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Les maisons de la culture à l’aube des années 2000

30 septembre 2022

Au début des années 2000, après 20 années d’existence, de grandes transformations attendent le réseau des maisons de la culture. Plus que jamais, l’objectif est de démocratiser l’accès à la culture.

programmation

un document montrant la programmation de maison de la culture Rivière-des-Prairies en 2000.
Maison de la culture Rivière-des-Prairies
En 2001, 28 anciennes municipalités de l’île de Montréal sont fusionnées afin de créer la nouvelle ville de Montréal. À la suite de la fusion, des pouvoirs accrus sont accordés aux arrondissements, en culture comme dans plusieurs autres domaines. Les arrondissements ont alors un plus grand pouvoir décisionnel sur le budget et sur le fonctionnement des maisons de la culture.

Habitués à une plus grande autonomie, les agents culturels doivent s’ajuster à une structure plus complexe. Alors que les 12 maisons de la culture fondées entre 1981 et 1992 partagent les mêmes mandats et les mêmes objectifs, les lieux culturels des anciennes villes ont souvent une autre approche. S’ils sont des diffuseurs pluridisciplinaires, ils n’ont parfois pas la même vision de la gratuité, de la place donnée à l’incubation de nouvelles œuvres et aux artistes de la relève, ce qui suscite beaucoup de réflexions, de discussions et d’échanges entre les agents culturels des 12 maisons, ceux des espaces des anciennes municipalités et les gestionnaires du réseau des maisons de la culture.

Lieux différents, objectifs partagés : l’émergence du réseau Accès culture

chorale Elemchah

Une trentaine de femmes et d’hommes chantent dans une église. Une femme joue du piano.
Arrondissement de Saint-Laurent
L’association des diffuseurs culturels de la communauté urbaine de Montréal (ADICUB) regroupait avant les fusions tous les diffuseurs des anciennes villes. Les maisons de la culture ne faisaient pas partie de ce réseau. Cette association partageait un modèle axé sur la diffusion pluridisciplinaire. Contrairement aux maisons de la culture, ces sites culturels étaient souvent payants, et fonctionnaient avec des abonnements. Dans les années qui suivent les fusions, le réseau des maisons de la culture et celui des diffuseurs des anciennes municipalités devenues arrondissements sont appelés à travailler ensemble. Forts d’une expérience différente, ils doivent faire évoluer leurs réflexions sur leurs pratiques, d’autant plus que de grandes disparités existent au niveau des ressources matérielles et humaines dans les différents arrondissements. Les maisons qui n’étaient pas tarifées sont en mesure d’offrir davantage d’activités d’expérimentations et de découverte. Alors que les lieux des anciennes villes peuvent faire valoir les avantages que leur avait apportés la tarification dans certaines situations. Les influences s’exercent des deux côtés.

Pendant la période succédant à la fusion, l’association des diffuseurs des anciennes villes change de nom et devient l’Association des diffuseurs culturels des arrondissements de Montréal (ADICAM). Le réseau des maisons de la culture et l’ADICAM sont de plus en plus appelés à réfléchir ensemble à ce qui les unit. Bien que les philosophies différaient, Paul Langlois, ancien gestionnaire des maisons de la culture, raconte que ce qui unissait tant les maisons de la culture que les autres espaces, c’était le souhait profond de travailler pour le public et de rendre la culture accessible au plus grand nombre de personnes possible. L’idée de décentraliser la culture et de permettre aux citoyens des quartiers et des arrondissements de participer à la vie culturelle était des objectifs partagés, même si les moyens pour y arriver n’étaient souvent pas les mêmes.

En 2007, un nouveau réseau est officiellement créé et chapeaute l’ensemble de ces diffuseurs, le réseau Accès culture. Les diffuseurs du réseau travaillent ensemble pour entrer en contact avec les publics plus en marge des pratiques culturelles habituelles en proposant un accès aux arts et à la culture dans toutes ses formes. La situation des maisons au sein du réseau évolue avec l’arrivée du réseau Accès culture qui compte 22 diffuseurs en 2010. Martin-Philippe Côté, ancien agent culturel à la maison de la culture Marie-Uguay, raconte qu’« avant les fusions municipales, Marie-Uguay était une petite maison de la culture située complètement à l’extrémité de la ville. Après les fusions municipales, Marie-Uguay est devenue une moyenne maison de la culture située au centre de la ville. Sans bouger, la situation géographique de la maison a changé».

