L'encyclopédie est le site du MEM - Centre des mémoires montréalaises

La jeunesse d’Expo 67 : souvenirs de liberté

23 avril 2025

À la fin des années 1960, la jeunesse conteste l’ordre établi et incarne la modernité. Expo 67 est un des catalyseurs du basculement des jeunes Montréalais dans une ère nouvelle.

Une première nuit blanche, une première cigarette, un premier joint, une première manif, un premier spectacle rock, un premier baiser…

« On utilisait le terme libération. Ce n’était pas juste être libre des restrictions, mais aussi libérer son esprit des restrictions. » — Judy Rebick, 23 ans en 1968

VM94-EX181-009

Photographie en noir et blanc montrant deux garçons accroupis dans l’herbe, l’un essaie de s’allumer une cigarette.
Archives de la Ville de Montréal, VM94-EX181-009.
En 1967, près de la moitié des Québécois et des Québécoises ont moins de 19 ans. Inspirée par les mouvements de contreculture en provenance des États-Unis et bientôt de France, cette génération est sur le point de bousculer l’ordre établi à une vitesse inédite.

On se laisse pousser les cheveux, on expérimente les drogues, on porte le jean que l’on soit fille ou garçon. On rejette l’Église et on investit la rue! Toute domination nationale, raciale, parentale, gouvernementale, religieuse ou sociale se voit contestée. « Soyez réalistes, demandez l’impossible », suggère un slogan de Mai 68, le mouvement français de contestation étudiante, qui prend une ampleur telle qu’il s’étend à la politique, à la culture et aux questions sociales. Comme ses adolescents sortis de leurs quartiers et des banlieues nouvelles pour s’ouvrir à la planète à Expo 67, la société québécoise se projette pour la première fois dans le concert des nations. La jeunesse incarne désormais la société moderne.

Les Montréalais et Montréalaises se réveillent à l’aube des années 1970 dans une ville au paysage et à l’identité transformés à jamais. Ils ont vu bien des manifestations passer et, du jour au lendemain, ont basculé de l’ère des tavernes à celle des cafés-terrasses. L’Exposition universelle et internationale de Montréal y est pour beaucoup. Véritable rite initiatique pour des millions de jeunes, cette célébration leur a permis, pendant six mois, d’échanger avec des ressortissants de nations de la planète enfin réunies par un idéal de paix et pour un avenir rempli de promesses. Pour la jeunesse, dont la vision du monde et les univers intimes sont ainsi bouleversés, plus rien ne sera comme avant.

Souvenirs de liberté

Souvenirs de liberté

Montage vidéo réalisé dans le cadre de l’exposition Explosion 67. Terre des jeunes, présentée au Centre d’histoire de Montréal du 16 juin 2017 au 13 mars 2020. Cette vidéo était présentée sur un écran qui couvrait tout un mur, dans une salle aux allures psychédéliques, dont les murs latéraux étaient couverts de miroirs recourbés.  

Durée : 9 min 48 s 

Réalisation : Antonio Pierre de Almeida, Centre d’histoire de Montréal 

Le mouvement de contreculture à la fin des années 1960

Caractérisé par un refus du système, de la société de consommation, de la hiérarchie et des rapports de domination, le mouvement de la contreculture souhaite l’édification d’une société bâtie sur des rapports de convivialité, de fraternité et d’amour. S’il apparaît d’abord aux États-Unis, il gagne le Québec à partir de la fin des années 1960 et y fleurit jusqu’à l’aube des années 1980.

Pour le sociologue Jean-Philippe Warren, coauteur de l’ouvrage Pratiques et discours de la contreculture au Québec, il est difficile de définir la contreculture, puisqu’il y a toujours eu des mouvances qui dénonçaient les normes et la culture dominantes. Si le terme contreculture n’apparaît qu’en 1969, on désigne généralement par celui-ci un vaste mouvement aux pratiques très variées qui a émergé quelques années plus tôt et auquel adhère un nombre croissant de jeunes remettant en question le système et aspirant à un mode de vie alternatif.

Même si la contreculture reste un phénomène minoritaire au Québec, elle y trouve suffisamment d’adhérents pour donner l’impression que la société québécoise embrasse plus qu’ailleurs en Amérique du Nord le mouvement contreculturel. Warren souligne que, aux États-Unis, on assiste à un antagonisme prononcé entre la contreculture et les forces conservatrices, notamment en raison de la guerre du Vietnam qui polarise la société, alors que la contreculture a, au Québec, la particularité de s’imbriquer dans le mouvement d’affirmation nationale. Les deux mouvements partagent notamment un intérêt commun pour les savoir-faire traditionnels locaux. À Montréal, bien que des activités contreculturelles aient lieu un peu partout dans la ville, on observe une concentration autour de deux pôles : l’Université McGill chez les anglophones et le carré Saint-Louis chez les francophones.

Vaste, hétéroclite et empreint de paradoxes, le mouvement de contreculture constitue le plus souvent une phase éphémère dans la vie des individus, généralement entre le moment où ils quittent le foyer familial et celui où ils intègrent le marché du travail et fondent leur propre famille. Warren remarque que la contreculture consiste ainsi moins en un mouvement bien ancré qu’en la somme d’expériences individuelles successives.