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Religion et laïcisation à l’époque d’Expo 67

23 avril 2025

La religion a une présence indéniable à Expo 67, sous des formes cependant adaptées au contexte des années 1960. Comme ailleurs, l’Église y est en perte de vitesse.

Expo 67 - pavillon judaïsme

Photographie couleur montrant le pavillon du judaïsme. Devant, des personnes circulent ou sont assises sur des bancs.
MEM – Centre des mémoires montréalaises
Le Québec des années 1960 est majoritairement catholique. Cela est aussi vrai pour sa métropole, Montréal. En revanche, plus la décennie progresse et plus le milieu religieux doit se rendre à l’évidence : l’Église catholique fait face à un double problème.

D’une part, à cause de la sécularisation de la société, les Québécois sont de moins en moins pratiquants, et les églises se vident lentement de leurs fidèles, surtout ceux de la jeune génération. D’autre part, la décléricalisation signifie l’avènement de nouvelles élites laïques. Ainsi, les civils, formés dans les universités et écoles techniques, remplacent les clercs et les religieuses dans le domaine de la santé, en éducation et dans les services sociaux, par exemple. Cette profonde remise en cause mène à la séparation claire de l’État et de l’Église dans le Québec moderne. L’Église se trouve cantonnée au culte et à la pastorale après plusieurs siècles à l’avant-plan politique et social. Son ascendant sur les citoyens et sur les instances publiques est tranquillement réduit à peau de chagrin. Au tournant des années 1970, on assiste à une démultiplication des confessions, conséquence d’une immigration davantage diversifiée, et la spiritualité s’exprime de plus en plus à l’extérieur des structures rigides de l’Église catholique.

Bien que l’Occident soit en plein processus de sécularisation et de laïcisation, les religions sont présentes à Expo 67. Les catholiques et les protestants sont réunis au pavillon chrétien. À l’opposé du site, on trouve le pavillon de l’Union des républiques socialistes soviétiques et son athéisme scientifique. À proximité de ce dernier se tiennent celui du judaïsme et celui des Sermons de la science où l’on pratique, de façon à peine couverte, le recrutement de nouveaux adeptes, alors que le prosélytisme est interdit sur le site de l’exposition. Enfin, un sanctuaire est aménagé au pavillon du Canada. Non confessionnel, cet endroit est davantage voué au repos et au recueillement, sans être affilié à une religion en particulier. Si aucun pavillon n’est consacré à l’islam ou aux religions orientales, plusieurs éléments culturels et spirituels qui leur sont propres sont présentés dans les pavillons nationaux.

Une nouveauté : un pavillon œcuménique

Expo 67 - pavillon chrétien

Photographie couleur montrant un pavillon de forme pyramidale dont une excroissance du toit s’élance vers le ciel. Des arbres et des éléments de terrassement sont présents devant le pavillon à l’avant-plan.
Archives de la Ville de Montréal, VM94-EXd025-009.
L’œcuménisme réfère au regroupement des fois chrétiennes en un seul groupe. C’est loin d’être un pari gagné d’avance lorsque l’on considère toutes les ramifications dogmatiques et les croyances de chacune des confessions. Néanmoins, pour la première fois depuis le début des expositions universelles au milieu du XIXe siècle, le pavillon chrétien de Montréal rassemble les catholiques et les protestants sous un même toit. Ce rapprochement, tributaire du concile Vatican II, permet l’ouverture du pavillon le 13 mai 1967 sous l’égide des huit Églises ayant assuré sa réalisation, soit catholique romaine, unie du Canada, anglicane, presbytérienne, luthérienne, baptiste, grecque orthodoxe et ukrainienne grecque orthodoxe. Cette démonstration du vivre-ensemble rejoint la thématique de Terre des Hommes où l’humain est au centre de la vie et des préoccupations.