De nouvelles maisons et des « projets réseau »

Inauguration belvedere PAT

Un groupe de près de cent personnes est regroupé près d’un belvédère en bordure de l’eau.
Maison de la culture Pointe-aux-Trembles
À la fin des années 1990 et pendant les années 2000, plusieurs maisons qui fonctionnaient en mode éclaté font construire des lieux qui leur sont propres. C’est le cas des maisons de la culture Ahuntsic-Cartierville, Pointe-aux-Trembles et de la maison Claude-Léveillé dans l’arrondissement Villeray. Celle de Rivière-des-Prairies fonctionne toujours en mode éclaté en 2022, malgré plusieurs projets de construction annoncés depuis le début des années 2000. L’ouverture d’une maison de la culture dans cet arrondissement est toutefois maintenant bien sur les rails dans le cadre du projet Espace Rivière dont l’inauguration est projetée d’ici 2027.

De nouvelles maisons s’ajoutent aussi au réseau : la maison culturelle et communautaire de Montréal-Nord en 2006, le Centre culturel de Notre-Dame-de-Grâce en 2016 et la maison de la culture de Verdun, le Quai 5160, qui ouvre ses portes en 2017. À l’ouest de l’arrondissement Ville-Marie, le nouveau centre Sanaaq ouvrira en 2023 sur le site de l’ancien hôpital pour enfants de Montréal. En plus de la maison de la culture, on y trouvera une bibliothèque et des espaces sociaux.

Plusieurs « projets réseau » sont réalisés au début des années 2000 et permettent d’offrir aux artistes la possibilité d’aller à la rencontre des publics des maisons. Les « projets réseau » sont des initiatives qui impliquent plusieurs maisons dans la diffusion ou la création d’œuvres. Parmi ceux-ci, le projet Invitation au voyage, qui propose un jumelage entre écrivains et artistes en art visuel, remporte un franc succès en 2002 et est présenté dans les maisons de la culture Mont-Royal, Frontenac et Ahuntsic. Joanne Germain, qui était alors agente culturelle à la maison de la culture Mont-Royal, nous raconte l’idée derrière ce projet, qui demeure un de ses coups de cœur : « On avait invité 35 artistes en art visuel qu’on jumelait à 35 écrivains. Puis les écrivains ont écrit un texte sur l’œuvre des artistes en art visuel. On avait réussi, en trouvant de l’argent, à faire un petit livre avec tous les textes. […] Parmi les couples qu’on a créés, il y en a qui ont continué à travailler ensemble après. Un avait illustré le livre de quelqu’un d’autre… Et on avait même fait un spectacle au Théâtre de Verdure. On était 3 maisons, c’était [un ensemble de] 70 artistes ». En plus de diffuser le travail de ces artistes, les maisons servent de lieux d’incubation et contribuent à tisser des liens entre différents intervenants du milieu culturel. Le projet Invitation au voyage est l’un des nombreux exemples.

Une place grandissante à la médiation culturelle

Hors les murs 2017

Photo couleur d’une foule colorée qui danse sur la pelouse devant une ancienne gare.
Maison de la culture Claude Léveillée
Les années 2000 et 2010 sont aussi marquées par la place grandissante de la médiation culturelle dans les maisons pour joindre les parties de la population qui ne se sentaient pas concernées par l’offre culturelle montréalaise. En 2005, la politique de développement culturel est adoptée par la Ville de Montréal. Elle amène le désir d’une plus grande contribution du milieu culturel au développement de la ville et d’une plus grande participation citoyenne dans les lieux culturels. La médiation culturelle permet d’aller plus loin que la diffusion et de développer de nouveaux outils pour toucher des personnes qui ne fréquentent pas les lieux culturels afin de créer des expériences culturelles communes. Au fil du temps, comme l’explique Danièle Racine, commissaire à la médiation culturelle au Service de la culture de la Ville de Montréal, on parle davantage des médiations culturelles au pluriel, et l’objectif devient plus vaste. On cherche à rendre la culture accessible, mais aussi à favoriser la contribution et la participation des citoyens.

