L'encyclopédie est le site du MEM - Centre des mémoires montréalaises

Présence scandinave à Montréal

30 novembre 2018
Temps de lecture

Nombreux à transiter par Montréal au XIXe siècle, les Scandinaves s’y installent aussi peu à peu. Leur présence s’affirme à travers la création d’associations au XXe siècle.

Peu de Scandinaves immigrent à Montréal du XVIIe au début du XIXe siècle. Quelques traces subsistent toutefois de la présence ou du passage de Suédois, Norvégiens ou Danois dans la ville.

Les premières traces scandinaves dans la ville

Scandinaves

Groupe d'une trentaine de personnes prenant la pose pour une photo.
Église luthérienne St Ansgar's
Parmi les trois Scandinaves recensés en Nouvelle-France, aucun ne semble s’être établi à Montréal. La majorité des Scandinaves sont alors luthériens, et il faut être catholique pour s’établir dans la colonie française. Un explorateur et botaniste bien connu, habitant en Suède, voyage toutefois à Montréal en 1749. Pehr Kalm, d’origine finlandaise, passe quelques semaines à Montréal, à Québec et dans Charlevoix afin d’y étudier les plantes. Ses écrits témoignent de ses trouvailles en botanique, mais aussi de l’organisation sociale en Nouvelle-France durant ces années.

Pendant le Régime britannique, quelques individus d’origine suédoise sont recensés à Montréal, mais aussi dans d’autres villes de la province. Il faut attendre le début du XIXe siècle pour trouver la trace de nouvelles arrivées. Vers 1812, quelques Suédois débarquent avec le régiment suisse de Meuron, composé de soldats de différentes nationalités. Les registres de mariage des églises montréalaises témoignent de leur présence dans la ville. Jean-Frédérick Rötting, natif de Copenhague, est musicien. Il se marie avec Marie-Victoire Godin à la Christ Church de Montréal en 1816. Huit enfants naissent de cette union. Le nom de la famille se transforme au fil des années et devient Reuting. Quelques années plus tard, en 1839, Henry Lunden, natif de Suède, épouse Catherine Ellis à l’église Notre-Dame de Montréal. Ils auront cinq enfants. Les Scandinaves sont donc à cette époque bien peu nombreux dans la ville.

Débarquer à Montréal entre 1850 et 1900

Scandinaves

Six filles et trois garçons sur le parvis de l'église St Ansgar's.
Église luthérienne St Ansgar's
Des récoltes difficiles, des raisons religieuses, la surpopulation ainsi que des épidémies comptent parmi les raisons qui mènent les ressortissants de pays scandinaves à émigrer au XIXe siècle. Les gouvernements du Canada (ou de la colonie britannique avant 1867) et des États-Unis souhaitent attirer ces immigrants. Entre 1850 et 1875, Québec, puis dans une moindre mesure Montréal sont les principaux ports d’entrée des Scandinaves sur le continent nord-américain. Si la majorité de ces immigrants se dirigent ensuite vers les États-Unis, certains restent au Canada. Quelques centaines de Scandinaves s’établissent dans ce qui deviendra la province de Québec.

Les recensements plus précis réalisés à partir de 1851 permettent de connaître le pays d’origine des habitants du Bas-Canada (future province de Québec). En 1851, 13 personnes nées en Suède ou en Norvège sont dénombrées sur ce territoire. Ces chiffres n’indiquent pas quelle proportion d’entre eux habite à Montréal. En 1861, 229 personnes nées en Suède ou en Norvège sont recensées. Quelques Danois et Finlandais s’ajoutent aussi à ce groupe. Parmi eux, une cinquantaine se trouve dans la petite colonie de Bury dans les Cantons de l’Est. Pendant la même période, des colonies scandinaves s’établissent à Gaspé et au Saguenay et se dispersent. En 1891, on compte 558 Scandinaves dans la province de Québec. Des consuls de plusieurs pays scandinaves sont présents à Montréal pendant cette période. Deux d’entre eux se font d’ailleurs élire à la tête de la société allemande de Montréal, société qui fait la promotion de la culture allemande dans la ville.

Des communautés qui s’enracinent au XXe siècle

Scandinaves - affiche

Affiche de couleur noire de la semaine du cinéma suédois en 1966. Dans le bas de l'affiche, il y a la photo d'une femme devant une maison.
BAnQ Rosemont La Petite-Patrie
En 1901, on recense 708 personnes d’origine scandinave au Québec. Plusieurs d’entre elles habitent à Montréal bien que leur nombre ne soit pas connu exactement. Des associations nationales émergent dès le début du siècle.

