L'encyclopédie est le site du MEM - Centre des mémoires montréalaises

Policier-ambulancier : une fonction révolue

11 janvier 2021
Robert CôtéRobert Côté
Autres collaborateurs
Temps de lecture

De 1959 à 1984, la police de Montréal assure à nouveau le service d’ambulance. Le transport des patients prend une telle ampleur qu’on dit alors que ses agents sont plus ambulanciers que policiers!

La première ambulance de la police de Montréal, tirée par des chevaux, entre en fonction en 1896. Lorsqu’elle n’est pas utilisée pour les malades ou les blessés, les policiers s’en servent pour transporter les criminels. Au début du XXe siècle, cette voiture hippomobile est remplacée par une automobile, mais il s’agit d’un service marginal au sein de la force policière, et il est abandonné avant 1930. En effet, au cours de la première moitié de ce siècle, le transport ambulancier est assuré par des compagnies privées, entre autres, celles des pompes funèbres ou qui sont rattachées aux hôpitaux.

Le scandale des ambulances

Ambulance police

Photographie couleur d’une ambulance noire. Sur la porte du côté conducteur, les mots police et Montréal sont écrits en majuscules. Du même côté, à l’arrière, il y a le mot ambulance. Un gyrophare rouge est visible sur le toit de la voiture.
Archives de la Ville de Montréal. VM94-Ud2-010.
La location de ces voitures par les hôpitaux est problématique à bien des égards. Tout d’abord, ce n’est pas tout le territoire montréalais qui est couvert puisque chaque hôpital dessert une zone définie. De plus, les transporteurs privés prennent du temps à arriver sur les lieux d’un accident et ne sont absolument pas formés pour venir en aide aux personnes ayant besoin d’assistance. D’ailleurs, les médecins rechignent à ce que d’autres intervenants soient en mesure de poser des actes médicaux, même restreints. Au début des années 1950, l’hebdomadaire Dimanche-Matin fait ses choux gras de ce qu’il nomme « le scandale des ambulances ». En effet, le service est si inadéquat que des blessés meurent sur la voie publique avant d’avoir pu être transportés à l’hôpital. La décentralisation et l’inefficacité du service privé deviennent un mal à enrayer pour l’administration municipale.

Le problème des ambulances est un sujet qui préoccupe donc la Ville. En 1956, une commission d’étude se penche sur la question et émet sept recommandations, qui sont notamment que des secouristes formés en bonne et due forme montent à bord des véhicules et qu’une organisation affectée à l’administration de ce service soit créée. Le rapport de la commission est laissé de côté tout comme ses recommandations. Ce n’est que deux ans plus tard, en 1958, qu’un nouveau comité, celui pour le service des ambulances, les fera adopter avec quelques modifications, après avoir consulté les hôpitaux de la région métropolitaine. Le but étant de connaître les besoins de ces institutions en matière de services d’urgence.

La critique principale qui ressort de cette consultation est le manque d’imputabilité et d’uniformité au sein du service ambulancier à Montréal. Dirigé par Albert Guilbault, médecin et conseiller municipal, le comité du service des ambulances explore plusieurs pistes pour remédier aux problèmes. Par exemple, il est question de confier le transport d’urgence aux pompiers ou à la Défense civile, organisme chargé, entre autres, d’intervenir dans le cas d’une attaque nucléaire, et qui a aujourd’hui disparu. Au bout du compte, le comité se range derrière le rapport de la commission d’étude de 1956, et c’est la police qui aura la charge du transport des blessés et des malades, mais sous certaines conditions.

Les policiers-ambulanciers de Montréal

Policiers ambulanciers

Photographie en noir et blanc d’un groupe de policiers en uniforme se tenant debout devant la porte du Montreal General Hospital.
Archives Musée de la police, SPVM.
Une fois la décision entérinée par la Ville, le Service de police se met à l’œuvre. Il se procure 14 voitures familiales (de type station wagon) qui feront office d’ambulances. D’un noir rutilant, elles coûtent 5499 dollars pièce. Le 17 mai 1959, ce sont 120 policiers qui passent les portes de l’hôpital Notre-Dame afin de suivre une formation intensive de 6 semaines en techniques ambulancières. Ce contingent policier représente près du quart de l’effectif de 2711 policiers de l’époque.

Le service d’ambulance est inauguré en grande pompe par le maire Sarto Fournier au Champ-de-Mars le 27 août 1959. Une fois sur la route, les policiers-ambulanciers desservent, dans un premier temps, le centre-ville et les districts situés hors des zones réservées aux hôpitaux. Ces policiers sont habilités à prendre en charge une personne blessée ou malade sur la place publique, à lui prodiguer les soins requis et à la transporter le plus rapidement possible à l’hôpital du secteur, sans nécessairement tenter de la stabiliser, exception faite des cas de défaillance cardiaque pour lesquels l’appareil à oxygène, appelé le « ressuscitateur », devait être utilisé.

Les policiers-ambulanciers travaillent selon des quarts de jour, de soir et de nuit. Tous les deux jours, ils doivent effectuer un nettoyage complet et en profondeur de l’ambulance. Bien entendu, lors d’un incident majeur, ce nettoyage est fait tout de suite après l’intervention. Outre le transport et l’aide aux personnes blessées et malades, les policiers-ambulanciers assurent le transport vers les hôpitaux psychiatriques des personnes ayant des problèmes de santé mentale et ils interviennent lors d’incendies ou d’accouchements prématurés.

Ce nouveau rôle permet à la police de redorer sa réputation égratignée par la critique publique, d’autant plus que le service est gratuit au contraire des services privés qui viennent à domicile. D’ailleurs, il arrive parfois qu’une personne hèle une ambulance sur la rue afin de la diriger vers une résidence privée. Graduellement, chacun des 21 postes de police montréalais sera doté d’une ambulance. Plus le temps avance et moins les policiers-ambulanciers font de la patrouille ce qui finit par poser un problème à la direction de la police. En effet, une bonne partie de son effectif ne fait plus sa tâche principale traditionnelle! On dit même que ces agents sont devenus des ambulanciers-policiers et non plus des policiers-ambulanciers.

En 1982, on revoit cette affectation en raison de l’adoption, l’année précédente, par le gouvernement du Québec, de la loi 27 qui confie l’exclusivité des transports ambulanciers, à Montréal et à Laval, au Centre de coordination des urgences santé qui deviendra Urgences-santé. C’est donc le début de la fin pour les policiers-ambulanciers. Les ambulances policières sont remplacées graduellement par les ambulances jaunes du nouveau service. La dernière ambulance du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal est retirée de la circulation en avril 1984.

Contribution à la recherche : Renaud Béland.

Références bibliographiques

BOURQUE, Marie. « Un policier-ambulancier se raconte », Chronique d’hier à aujourd’hui, Service de police de la Ville de Montréal, juillet 2009.

CÔTÉ, Robert. «­Le policier-ambulancier : une fonction révolue », Chronique d’hier à aujourd’hui, Service de police de la Ville de Montréal, mai 2009.

TURMEL, Jean, Yolande FRENETTE et Jean ARCHAMBAULT. Le service de police de la cité de Montréal (1909-1971). Étude rétrospective sur son organisation, Montréal, Service de Police de la Communauté urbaine de Montréal, 1974, 271 p.