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Mary Griffin et les origines de Griffintown

07 septembre 2017
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La femme d’affaires Mary Griffin a laissé son nom au secteur qu’elle a elle-même acheté, au tout début du XIXe siècle.

Vers 1804 : Mary Griffin acquiert le fief Nazareth

En 1792, l’homme d’affaires irlandais Thomas McCord fait l’acquisition du fief Nazareth. Ces terres, ayant appartenu depuis 1654 aux Sœurs hospitalières, sont situées à l’ouest du Vieux-Montréal, dans l’actuel quartier Griffintown. Bordé par la rivière Saint-Pierre (disparue aujourd’hui) au nord-est et par le fleuve Saint-Laurent au sud, l’emplacement est stratégique sur le plan des transports et du commerce. Le terrain comprend à l’époque un manoir, une grange, une étable et des moulins, et servait auparavant de ferme aux religieuses. Alors que d’autres propriétaires des fiefs environnants développent leurs terrains et y font tracer des rues, McCord conserve la fonction agricole du lieu pendant les premières années de son occupation.

Le fief Nazareth, une terre convoitée

Plan du fief Nazareth, 1805

Plan du fief Nazareth en 1805
Archives de la Ville de Montréal. VM066-3-P011.
En 1796, Thomas McCord quitte la ferme pour l’Irlande et laisse son associé Patrick Langan en charge de ses affaires à Montréal. Après le départ de McCord, Langan, sans scrupule, parvient à racheter les terres de McCord et à les revendre frauduleusement à une dénommée Mary Griffin vers 1803. L’année suivante, Griffin négocie avec les Sœurs hospitalières pour pouvoir diviser le fief Nazareth en lots.

La famille Griffin et la création de Griffintown

Il est difficile de donner des détails sur la vie de Mary Griffin, désormais propriétaire du fief Nazareth. On a toutefois quelques précisions sur les membres de sa famille. Elle est l’épouse d’un fabricant de savon nommé Robert Griffin, dont l’entreprise aurait été située dans l’actuelle rue Wellington. Un article du Journal of Education, publié en 1859, mentionne que Robert Griffin était au début du XIXe siècle le propriétaire de la seule maison de Griffintown. M. Griffin est aussi le premier caissier de la Banque de Montréal, établie en 1817; son frère Henry Griffin en est le premier notaire. L’un des fils de Mary et Robert, Frederick Griffin, est né à Montréal en 1798. Il étudie en droit et est admis au barreau du Bas-Canada en 1824.

Bien qu’on ait peu d’informations à son sujet, c’est Mary Griffin qui est mentionnée dans plusieurs documents légaux et plans relatifs au fief Nazareth et datant du XIXe siècle. En 1804, Mary Griffin mandate par exemple l’arpenteur Louis Charland pour développer ses terres. De nouvelles voies sont tracées, notamment les rues King, Queen, Prince, Nazareth, Gabriel (maintenant Ottawa) et Griffin (maintenant Wellington). Mary Griffin donne également le nom de « Griffintown » au quartier qu’elle planifie avec M. Charland.

Victoire juridique, victoire symbolique

Plan du système d'aqueduc section Griffintown

Ce plan colorié au pinceau présente de façon très détaillée Griffintown et son système d'aqueduc.
Archives de la Ville de Montréal. CA M001 VM066-4-P049.
En 1805, Thomas McCord revient d’Irlande et découvre que son associé Patrick Langan a vendu toutes ses propriétés à Mary Griffin. S’ensuit une bataille juridique longue et houleuse entre McCord, Langan et Griffin, qui s’étend sur presque 10 ans. McCord gagne finalement son procès et rétablit ses droits sur ses propriétés au début des années 1810. Il efface immédiatement le nom des Griffin des différents plans.

Plus tard, dans les années 1850, des mentions sur les plans de l’arpenteur Henri-Maurice Perreault font référence au secteur comme étant le « fief Nazareth, communément connu sous le nom de Griffintown ». Ainsi, après la mort de Thomas McCord en 1825, la population semble avoir adopté le nom donné au quartier par les Griffin, en dépit des efforts du propriétaire légitime pour l’effacer. Mary Griffin, malgré sa défaite juridique, a donc gagné symboliquement sa place dans la toponymie montréalaise.

Contribution à la recherche : Société d’histoire de Pointe-Saint-Charles.