L’entrée des femmes dans le Service de police de Montréal est effective dès la fin du XIXe siècle. Mais, dès lors, leur pleine acceptation a connu bien des reculs et des avancées.
Les femmes sont présentes dans le Service de police de Montréal depuis le XIXe siècle, par exemple, Annie Lajeunesse y entre comme surveillante en 1886. Elle travaille au poste, fouille les criminelles et assure leur surveillance. De plus, elle entreprend des démarches auprès d’organismes afin de trouver un toit aux femmes qui se réfugient dans les postes de police alors qu’elles n’ont nulle part d’autre où aller.
Il s’agit d’un travail plutôt laborieux, si l’on en croit une lettre qu’Annie Lajeunesse écrit en 1898, demandant une augmentation de salaire de 100 dollars. Elle remplit ses fonctions jusqu’à son décès en 1912, et elle est alors remplacée par madame F.-X. Albert. Cette dernière ne suffisant plus à la tâche, le Service embauche deux autres surveillantes : mesdames Charron et MacDonald. Toutefois, il s’agit d’un poste civil et complémentaire au travail des policiers. Il faut attendre 1918 pour que des femmes constables soient acceptées au sein du Service de police de la Ville de Montréal
Lilian Clearihue, première constable
Femme police 1915
Un amendement aux règlements municipaux permet à Lilian Clearihue d’être la première constable assermentée à Montréal le 23 avril 1915. Auparavant, Clearihue était à l’emploi de la Women Christian Temperance Union (WCTU) à titre d’agente d’aide pour les voyageuses seules arrivant dans la métropole, elle devait les diriger vers des ressources fiables et sécuritaires pour trouver un logement. Comme policière, son travail est similaire : elle patrouille dans les environs des gares et d’autres lieux publics. Par contre, en tant que membre de la police, elle a le pouvoir de procéder à des arrestations si cela s’avère nécessaire. Toutefois, Clearihue, bien que constable montréalaise, relève de la WCTU qui la paie et lui donne ses ordres de patrouille. En effet, la Ville n’a prévu aucune infrastructure d’accueil et de travail, ni encore un budget pour assumer son salaire. Son expérience ne dure qu’un temps et elle disparaît rapidement des rangs policiers.
Quatre nouvelles recrues féminines
Policières
Les quatre femmes font leur entrée officielle au sein du Service le 16 juillet 1918, quelques mois avant la fin de la guerre, pour une période de probation de six mois. Bien qu’elles soient des membres à part entière du corps policier, leurs tâches sont plus limitées que celles de leurs collègues masculins. Elles sont cantonnées dans un rôle de travailleuse sociale et traitent presque exclusivement avec une clientèle féminine. Les rapports mensuels de Wand indiquent qu’elle se déplace dans les lieux publics (gares, parcs, cinémas, etc.) susceptibles d’être le théâtre de comportements immoraux et criminels. Elle s’occupe également d’une vingtaine de cas de disparition de femmes. Comme ses consœurs, elle déniche souvent ces filles dans des maisons de prostitution. Elles s’y trouvent soit contre leur gré, soit en rébellion face à l’autorité parentale. Le Red Light, haut-lieu du vice montréalais et cible des mouvements réformistes, semble une destination privilégiée par celles-ci.
L’année 1918 est mouvementée pour le Service de police de Montréal. Le chef Campeau quitte ses fonctions, c’est la débâcle du Service de la sécurité publique, et les policiers déclenchent une grève comme bien d’autres employés municipaux. Le nouveau chef de police, Pierre Bélanger, met fin à l’expérience des femmes constables en 1919. Elles n’auront été en poste que pendant six mois. Une des quatre policières avait déjà démissionné en décembre, mais les trois autres sont remerciées pour des raisons budgétaires, selon le chef Bélanger.
Une embauche permanente
Femmes policières
Ces agentes de police n’ont pas le droit de porter une arme, contrairement aux autres policiers du Service, et reçoivent un salaire de 1500 dollars par année. Alors que les premières constables étaient affectées à la clientèle féminine, ces nouvelles policières sont affectées au Bureau d’aide à la jeunesse où elles doivent, entre autres, faire respecter de stricts règlements sur les salles de cinéma et les revues osées. Bien qu’elles soient parfois appelées à participer à des opérations sous couverture contre la prostitution et le jeu clandestin, elles s’occupent essentiellement des crimes juvéniles et portant atteinte à la moralité.
Après trois années de service, le salaire des policières atteint 2600 dollars, soit 300 dollars de moins que celui de leurs collègues masculins. En 1950, l’effectif policier total est de 1321 personnes incluant 18 policières et 2 sergentes. Ces dernières n’ont toutefois autorité que sur les policières. Il faudra attendre les années 1980 avant que les femmes du Service aient droit aux mêmes salaires et aux mêmes tâches que les policiers.
Merci à Paul-André Linteau pour la relecture de cet article et au Laboratoire d’histoire et de patrimoine de Montréal pour son soutien à la recherche.
Contribution à la recherche : Renaud Béland.
GIROUX, Éric. Les policiers à Montréal : travail et portrait socio-culturel, 1865-1924, mémoire de maîtrise (histoire), Université du Québec à Montréal, 1996, 149 p.
KLABFLEISCH, John. « Second Draft: Montreal’s first policewomen played limited roles », The Montreal Gazette, 28 avril 2017.
https://montrealgazette.com/opinion/columnists/second-draft-montreals-first-policewomen-played-limited-roles
MYERS, Tamara. « Women Policing Women: A Patrol Woman in Montreal in the 1910s », Journal of the Canadian Historical Association / Revue de la Société historique du Canada, vol. 4, no 1, 1993, p. 229-245.
TREMBLAY, Stéphane et Robert CÔTÉ. « Alexandre Comeau, premier chef de la Police de Montréal / Marguerite Cloutier, matricule 13, embauchée en 1947 », Notre mémoire collective, SPVM, janvier 2012.
https://spvm.qc.ca/upload/capsules_historiques/2012/NMC_Janvier2012_Alexandre%20Comeau,%20premier%20chef%20de%20la%20Police%20de%20Montr%C3%A9al.pdf