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La transformation des berges

22 juin 2020
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Les berges de l’île de Montréal ont été grandement transformées par le développement portuaire et l’urbanisation. Des pressions citoyennes ont toutefois permis d’en revitaliser certaines portions.

Située au cœur de l’archipel d’Hochelaga, l’île de Montréal comprend 266,6 km de berges, réparties le long du Saint-Laurent, du lac Saint-Louis et de la rivière des Prairies, auxquelles s’additionnent les berges des autres îles comprises dans le territoire municipal, notamment l’île Sainte-Hélène et l’île Bizard.

Un port en expansion

Les berges vers 1830

Des chaloupes accostées sur des berges gazonnées et escarpées, où plusieurs personnes déambulent au pied de bâtiments anciens.
Musée McCord. M2007.125.7
En 1642, le choix du site retenu pour la fondation de la ville repose en bonne partie sur la qualité des berges du havre formé à l’embouchure de la petite rivière Saint-Pierre. Sous le Régime français, le port qui se développe le long de la ville altère encore peu le rivage. Jusqu’au début du XIXe siècle, les navires accostent en retrait des berges boueuses ou le long de quais temporaires, réaménagés à chaque saison de navigation.

Au début des années 1830, la Commission du havre, nouvellement créée, fait construire plus de 1143 mètres de quais de bois permanents et un mur de soutènement de pierre le long de la rue des Commissaires. L’îlot Normand est aussi rattaché à la rive, faisant disparaître l’embouchure de la rivière Saint-Pierre.

L’expansion du port se poursuit au cours des décennies suivantes et de nouveaux quais sont construits toujours plus à l’est. Au début du XXe siècle, c’est l’ensemble des berges s’étendant de Pointe-Saint-Charles à Longue-Pointe qui se trouvent ainsi occupées par des installations portuaires.

Contrer les inondations

Lac Saint-Louis

Berges naturelles avec des chaloupes et une terrasse surélevée sur laquelle se trouvent des chaises et une table, à proximité du lac.
BAnQ. Fonds ministère de la Culture et des Communications, E6,S7,SS1,P14857.
Les inondations répétées que subit Montréal depuis sa fondation amènent les autorités à aménager une série de digues de protection. Une immense digue complétée en 1901 protégera définitivement la partie centrale de ville du débordement du fleuve, en plus d’éloigner les glaces du port en les repoussant vers l’est.

Ailleurs sur l’île, diverses digues sont également érigées le long des secteurs névralgiques. C’est notamment le cas à Verdun où une digue est aménagée en 1896 et rehaussée à diverses reprises jusqu’en 1915. Une promenade en bois en recouvre une portion. Lors de la prolongation du métro à Verdun, dans les années 1970, une partie de la terre excavée sera déversée le long de la rive et à l’île des Sœurs, rehaussant davantage les berges.

Urbanisation et étalement urbain

Berge de la rivière des Prairies vers 1950

Rivière bordée par des berges couvertes de quelques arbres et arbustes avec au loin un barrage hydroélectrique et divers autres bâtiments.
BAnQ. Fonds Ministère de la Culture et des Communications. E6,S8,SS1,SSS743,D4573.
Jusqu’au début du XXe siècle, la densité du territoire s’étendant le long de la rivière des Prairies reste relativement faible. Les berges sont prisées pour l’établissement de résidences secondaires — souvent des chalets de fortune — et la pratique d’activités de loisir. En plus d’alimenter le moulin de l’île de la Visitation, la rivière sert également de déversoir pour certains égouts collecteurs montréalais.

Au début du XXe siècle, le développement du réseau de tramway et l’implantation d’institutions telles que la prison de Bordeaux, l’hôpital du Sacré-Cœur ou encore le parc Belmont accéléreront l’urbanisation du territoire longeant la rivière. Puis, la construction, à la fin des années 1920, du barrage et de la centrale hydroélectrique, à la hauteur de l’île de la Visitation, transforme considérablement les berges et les rapports des riverains avec la rivière. La mise en activité du barrage aggrave la pollution de la rivière des Prairies, qui est déjà préoccupante. En effet, en modifiant le débit de la rivière, le barrage retient le long des rives les eaux usées qui s’y déversent. Il provoque également des inondations dans les secteurs en amont. Les nombreuses plaintes adressées par des résidants forceront la Montreal Island Power Company, propriétaire du barrage, à réajuster le débit de la rivière.

