le gouvernement fédéral aura vendu la propriété au gouvernement provincial en 1872, qui la vendra à son tour à la Ville en 1895. C’est à ce moment que la Société d’archéologie et de numismatique s’y installe et que d’autres importants travaux sont apportés, dont l’ajout de cette fameuse tourelle, qu’on croit très ancienne, mais qui date en réalité de 1903.
Premier édifice classé monument historique par le gouvernement du Québec en 1929, le Château Ramezay a été entièrement rénové au milieu des années 1970. À cette occasion, les magnifiques lambris d’acajou Louis XV, attribués au décorateur français Germain Boffard (1667-1754), ont été installés dans la salle de Nantes.
Cet article est paru dans le numéro 24 du bulletin imprimé Montréal Clic, publié par le Centre d’histoire de 1991 à 2008. Il a été mis à jour en 2015.
Ucal-Henri Dandurand était passionné par la mécanique et notamment par cette nouvelle machine qu’était l’automobile. Au début du XXe siècle, il achetait une Dion-Bouton 1898. Premier Montréalais à rouler sur un de ces engins, il était aussi le premier Québécois à en faire immatriculer un. Pour un dollar, il fit peindre « Q1 » à l’arrière de sa voiture. Contemporain de l’ouverture du musée, Dandurand franchit peut-être les arches du château Ramezay au volant (ou plutôt aux manettes) de sa Dion-Bouton. Celle-ci y prend maintenant un repos bien mérité.
Avant-après : Le Château Ramezay
280, rue Notre-Dame Est, Montréal
2010. Reconstitution numérique du château Ramezay en 1706, par François Villemaire. © Château Ramezay.
2014. Château Ramezay, par Denis-Carl Robidoux. Centre d’histoire de Montréal.