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Un Norvégien précurseur du ski à Montréal

11 décembre 2018
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Monsieur Birch était un skieur convaincu et convaincant. À la fin du XIXe, cet immigrant norvégien a effectué le trajet Montréal-Québec sur deux lames de bois, et a ainsi popularisé le ski.

Ski - Courrier du Canada, 14 février 1879

Article du journal Le Courrier du Canada en 1879 portant le titre Raquette et patins
Le Courrier du Canada, 14 février 1879. BAnQ.

« Pour ce que nous avons vu sous les pieds de Birch, nous brisons notre plume si cela ressemble à des raquettes et en mérite le nom. […] Figurez-vous deux lames de bois de 9 pieds de long sur 4 pouces de large, relevées aux extrémités, rien de plus. » (Le Courrier du Canada, 14 février 1879)

C’est ainsi que Le Courrier du Canada décrit la paire de skis que porte un dénommé A. Birch en 1879. Cette année-là, en janvier, Birch attire l’attention médiatique puisqu’il compte entreprendre un courageux voyage de Montréal à Québec sur ces « lames de bois », que les journalistes de l’époque appellent aussi « raquettes norvégiennes ». M. Birch veut ainsi prouver que son moyen de transport est très rapide et efficace. Les sceptiques sont nombreux : à l’époque, les raquettes représentent le moyen de transport hivernal le plus populaire. Certains doutent même que M. Birch arrive à Québec en vie : avant de partir de Montréal, on lui aurait conseillé de faire son testament! La route prévue est en effet dangereuse. Empruntant l’ancien chemin du Roy, au nord du fleuve Saint-Laurent, Birch doit souvent traverser des rivières aux glaces incertaines et passer par de longs segments inhabités.

L’expédition périlleuse de Monsieur Birch

Ski

Carte postale couleur montrant 15 skieurs en file de deux.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec. 0003749866.
Le 28 janvier, dans la rue McGill, Birch quitte Montréal avec un poids de 20 livres sur le dos. Il arrivera à Québec le 6 février, après une périlleuse expédition suivie par plusieurs journalistes et curieux. Des adolescents et de jeunes adultes vont même l’accompagner à certains moments, apprenant les rudiments du ski. L’initiative de M. Birch et les nombreux articles publiés vont populariser ce sport d’hiver alors méconnu, et surtout, faire taire ses détracteurs. Il s’agit de la première expédition en ski relatée au Canada.

A. Birch demeure énigmatique : son nom semble impossible à retracer dans les différents recensements. Toutefois, on apprend des journaux qu’il est un immigrant norvégien, résidant à Montréal en 1879. Il fait vraisemblablement partie d’une communauté norvégienne restreinte qui se forme à la fin du XIXe siècle. Certains d’entre eux travaillent dès les années 1850 sur la construction du train Montréal-Portland. La présence scandinave à Montréal est en outre chiffrée dans un recensement de 1891. On note que 270 Norvégiens habitent la métropole, aux côtés de 157 Suédois et de 112 Danois. Quelques Scandinaves résident aussi à l’extérieur des limites de la ville de l’époque, notamment dans des quartiers du sud-ouest comme la Petite-Bourgogne ou Saint-Henri.

Un nombre grandissant d’adeptes

Ski - remonte-pente 1955

Skieurs se faisant tirer par le remonte-pente sur le mont Royal
Archives de la Ville de Montréal. VM105-Y-1_0235-003.
Après la célèbre expédition de M. Birch, plusieurs Montréalais adeptes de la raquette vont lentement faire la transition vers le ski de fond. En 1904, un groupe de professeurs de l’Université McGill fonde le premier club de ski de la ville, le Montreal Ski Club. À l’époque, on skie sur les pentes du mont Royal ou encore au parc La Fontaine. En 1909, lors d’un nouveau carnaval d’hiver (le dernier ayant eu lieu en 1889), des compétitions de ski et des spectacles acrobatiques ont lieu. La Presse publie le programme de l’événement et mentionne la performance attendue d’un athlète d’origine norvégienne nommé John Pudd, qui doit faire un « saut périlleux avec skis » sur la montagne.

Si le ski est d’abord pratiqué par les Scandinaves et certains membres de la communauté anglophone montréalaise, le sport gagne rapidement en popularité et attire un nombre grandissant d’adeptes. La pratique du ski se propage alors dans d’autres régions du Québec. Les nouvelles liaisons ferroviaires entre Montréal et les Laurentides vont, par exemple, permettre aux skieurs de découvrir la région et ses montagnes. D’ailleurs, on doit plusieurs sentiers de ski et connexions entre villages laurentiens à un autre immigrant norvégien, Herman Smith-Johanssen (1875-1987), qui en organise l’aménagement dans les années 1930.

Au milieu du XXe siècle, on peut même pratiquer le ski alpin à Montréal! Ainsi, de 1944 à 1979, un monte-pente est mis en fonction sur le mont Royal. Les skieurs peuvent plus facilement accéder aux pentes situées derrière l’Université de Montréal, un site très populaire à l’époque. D’autres choisissent plutôt la piste du Lac-aux-Castors, jusqu’à sa fermeture dans les années 1980.

Références bibliographiques

BÉLEC, Pierre, et Paul LARUE. Le Québec en plein air, Montréal, Québec-Amérique, 2016, 306 p.

CHABOT, Denis. « Les Laurentides, berceau du ski : la rencontre de deux mondes », Histoire Québec, vol. 13, no1, 2007, p. 21-27.

TINDALE, William. « Le ski à travers les âges », Cap-aux-Diamants, no 24, 1991, p. 64-66.