Du côté du lac Saint-Louis, le paysage agricole disparaît lui aussi peu à peu au profit de la banlieue. À l’ouest de Lachine, des maisons résidentielles, souvent cossues, sont érigées tout le long du « lakeshore » et les berges sont rehaussées afin de prévenir les débordements. Déjà en branle dans les années 1920 et 1930, la croissance de la banlieue s’intensifie après la Deuxième Guerre mondiale. L’occupation de la rive par une succession de propriétés privées limite ainsi l’accès au lac pour les autres résidants de l’ouest de l’île, qui doivent se contenter des fenêtres offertes par quelques parcs et marinas.

Les joies de la baignade

Plage 1937

Plage avec plusieurs dizaines de baigneurs de tous âges, dont certains sont dans l’eau du fleuve, avec au loin le pont Victoria.
BAnQ. Fonds Conrad Poirier, P48,S1,P1174.
En atténuant la vigueur des rapides du Sault-au-Récollet, le barrage de la rivière des Prairies crée des conditions propices à la baignade. Le secteur devient un lieu de prédilection des villégiateurs. En plus des baigneurs, il attire en effet une kyrielle d’amateurs de loisirs aquatiques divers, ainsi que bon nombre de pêcheurs, en aval du barrage. Toutefois, au milieu du XXe siècle, la pollution, devenue de plus en plus préoccupante, l’étalement urbain et la multiplication des ponts finissent par avoir raison des baigneurs et autres villégiateurs, qui désertent les lieux.

Interdite depuis le début du XIXe siècle dans le secteur portuaire, la baignade dans les eaux du fleuve connaît pour sa part un bref regain grâce à l’inauguration de la plage de l’île Sainte-Hélène en 1937. La plage devient un lieu fort prisé des familles montréalaises, qui profitent de l’accès à l’île facilitée par le pont Jacques-Cartier, inauguré en 1930, pour pique-niquer sur la plage et se baigner dans les eaux du fleuve. Malgré sa popularité, la plage disparaîtra lors de l’aménagement du site d’Expo 67, qui transformera radicalement l’île et ses berges.

La reconquête des berges

Berges

Scène au bord de l’eau avec un ciel de soirée aux couleurs chaudes et neuf personnes assises sur un quai.
Centre d’histoire de Montréal
Dès le début du XXe siècle, plusieurs citoyens se font entendre pour réclamer le droit à un accès à l’eau et dénoncer la pollution. Devant l’ampleur de la pollution et de l’urbanisation, des groupes de pression se mobilisent de plus en plus activement dans les années 1970. La désindustrialisation qui frappe alors Montréal constitue l’occasion idéale pour revendiquer un accès aux berges.

Les autorités municipales saisissent ainsi l’occasion et récupèrent dans les années 1980 une partie des rives occupées par des usines désaffectées pour ouvrir des percées sur le fleuve. Les berges du canal Lachine sont réhabilitées et une série de parcs riverains sont aménagés sur tout le pourtour de l’île. En 2019, l’inauguration d’une plage publique à Verdun rend de nouveau possible la baignade dans les eaux du fleuve. Une autre plage devrait également voir le jour dans les prochaines années à Pointe-aux-Trembles.

Références bibliographiques

DAGENAIS, Michèle. Montréal et l’eau : Une histoire environnementale, Montréal, Boréal, 2011, 306 p.

VILLE DE MONTRÉAL. Le parcours riverain. Une route historique riveraine de 180 km à Montréal.

PLOURDE GARANT, Marguerite. La rivière des Prairies de 1500 à nos jours, Montréal, Maison Scribec, 1986, 160 p.

VÉZINA, Denis. Le site des moulins : Parc-nature de l’Île-de-la-Visitation. Guide d’interprétation, Montréal, Cité Historia – Communauté urbaine de Montréal, 1998, 44 p.