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La Société d’Archéologie et de Numismatique de Montréal

19 janvier 2016
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L’élite montréalaise du XIXe siècle forme de nombreuses sociétés savantes pour favoriser la science et la culture. L’une d’entre elles lutte déjà pour préserver le patrimoine montréalais.

Société d’archéologie et de numismatique de Montréal - périodique The Canadian

Première page de couverture d’une édition de 1931 du périodique The Canadian Antiquarian and Numismatic Journal.
Vol. II, no 1-4, 1931. Première page de couverture d’une édition de 1931 du périodique The Canadian Antiquarian and Numismatic Journal.
Au XIXe siècle, la volonté d’éduquer s’abreuve des rapides progrès techniques et de l’ouverture du champ des connaissances. C’est à cette époque que le gouvernement provincial organise l’instruction publique et qu’apparaît la presse à grand tirage. En fait, divers moyens sont utilisés pour diffuser un savoir en expansion et, notamment, l’élite montréalaise forme de nombreuses sociétés savantes au sein desquelles de petits musées sont mis sur pied, puis ouverts au public.

En 1862, deux groupes de numismates montréalais étudiant la monnaie et les médailles s’unissent. La Natural History Society of Montreal rassemble les amateurs d’histoire naturelle anglophones depuis 1827, et les passionnés d’histoire d’origine canadienne-française se réunissent au sein de la Société historique de Montréal dès 1858. La fusion de ces deux sociétés regroupe alors une vingtaine de représentants de la bonne société montréalaise.

La sauvegarde du patrimoine montréalais

Adélard-Joseph Boucher

Portrait d’Adélard-Joseph Boucher.
Adélard-Joseph Boucher, Archives de la Ville de Montréal, BM001-05-P0197.
Très tôt, avec l’adhésion de nouveaux membres, leur société s’intéresse à l’étude de l’histoire canadienne et prend le nom de Société d’Archéologie et de Numismatique de Montréal. Selon le Répertoire du patrimoine culturel du Québec, en 1866, la société change son nom pour celui de l’Antiquarian and Numismatic Society, après avoir intégré les études archéologiques à ses activités, et elle adopte un sceau officiel. Dans sa version française, le mot Antiquarian est traduit par « archéologie ». Elle est l’une des plus anciennes associations à promouvoir la mise en valeur et la sauvegarde du patrimoine montréalais. Ses membres font des lectures d’ouvrages et entretiennent une correspondance avec 125 académies scientifiques réparties dans 20 pays. À partir de 1872, ils publient le Canadian Antiquarian and Numismatic Journal qui traite de monnaie et de l’histoire du jeune pays.

Les fondateurs de la Société, Adélard-Joseph Boucher et Stanley Clark Bagg, avaient la ferme intention de fonder une association biculturelle exprimant leur vision de Montréal. Le premier était marchand d’instruments de musique, organiste, maître de chapelle et chef d’orchestre du Gésu. Il dirigeait aussi la Revue des Beaux-arts et le mensuel Canada musical. Le second était notaire, chroniqueur et riche héritier et avait été l’un des organisateurs des festivités de l’été 1860 lors de l’inauguration du pont Victoria et de la visite du prince de Galles.

Des bourgeois montréalais patriotes

Stanley Clarke Bagg

Portrait de Stanley Clarke Bagg en 1863.
Stanley Clarke Bagg, Montréal, QC, 1863, Musée McCord, I-5660.1.
Puis, au cours des années suivantes, d’autres grands Montréalais se sont joints à la Société. Pierre-Joseph-Olivier Chauveau, poète patriote et romancier, s’intéressa à l’éducation et fut premier ministre du Québec de 1867 à 1873. Louis-François-Georges Baby, fonctionnaire, politicien, juge et collectionneur, fut l’un des fondateurs de Joliette et inaugura le musée du château Ramezay en 1896. N’oublions pas l’incontournable William Notman qui réalisa une intéressante photo composite de ses camarades numismates en 1894.

Ces bourgeois montréalais, ces messieurs à gibus, tous très actifs dans leur domaine, avaient en commun l’amour du jeune dominion. Pour eux, la sauvegarde du patrimoine et l’éducation de la jeunesse étaient des éléments essentiels à la construction de la grande nation à laquelle ils rêvaient. Dans les années 1880, la Société organise une exposition de portraits historiques des bâtisseurs du pays, œuvrant ainsi à la construction d’un patriotisme canadien. Cette volonté de promouvoir et de consolider un sentiment national canadien chez les deux groupes fondateurs était manifeste dans les propos et les activités de la Société. Entre 1890 et 1895, elle installe plus de 50 plaques commémoratives aux endroits d’importance historique de Montréal.

Un musée au château Ramezay

Société d’archéologie et de numismatique de Montréal vers 1930

Divers membres de la Société d’archéologie et de numismatique de Montréal vers 1930.
© Château Ramezay – Musée et site historique de Montréal, 1998_6276.
Si la Société est plongée dans le passé, elle est aussi bien plantée dans le présent et jette vers l’avenir un regard plein d’optimisme. Ainsi, pour le 250e anniversaire de Montréal, la Société souhaite organiser une exposition internationale qui ferait rayonner la métropole du jeune dominion en présentant à la face du monde les énormes progrès matériels qu’on y avait effectués depuis un passé récent. Apparaît alors chez les membres de la Société l’intention d’ouvrir un musée permanent où ils pourraient exposer leur collection et constituer une bibliothèque afin d’éduquer la jeunesse. Les membres s’intéressent aussi à la sauvegarde du patrimoine architectural de Montréal. En 1893, le gouvernement provincial décide de vendre aux enchères le château Ramezay. Ce précieux témoin du passé de ce pays est alors menacé par un projet de démolition. La Société s’élève contre la disparition de ce bâtiment et voit en lui un endroit idéal pour créer son musée et la Galerie nationale de portraits historiques.

La Société et ses membres les plus influents entreprennent des démarches auprès de la Ville de Montréal afin qu’elle acquière le bâtiment. Celle-ci finit par le leur louer. La Société emménage dans le château le 1er mai 1895. Enfin, le soir du 9 avril 1896, la Galerie nationale et le musée d’histoire canadienne sont inaugurés au château Ramezay devant le Tout-Montréal victorien. Ce musée d’histoire est pleinement de son époque et regarde le passé avec les intérêts d’alors.

Au milieu du XIXe siècle, parmi les gens aisés regroupés en sociétés savantes, des hommes éclairés s’intéressaient donc à leur science favorite et discutaient des profondes mutations que subissait Montréal. Plusieurs des membres de la Société d’Archéologie et de Numismatique de Montréal ont joué divers rôles de premier plan dans la communauté montréalaise et canadienne de leur temps. Ils sont le reflet de Montréal à son âge d’or.

Cet article est paru dans le numéro 24 du bulletin imprimé Montréal Clic, publié par le Centre d’histoire de 1991 à 2008. Il avait été rédigé par le Château Ramezay. Il a été remanié en 2015 par Anne Gombert.

« Q1 » ou l'ère de la plaque

Ucal-Henri Dandurand était passionné par la mécanique et notamment par cette nouvelle machine qu’était l’automobile. Au début du XXe siècle, il achetait une Dion-Bouton 1898. Premier Montréalais à rouler sur un de ces engins, il était aussi le premier Québécois à en faire immatriculer un. Pour un dollar, il fit peindre « Q1 » à l’arrière de sa voiture. Contemporain de l’ouverture du musée, Dandurand franchit peut-être les arches du château Ramezay au volant (ou plutôt aux manettes) de sa Dion-Bouton. Celle-ci y prend maintenant un repos bien mérité.