L’intérieur du pavillon est divisé en trois sections dans lesquelles circulent les visiteurs. La première montre la vie de l’homme dans la famille, dans la cité et avec les technologies. La seconde le place face aux grands problèmes de société. Enfin, la troisième le fait réfléchir au message chrétien; là, on l’appelle à la conscience à travers la contemplation de cinq photographies représentant les grands moments de la vie humaine, de la naissance à la mort. En aucun cas, le pavillon ne se veut un lieu de culte. En fait, le seul symbole proprement religieux qu’on y trouve est la croix placée à l’extérieur, près de l’entrée. Si l’on veut assister à une messe à titre de visiteur pendant Expo 67, il faut le faire à l’extérieur du site des îles. En effet, les pratiquants doivent traverser le fleuve et se rendre en ville, à l’église Saint-Jacques, qui accueille les fidèles le temps d’une messe.

Les hôtesses du pavillon, au nombre de 15, ne sont pas des religieuses. Malgré sa popularité auprès d’autres hôtesses des pavillons nationaux et privés, pas question ici de porter la mini-jupe! De facture sobre, les uniformes, conçus par la designer montréalaise France Davies, témoignent néanmoins d’une certaine modernité dans le choix des tissus et de la coupe. Bien qu’ils se ressemblent, les uniformes diffèrent légèrement selon l’origine ethnique des hôtesses, confirmant ainsi la multiplicité des visages et des parcours au pavillon chrétien.

Les religieuses à Expo 67

Expo 67 - religieuse

Photographie en couleur montrant une religieuse, de dos, le voile dans le vent mangeant un cornet de crème glacée à la vanille.
Photographie par Roger La Roche
Portée par un élan de modernisation sans précédent, la société québécoise tourne de plus en plus le dos à l’Église catholique. Bien que sa perte d’influence soit manifeste, le clergé est bien visible à Expo 67. Un comité d’animation pastorale est d’ailleurs créé afin d’informer le monde religieux de ce qui se passera lors de l’exposition universelle. De plus, les communautés religieuses de la métropole sont invitées à héberger leurs confrères et consœurs de l’extérieur de Montréal dans leurs installations. Il s’agit d’une sorte de Logexpo pour le milieu religieux.

Chaque jour, sur le site de l’exposition, on rencontre de nombreuses religieuses des différentes congrégations catholiques, dont certaines sœurs cloîtrées pour qui il s’agit d’une rare sortie en société. Des religieuses, comme sœur Marie-Bernard des Sœurs de la Charité de Montréal (Sœurs grises), accompagnent les personnes ayant besoin d’assistance. Ainsi, tous et toutes ont la chance d’explorer les pavillons, de faire un tour de Minirail et de se délecter des spécialités culinaires d’un peu partout dans le monde.

La présence des religieuses autour de diverses attractions d’avant-garde d’Expo 67 illustre la situation particulière qui caractérise le Québec de la fin des années 1960, pris entre tradition et modernité.

La religion au temps d’Expo 67

La religion au temps d’Expo 67

Montage vidéo réalisé dans le cadre de l’exposition Explosion 67. Terre des jeunes, présentée au Centre d’histoire de Montréal du 16 juin 2017 au 13 mars 2020.

Durée : 2 min 50 s

Réalisation : Antonio Pierre de Almeida, Centre d’histoire de Montréal

Références bibliographiques

CHENÉ, François-Olivier. La nation québécoise à la lumière de l’évolution du concept de laïcité, de la Révolution tranquille à aujourd’hui, mémoire (M.A.), (sciences politiques), UQAM, 2021, 105 p. 

LA ROCHE, Roger. La religion à l’Expo 67, Villes éphémères, 2022, 586 p.

LAPERRIÈRE, Guy. « L’Église du Québec et les années 1960 : l’ère de tous les changements », Cap-aux-Diamants, no 89, printemps 2007, p.10-13.

LINTEAU, Paul-André, et autres. Histoire du Québec contemporain. Le Québec depuis 1930 – tome II, Montréal, Les Éditions du Boréal, 1989, p. 649-658.