Dès les premières années, de nombreuses maisons développent des projets de médiation, comme la maison de la culture de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension qui met en place, dès 2007, le programme Hors les murs qui va à la rencontre des citoyens en proposant des événements culturels dans les sites qu’ils fréquentent, que ce soit des centres communautaires, des ruelles, des stations de métro, des salles de concert, avec des organismes du quartier. Quatre mois après ses débuts, plus de 7000 personnes de l’arrondissement avaient été jointes. En ciblant des petits groupes à la fois, le programme Hors les murs atteint de nouveaux groupes, et présente des activités culturelles représentatives des intérêts des gens du quartier pour nourrir un sentiment d’enracinement et d’appartenance. Plusieurs autres maisons s’investissent aussi très tôt dans les activités de médiation comme celles de Côte-des-Neiges, Notre-Dame-de-Grâce et Ahuntsic-Cartierville. En agissant sur le terrain, la culture devient un outil de développement social qui s’infiltre sur le territoire. Avec le temps, des médiateurs culturels sont embauchés par les maisons de la culture pour travailler sur le terrain. Ils font de la médiation à la fois artistique et sociale.

Pendant la pandémie, le projet de médiation Nos maisons est réalisé sur tout le territoire de la ville. Onze projets de médiation culturelle sont déployés autour de la thématique « Nos maisons, un voyage à travers la ville », en cocréation avec des artistes, des organismes et des populations vulnérables et marginalisées. Les différents projets mobilisent plusieurs disciplines artistiques telles que le cinéma, la danse, la littérature, le théâtre, l’art de rue ainsi que plusieurs autres. Une exposition collective présentée à la maison de la culture Janine-Sutto du 4 au 19 juin 2022 permet de diffuser les 11 projets auprès du public. Au début des années 2020, les activités de médiation occupent assurément une place de choix dans les maisons de la culture.

L’action culturelle dans les anciennes villes fusionnées

L’action culturelle dans les villes qui ont été fusionnées était bien implantée avant les fusions municipales, soit avant 2001. Les archives des anciennes villes de Saint-Léonard et de Saint-Laurent témoignent de toute la richesse de la vie culturelle qui animait ces lieux, des expositions et des spectacles qui y étaient présentés depuis plusieurs décennies. De nombreux espaces, tels que l’ancien entrepôt de la brasserie Dawes à Lachine, le centre culturel Henri-Lemieux à LaSalle, la salle Émile-Legault à Saint-Laurent, le théâtre Outremont, la Galerie Port-Maurice, à Saint-Léonard, le centre culturel Verdun, ainsi que plusieurs autres, faisaient vibrer la culture de ces quartiers depuis de nombreuses années. Plusieurs anciennes villes présentaient aussi des spectacles culturels dans les parcs, comme cela a beaucoup été le cas à Saint-Laurent. Dès 1982, une collaboration avec le Conseil des arts de Montréal en tournée permet de faire circuler des centaines d’artistes dans les maisons de la culture, mais aussi dans les lieux culturels des anciennes villes. Le programme veut favoriser la circulation d’œuvres artistiques partout sur le territoire de l’île. Le programme Jouer dans l’île, dès les premières années, permet de présenter des spectacles de théâtre et de musique pour faire connaître dans les quartiers périphériques les compagnies qui travaillent surtout au centre-ville.

Références bibliographiques

Conseil des arts de Montréal. Les 25 ans du Conseil des arts de Montréal en tournée – Faire le point pour aller plus loin!, Montréal, Conseil des arts de Montréal, 2008, ressource en ligne, Collections de BAnQ. 

Germain, Annick. « Deux Montréal dans un? », Possibles, vol. 27, no 12, 2003, p. 29-36.

NICHOLSON, Georges. La Chapelle historique du Bon-Pasteur : La maison de la musique, Montréal, Druide, 2014.

Ville de Montréal, 2010. Plan d’action du réseau Accès culture, 2010-2014, Ville de Montréal.

Une série d'entrevues ont été réalisées en 2021 et en 2022 avec des personnes ayant travaillé dans le réseau des maisons de la culture. Les entrevues suivantes ont servi à l’écriture du présent article :

  • Louise Matte et Joanne Germain, 5 novembre 2021
  • Paul Langlois, 5 novembre 2021
  • Sylvain Galarneau, 5 novembre 2021
  • Martin-Philippe Côté, 5 novembre 2021
  • Danièle Racine, 30 mars 2022
  • Virginie Simard-Tozzi, 1er avril 2022