À partir du XIXe siècle, le mont Royal accueille les cimetières de Montréal, le sauvant ainsi de l’urbanisation. Ces lieux abritent aujourd’hui un riche patrimoine, tant funéraire que naturel.
Du premier cimetière, celui de la pointe à Callière, établi hors les murs de la première enceinte de Montréal et miraculeusement conservé malgré les diverses occupations du lieu, aux cimetières intra-muros, dont les plus connus furent celui situé immédiatement derrière la première église Notre-Dame et celui de la Poudrière, à l’angle des rues Saint-Pierre et Saint-Jacques, Montréal a compté de nombreux lieux de sépulture.
Cimetière Saint-Antoine
Le mont Royal préservé grâce aux cimetières
Il est maintenant reconnu par l’ensemble des personnes intéressées par la thématique des « cimetières dans la ville » que les cimetières ont littéralement sauvé le mont Royal de l’envahissement urbain. Heureusement pour nous, à l’époque où ils furent aménagés, le concept des cimetières-jardins était en vogue, et les administrateurs d’alors purent s’inspirer des plus beaux modèles développés aux États-Unis dans les années 1830 avec, entre autres, le cimetière Mount Auburn à Boston.
Cimetières - Mausolée de Darcy McGee
Prise de conscience patrimoniale
Cimetières - Cimetière Mont-Royal, vers 1890
La principale caractéristique des cimetières-jardins réside dans la question de densité, soit un équilibre entre le minéral (les monuments funéraires) et le végétal (la nature environnante). Si le nombre de monuments (il y en a actuellement plus de 100 000 sur la montagne) continue à croître, les cimetières-jardins risquent de perdre cette caractéristique qui les rend si intéressants aujourd’hui. C’est, entre autres choses, dans le but de leur conserver cette particularité qu’est né, en 1991, l’Écomusée de l’Au-Delà, un organisme à but non lucratif qui s’est donné comme mission de préserver et de faire connaître le patrimoine funéraire au Québec. L’Écomusée de l’Au-Delà s’est surtout fait remarquer par son opposition à la construction de mausolées dans le cimetière Notre-Dame-des-Neiges; selon l’organisme, ces bâtiments, où sont conservés des milliers de corps, ne répondent pas à des critères de développement durable et sont incompatibles avec le concept de cimetière-jardin. De son côté, la direction du cimetière Notre-Dame-des-Neiges fait valoir que les mausolées permettent d’économiser de l’espace et procurent des revenus nécessaires à l’entretien du cimetière.
Nouveau regard porté sur les cimetières
Dernièrement, la Commission des biens culturels du Québec a publié plusieurs excellents documents concernant les cimetières, dont un portant sur la typologie des cimetières judéo-chrétiens qui démontrait que les cimetières urbains sont inexorablement destinés à devenir des parcs ou des musées, à cause de leur situation. Dans cette perspective, le concept d’écomusée devient très intéressant, dans le sens qu’un écomusée, contrairement au musée traditionnel, s’intéresse à un territoire et à la population concernée par ce territoire.
L’Écomusée de l’Au-Delà, quant à lui, s’intéresse à un territoire physique, soit le cimetière et ses monuments, qui deviennent un peu la collection de l’écomusée, et à un territoire thématique, à savoir la mort et l’au-delà. En fait, l’ensemble des symboles que l’on trouve dans les cimetières et sur les monuments correspondent à des valeurs, à des croyances religieuses et à des représentations de l’au-delà. Il est essentiel de discerner cette dernière dimension pour bien comprendre les cimetières.
Cet article est paru dans le numéro 46 du bulletin imprimé Montréal Clic, publié par le Centre d’histoire de 1991 à 2008. Il avait été écrit avec la collaboration de l’Écomusée de l’Au-Delà.
BISSON, Pierre-Richard, et Daniel DROUIN. L’histoire du cimetière Notre-Dame-des-Neiges en images et en mots, Montréal, Henri Rivard Éditeur, 2004, 192 p.
YOUNG, Brian. Une mort très digne. L’histoire du cimetière Mont-Royal, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2003, 288 p.