« Mon pays ce n’est pas un pays, c’est l’hiver ». Heureusement, il y a le hockey pour nous divertir entre deux bordées de neige. Mais à quand remonte l’apparition de ce sport qui fait désormais partie de notre culture?
Pour certains, le hockey s’apparente au jeu de gouret pratiqué par les Gaulois à l’époque de César, ou au jeu de crosse d’origine autochtone. On y voit aussi une certaine parenté avec le bandy, le shintey et le hurley, des sports venus de Grande-Bretagne, que les Montréalais pratiquaient chaussés de patins et armés d’un bâton, en poussant une balle sur la surface glacée du fleuve Saint-Laurent.
Le 3 mars 1875, on annonce pour la première fois à Montréal une partie de hockey entre deux équipes de l’Université McGill. Il ne faut pas croire que dès lors les règles sont celles que l’on trouve aujourd’hui. D’abord composées de huit ou neuf joueurs, les équipes alignent sept joueurs à partir de 1886, en raison de l’apparition de patinoires aux dimensions limitées et des difficultés de recrutement. Cette pratique est à nouveau modifiée en 1911 pour en arriver à la règle de six joueurs que l’on connaît aujourd’hui. Les passes se faisaient vers l’arrière ou sur le côté jusqu’à l’instauration des lignes bleues qui divisent la patinoire en trois zones en 1917. Grâce à cette innovation, la passe vers l’avant est désormais permise. C’est cependant avec l’apparition de la ligne rouge centrale, en 1943, qu’aux yeux de plusieurs débute le hockey moderne.
Du statut amateur au statut professionnel
Tout comme la réglementation, l’organisation du hockey évolue à son tour. Une première association, l’Amateur Hockey Association of Canada, regroupe quatre équipes de Montréal et une d’Ottawa, dans le but de promouvoir et de régir le hockey au Canada. En 1893, on innove en attribuant un trophée à la meilleure équipe amateur : la Coupe Stanley, emblème le plus prestigieux du hockey. La même année Joseph Seagram crée un scandale en rétribuant ses joueurs. Ainsi, ils passent du statut d’amateur au statut de professionnel, vendant leurs services à l’équipe la plus offrante. Cette pratique augure sans doute les salaires faramineux des joueurs dans les années à venir!
Le hockey gagne des adeptes. De 2 équipes en 1875, on passe à 124 en 1893. Des collèges, des universités de même que des employés de compagnie forment des clubs qui se joignent à différentes ligues. Malgré tout, il reste peu populaire chez les Canadiens français. Il faut attendre 1909 pour assister à Montréal à la création d’une équipe de hockey majeur composée principalement de francophones : le Canadien. La fondation du Canadien, souvent présenté comme un produit de l’éternelle rivalité entre Canadiens français et Canadiens anglais, est d’abord et avant tout le résultat d’un calcul purement commercial. Un homme d’affaire anglophone originaire d’Ottawa, Ambrose O’Brien, déjà propriétaire de quatre équipes, a l’idée d’exploiter cette rivalité ethnique et d’établir une équipe entièrement composée de Canadiens français dans l’unique but d’attirer des foules plus nombreuses. Le nom du club, le Canadien, fait bien sûr référence aux colons du Canada sous le Régime français, ancêtres directs des Canadiens français et des Québécois. À l’époque, ce sont les francophones qui sont étiquetés de Canadiens tandis que les Canadiens anglais s’identifient comme Britanniques. Le terme
Habs est une abréviation d’habitant, autre manière de désigner les anciens colons canadiens. À cette époque, les amateurs de hockey ont donc le choix d’applaudir à Montréal les équipes National, Wanderers, Shamrock, All Montreal et le Canadien.
Les arénas se vident, l’attrait demeure
Toutefois, cinq clubs professionnels à Montréal, c’est trop. Après des départs et des fusions, le Canadien reste la seule équipe montréalaise. La situation du hockey à Montréal n’en est pas stable pour autant. La Ligue nationale de hockey, fondée en 1917, tente de s’implanter tout en prenant de l’expansion. C’est ainsi que les Maroons voient le jour, représentant Montréal au sein du circuit Calder. Avec la crise économique des années 1930, les arénas se vident. Ainsi, après avoir évolué de 1924 à 1938, enlevant même deux Coupes Stanley, les Maroons quittent la Ligue nationale de hockey.
Mais l’attrait demeure. Les pages sportives publiées par les journaux, la radiodiffusion des matchs dès 1934 et surtout la venue de la télévision en 1952 permettent au hockey et à la Ligue nationale de toucher de larges couches de la population. Au-delà des barrières linguistique et culturelle, le hockey devient un véritable phénomène culturel. Les noms de Jacques Plante, de Jean Béliveau, de Toe Blake et de bien d’autres sont connus de tous. Les jeunes garçons tentent d’imiter les gestes de leurs idoles en jouant au hockey dans les cours, dans les ruelles ou sur les patinoires improvisées, rêvant de faire partie du « Grand Club ». Que ce soit en chantant les louanges de Maurice Richard ou en incluant dans leurs récits des personnages jouant au hockey, la chanson populaire et le roman québécois n’échappent pas à ce courant.
Aujourd’hui, le hockey atteint son maximum de popularité, surtout durant les séries éliminatoires de la Coupe Stanley. Cependant, il n’est pas à l’abri des critiques : majoration des salaires des joueurs, phénomène de la violence, arbitrage déficient, nombre d’équipes, coût des billets... Depuis près d’un siècle et demi, le hockey occupe donc nos hivers et il est fort à parier que cela continuera encore longtemps.
Cet article est paru dans le numéro 28 du bulletin imprimé Montréal Clic, publié par le Centre d’histoire de 1991 à 2008.