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Montréal, ville américaine?

12 novembre 2018
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Saviez-vous que Montréal manqua devenir américaine, et avec elle tout le Québec, parce que les colons de la Nouvelle-Angleterre se révoltaient contre leur mère patrie?

Détail d'une carte de 1777

Détail d’une carte de la vallée du Saint-Laurent et des frontières avec New York et la Nouvelle-Angleterre
Library of Congress Geography and Map Division Washington, D.C.
En ce 13 novembre 1775, les Montréalais voient défiler dans leurs rues une deuxième armée d’invasion en l’espace de 15 ans : les Américains, qui ont ouvert les hostilités avec les Britanniques quelques mois plus tôt, marquent le début de leur révolution en essayant de l’étendre au Québec.

L’agitation politique des Treize Colonies s’accroît lentement après la disparation de la Nouvelle-France mais s’accélère subitement en 1774 à cause de l’Acte de Québec. Promulguée par Londres, cette nouvelle constitution reconnaît un statut officiel à la religion catholique au Canada et étend le territoire de la Province of Quebec jusqu’au sud des Grands Lacs. Riche bassin pour la traite des fourrures, cette région est une véritable mine d’or pour les marchands de Montréal.

Invasion américaine

Major-général Richard Montgomery

Gravure du major-général Richard Montgomery
Bibliothèque et Archives Canada. Mikan 2905433.
Réuni à Philadelphie, le Congrès continental conteste cette décision anglaise tout en tentant de convaincre les Canadiens de se joindre au mouvement de révolte en leur envoyant des messages officiels en 1774, 1775 et 1776. Aux grands mots s’ajoutent les grands moyens à partir de la fin de l’été 1775 : les Américains envahissent le Québec!

Forte d’environ 2000 hommes, l’armée du Congrès prend le fort Chambly le 17 octobre, puis le fort Saint-Jean le 2 novembre. Montréal est sa prochaine cible. À l’intérieur des murs de la ville, sur la place d’Armes, le gouverneur Guy Carleton passe une dernière fois en revue les 150 soldats de la garde britannique le 11 novembre. Dans les heures suivantes, au moment même où l’acte de capitulation de la ville est rédigé, Carleton réussit à échapper aux patrouilles américaines sur le fleuve en embarquant sur une chaloupe, déguisé en paysan!

Le général américain qui entre à Montréal, Richard Montgomery, n’y reste pas pour l’hiver. Déterminé à prendre Québec, il poursuit Carleton avec son armée et fait sa jonction avec des renforts venus du Maine devant la capitale de la colonie. L’ultime effort des Américains pour s’emparer de Québec ne sera pas couronné de succès : Montgomery est tué à la tête de ses troupes lors d’un assaut le 31 décembre 1775.

Déroute américaine

Lettre aux habitants 1774

Page couverture de la lettre adressée aux habitants de la province de Québec
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Jusqu’au début de l’été 1776, date d’arrivée d’une nouvelle armée britannique qui remonte le Saint-Laurent, Montréal sera occupée par les troupes du Congrès continental. Pour établir leur quartier général, ces dernières retiennent un emplacement de choix : le Château Ramezay. Un invité de marque y séjournera d’ailleurs brièvement au printemps 1776 : Benjamin Franklin. En son titre d’émissaire du Congrès continental, le célèbre homme d’État américain fait usage de tout son charisme pour convaincre les Canadiens de former le 14e territoire des futurs États-Unis.

Un ami imprimeur accompagne Franklin à Montréal : Fleury Mesplet. Il apporte avec lui la première presse à imprimer de la ville; d’abord utilisée pour diffuser la propagande révolutionnaire américaine, elle donnera plus tard naissance à l’ancêtre du journal The Gazette.

Les appels de Franklin et le journal de Mesplet trouvent peu d’échos auprès des habitants du Québec. Quelques centaines s’engagent comme soldats, mais la majorité des Canadiens adopte la neutralité dans un conflit qui semble surtout opposer les colonies anglaises à leur métropole. Le 11 mai 1776, Benjamin Franklin quitte Montréal, précédant l’ensemble de l’armée continentale qui se retire définitivement le 16 juin. L’ambassadeur déçu aurait déclaré qu’il aurait été plus facile d’acheter le Canada aux Britanniques que de tenter de le conquérir!