Dans les années 1920, une vague d’immigration en provenance de Scandinavie arrive à Montréal. Parmi eux, les immigrants danois, fuyant notamment une situation économique difficile dans leur pays, sont nombreux. Certains choisissent de retourner au Danemark ou ailleurs en Europe, pendant les années 1930, en raison des difficultés liées à la crise économique.

Une vie associative scandinave se met en place durant les années 1920 et 1930. En 1922, le Danish Club of Montreal est fondé par l’homme d’affaires danois Paul Borupun. En 1927, le synode dano-américain crée la Saint Ansgar’s Lutheran Church et nomme à sa tête un pasteur afin de répondre aux besoins grandissants de la communauté danoise luthérienne de la ville. La Danish Ladies’ Aid, fondée l’année suivante, vient en aide aux nouveaux immigrants danois. Un deuxième club danois, la Danish Canadian Society, ouvre ses portes à Montréal en 1935. Du côté norvégien, le Norwegian club of Montreal voit le jour au début du XXe siècle. En 1952, un club suédois est officiellement fondé dans la ville, bien qu’il ait existé officieusement dès la fin des années 1930.

Interrompue par la crise économique et par la Seconde Guerre mondiale, l’immigration scandinave reprend à la fin des années 1940. Bien que modeste, elle connaît une recrudescence au Canada, et à Montréal, dans les années 1950 et 1960. Pendant cette période, la situation économique pousse des milliers de Scandinaves à émigrer. Certains ne sont que de passage à Montréal, d’autres s’y installent et trouvent des associations bien implantées afin de les accueillir. Dans les années 1950 et 1960, la Scandinavian Canadian Society of Montreal organise des activités s’adressant aux immigrants originaires des pays scandinaves.

À partir des années 1980, l’immigration scandinave au Canada, et à Montréal, devient marginale, peu d’émigrants quittent les pays scandinaves pendant ces années. Les associations scandinaves de la métropole évoluent afin de s’adresser davantage à leurs membres établis à Montréal depuis plusieurs décennies. En 2001, 8920 personnes d’origine scandinave étaient recensées dans la région métropolitaine de Montréal. Parmi elles, on dénombrait 2145 Danois, 2890 Norvégiens et 3440 Suédois. En 2006, on comptait 4035 Suédois dans cette même région. Cela représentait 45,9 % de la population suédoise de la province.

En mars 2016, la première édition du Festival Immersif de Kultur et d’Art Scandinave - FIKA(S), qui fait la promotion de la culture et de l’art scandinaves à Montréal, est inaugurée. La musique, le cinéma et la gastronomie scandinaves sont alors mis à l’honneur.

L’Église luthérienne Saint Ansgar’s

Au moment de la création de la congrégation Saint Ansgar’s en 1927, son pasteur loue l’église Redeemer Lutheran Church une fois par semaine afin d’y célébrer le service religieux. En 1939, la congrégation de Saint-Ansgar’s achète l’ancienne résidence de Georges Vanier et s’y installe. Pendant la guerre, l’église accueille les marins danois de passage à Montréal, qui ne peuvent retourner dans le Danemark occupé. La branche montréalaise du Danish Relief Fund, qui vient en aide à ces marins, s’installe dans l’église. Au début des années 1960, la congrégation construit son propre bâtiment dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce. L’église est consacrée le 7 juin 1964. Un modèle de bateau est suspendu au haut de l’église, selon la tradition scandinave, symbolisant le voyage à travers la vie devant la croix, qui guide les marins lorsque la navigation est plus ardue.

Références bibliographiques

BARMER, Victor. St. Ansgar’s Evangelical Lutheran Church, Montréal, Canada 1927-1987, Montréal, 1987.

LOVOLL, Odd. S. Across the Deep Blue Sea. The Saga of Early Norwegian Immigrants. From Norway to America Through the Canadian Gateway, St. Paul, Minnesota Historical Society Press, 2015. 211 p.

MANUSCO, Rebecca, et J. Bodil JENSEN. Faces of change: the Danish community in Montreal, Montréal, Danish Canadian Society of Montreal, 1997. 238 p.

RACINE, Denis. « L’immigration scandinave au Québec de 1608 à 1901 », L’Ancêtre, vol. 42, no 314, 2016, p. 185-193.