Attiré par la Révolution tranquille, le photographe portugais Jorge Guerra s’installe à Montréal en 1970. Il y poursuit une œuvre imprégnée de réalisme et marque la vie culturelle de la métropole.
« Plus que des objets d’art, ma photographie parle de l’histoire et du social, elle est documentaire. »
Jorge Guerra
Jorge Guerra en 1974
En 1964, Jorge Guerra reçoit une bourse de la prestigieuse Fondation Calouste Gulbenkian et s’installe à Londres où il s’inscrit à la London Film School. Il devient, par la suite, directeur de la photographie de plusieurs films, documentaires et publicités, ainsi que photographe. Pendant ces années-là, il part en voyage en Allemagne, en France, en Italie et au Mexique.
Une œuvre empreinte d’affectivité humaniste
Son premier projet photographique, Lisboa, Cidade de Sal e de Pedra (1967), n’est publié qu’en 1984 et repris en 1994. À cette époque, son œuvre est empreinte d’une affectivité humaniste qui rappelle celles de Margaret Bourke-White, August Sander, Henri Cartier-Bresson et Robert Frank.
Jorge Guerra et Denyse Gérin-Lajoie
Jorge travaille au Conservatoire d’Art de l’Université Concordia comme assistant de Serge Losique. De plus, il collabore avec l’équipe du Magazine OVO, une revue d’étudiants sur la photographie du cégep du Vieux-Montréal. En 1974, il quitte son poste à l’Université et se consacre, avec Denyse, à la direction de la revue. Ensemble, ils changent radicalement la structure et le contenu de la revue.
Dès ses débuts au pavillon Athanase-David alors occupé par le cégep du Vieux-Montréal, jusqu’à la période où il utilisait des locaux sur la rue Sainte-Catherine (aujourd’hui l’édifice Quartiers des spectacles), Le Magazine OVO est une revue dédiée exclusivement à la photographie d’investigation sociale..
Sensibiliser la population aux enjeux qui l’entourent
Le Magazine OVO
D’autres volets ont un caractère didactique, comme les numéros historiques sur Lewis Hine, Walkers Evans, William Notman, les photographes de l’agence française VIVA, la photographie mexicaine et la Photo League de New York. De plus, Le Magazine OVO, reconnu au Québec et à l’échelle internationale, s’est consacré à la découverte de photographes locaux, entre autres, Serge Jauvin, Michel Saint-Jean, Claire Beaugrand-Champagne et Gabor Szilasi. De 1974 à 1982, OVO publie un total de 1715 photos, dont 1202 sont l’œuvre de photographes québécois et canadiens.
Une présence incontournable pour la photographie québécoise
Le Magazine OVO
Connue sous plusieurs noms, Le Magazine OVO, OVO, OVO-PHOTO, puis à nouveau Le Magazine OVO, l’équipe Gérin-Lajoie–Guerra publie 62 numéros avant la cessation de leur revue en 1989, année où le Conseil des arts du Canada arrête son financement. En 1992, le Musée d’art contemporain de Montréal (MACM) acquiert les archives administratives de fonctionnement et de publication de la revue sous le nom Fonds Gérin-Lajoie.Guerra OVO. D’autres copies de la revue se trouvent à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Montréal et à Artexte.
En entretien, Jorge Guerra manifeste son souci à propos du futur de ce patrimoine. Conscient de la richesse artistique et historique du centre de documentation du Magazine OVO, qui regroupait 730 titres de livres, 2883 numéros de périodiques et 353 affiches, entre autres, Guerra aimerait que tout ce matériel soit accessible à la consultation publique, surtout aux jeunes, et qu’il soit mis en valeur par des expositions et des services éducatifs.
Un fonds photographique en devenir
Le Magazine OVO
L’œuvre photographique de Jorge Guerra, au long de sa carrière, est imprégnée par un réalisme en constante évolution. La recherche artistique du photographe le conduit à s’exprimer, premièrement, dans le style documentaire noir et blanc, caractéristique de ses photos urbaines. Après cette époque, il poursuit avec l’expérimentation en photomontage, l’emploi de couleurs ainsi que l’instantanéité du polaroïd. Plus tard, et toujours dans une optique créative plus intime, il se sert de son propre corps comme modèle. Puis, il cherche à contrôler et à manipuler le réel de façon à exprimer son imaginaire et la qualité d’auteur de ses compositions.
Malgré son âge avancé, Jorge Guerra est toujours passionné par son art et il continue à faire de la photo. Il participe à de nombreuses conférences et expositions internationales, il édite des livres de photos et il développe plusieurs cours et ateliers sur la photographie. Jorge Guerra partage son temps entre le Canada et le Portugal.
Ce texte a été rédigé avec la collaboration de Joaquina Pires, qui s'est entretenue avec Jorge Guerra le 29 avril 2016 à Lisbonne.
Entretien entre Jorge Guerra et Joaquina Pires, le 29 avril 2016, à Lisbonne.
Entretien téléphonique entre Nisa Remigio et Martine Perreault, adjointe à la gestion des ressources documentaires, Musée d’art contemporain de Montréal, le 19 mai 2016, à Montréal.
Entretien téléphonique entre Nisa Remigio et Anne-Marie Zeppetelli, gestionnaire des collections et des ressources documentaires, Musée d’art contemporain de Montréal, le 20 mai 2016, à Montréal.
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