Comment vivaient les Autochtones qui occupaient l’île de Montréal? Certaines découvertes archéologiques fournissent les indices indispensables pour comprendre et décrire leur vie quotidienne.
Le soleil termine sa montée dans le ciel, il fait chaud! Une ambiance ludique règne sur la grande place du village près de la porte de la palissade. Les cris et rires d’enfants qui courent entre les maisons longues s’ajoutent aux jappements des chiens. On entend aussi une douce mélodie qu’entonnent en chœur trois femmes assises qui modèlent des récipients en poterie. D’autres femmes un peu plus loin semblent procéder à un réaménagement de leur maison longue, portes grandes ouvertes, sans doute pour faire de la place pour les nouvelles réserves de maïs qui sera bientôt récolté avant l’arrivée de la saison froide. Des effluves variés circulent : fumée, soupe de barbue et d’anguille, purée de pimbinas et bleuets, pipées de tabac, fosses d’aisances... Un groupe d’hommes entre dans le village avec une bonne quinzaine de rats musqués et deux grands hérons fraîchement capturés le matin même sur les bords du fleuve...
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Maison longue - intérieur
Des villages en bois
Hurons et Huronnes par Champlain
Cette concentration de bâtiments domestiques est entourée d’une grande palissade dont le plan est plus ou moins arrondi. Elle est constituée d’une rangée de pieux, parfois doublée ou triplée, avec souvent une seule entrée en chicane, de manière à ralentir la pénétration d’ennemis. Ces pieux font plusieurs mètres de haut et la partie supérieure est souvent munie de chemins de ronde intérieurs, garnis de projectiles pour défendre le village lors d’attaques.
Le bois est un matériau qui subit les affres du temps assez rapidement (insectes xylophages, pourrissement, affaissement dû aux neiges de l’hiver, etc.). De plus, la concentration d’une communauté humaine de quelques centaines, voire plus d’un millier, d’individus au même endroit pendant plusieurs années, apporte son lot de désagréments : vermines, insalubrité, risques accrus d’incendies au sein de l’enceinte palissadée; tandis qu’à l’extérieur, il y a épuisement des ressources de proximité (bois de chauffage, petite faune, petite flore utile...), mais aussi du sol des champs de culture.
Se nourrir de maïs et de poissons
Codex canadensis - pêche
Avec le maïs, on produit surtout de la farine. Les grains secs sont moulus à la main dans de gros mortiers creusés dans des troncs d’arbres. On en fait du pain en galettes, du gruau et de la soupe... tous des mets quotidiens, agrémentés de fruits sauvages, viandes et poissons. Mais surtout de poissons! Les Iroquoiens du Saint-Laurent sont maîtres des environnements variés du grand fleuve et y capturent de grandes quantités de poissons de toutes sortes, toutes les saisons. Les données archéologiques témoignent de manière éloquente de cette abondance du poisson dans la nourriture quotidienne. Des quantités importantes d’ossements de plusieurs dizaines d’espèces se trouvent dans les restes culinaires découverts sur les sites. Des études effectuées sur les résidus carbonisés récoltés sur des poteries ayant servi à cuire les aliments confirment que les poissons y sont presque toujours présents.
Poterie et pipes
Pipe iroquoienne - reproduction
De leur côté, les hommes utilisaient aussi l’argile cuite, mais plutôt pour fabriquer des pipes avec lesquelles ils fumaient du tabac. Cette plante avait une valeur sacrée et était notamment utilisée dans des rituels variés et aussi lors de rencontres diplomatiques avec des étrangers, afin de favoriser le discours et les échanges. Ces pipes présentent souvent un fourneau évasé en forme de trompette, mais parfois elles sont munies d’effigies animales ou humaines, des figurations qui avaient sans doute de fortes valeurs symboliques.
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Après avoir déposé leurs prises sur une grande natte faite en tiges de quenouilles à l’entrée de l’une des maisons, les chasseurs se dirigent vers un feu autour duquel plusieurs autres hommes sont assis. Trois d’entre eux portent des tatouages particuliers et des coiffures très colorées garnies de parures de coquillages et de plumes colorées inconnues. Ce sont des émissaires venus de loin au sud. Devant eux, sur une peau de cerf, sont étalées deux douzaines des grands couteaux de pierre verte luisante qui font l’admiration des jeunes garçons du village. Ces étrangers parlent avec un accent très fort, et se font aussi comprendre par signes. Quelques pipes bien remplies de tabac sont allumées et circulent de mains en mains. Il est question de faire un festin ce soir...
TREMBLAY, Roland. Peuple du maïs : les Iroquoiens du Saint-Laurent, Éditions de l’Homme, 2006, 139 p.