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Les Iroquoiens du Saint-Laurent

21 juin 2019
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Qui étaient les Hochelaguiens rencontrés par Jacques Cartier en 1535 sur la future île de Montréal? Iroquoiens du Saint-Laurent, ils faisaient partie d’un vaste ensemble culturel.

À l’automne 1535, l’explorateur Jacques Cartier remonte le fleuve Saint-Laurent et fait la rencontre d’un groupe autochtone habitant l’île qui abritera Montréal. Il prend le temps d’une visite à son village nommé « Hochelaga » et d’une petite reconnaissance sur le mont Royal, et repart aussitôt.

Ce bref épisode a suscité la seule mention écrite qui nous soit parvenue d’une rencontre directe entre ce groupe et les Européens. Au cours des décennies suivantes, les Hochelaguiens quitteront définitivement l’île et, quand Champlain passe en 1603, ils n’y sont plus. En 1642, quand Ville-Marie est fondée par Maisonneuve, cela fait déjà probablement plus d’une cinquantaine d’années qu’ils ont quitté l’île. Qui au juste étaient ces Hochelaguiens?

Des Iroquoiens parmi d’autres

Nations amérindiennes 1500

Carte montrant l’emplacement des différentes nations amérindiennes
Centre d’histoire de Montréal
Les récits de Cartier nous permettent d’abord de constater qu’il s’agissait de locuteurs de la grande famille linguistique iroquoienne, qui regroupait vers les années 1500 environ 25 langues différentes. On reconnaît dans ses descriptions les modes de vie et les habitudes culturelles caractéristiques de ces groupes aux langues iroquoiennes, comme la vie villageoise et la culture du maïs. Cet ensemble culturel était réparti sur un territoire situé dans le sud de l’Ontario et le nord de l’État de New York. Parmi ces groupes, on trouve les Iroquois à proprement parler, qui incluent les Agniers (Mohawks), les Onneyouts (Oneidas), les Onontagués (Onondagas), les Goyogouins (Cayugas) et les Tsonnontouans (Senecas), mais aussi les Hurons-Wendats (qui incluent également cinq nations), les Neutres-Attiwandarons, etc. Un autre peuple iroquoien, qui habitait le long de la vallée du Saint-Laurent, ne nous a pas laissé son nom, mais a été nommé, pour les besoins pratiques, « Iroquoiens du Saint-Laurent » par les chercheurs.

On estime que les Iroquoiens du Saint-Laurent comptaient entre 10 000 et 12 000 individus au moment des premiers contacts avec les Européens. Ils appartenaient à des communautés établies entre l’embouchure du lac Ontario et la côte de Beaupré, en aval de Québec. Au moins une de ces communautés occupait l’archipel montréalais comme le démontre l’existence du village d’Hochelaga dans les années 1530.

Un (ou plusieurs?) village sur l’île de Montréal

Famille iroquoienne

Famille iroquoienne
Illustration de Jean-Paul Eid, Centre d’histoire de Montréal.
Il existait donc Hochelaga en 1535, situé quelque part au pied de la montagne. Il faut aussi souligner que lors de son voyage de 1541-1542, Cartier remonte encore le fleuve jusqu’à l’île de Montréal mais, cette fois, son récit se complique. Il parle plutôt du village de Tutonaguy, puis de deux autres lieux habités le long de la rive du Saint-Laurent, dont le second serait vraisemblablement devant les rapides de Lachine. Certains chercheurs croient que Tutonaguy correspond à Hochelaga, mais il pourrait s’agir d’un autre village, ou encore de celui qui succède à Hochelaga, car on sait que les Iroquoiens déménageaient leurs villages tous les 15 à 20 ans. Quant aux deux autres endroits habités, ils pourraient être de petits hameaux riverains utilisés pour la pêche.

Quoi qu’il en soit, il est clair que la géographie humaine des Iroquoiens du Saint-Laurent sur l’île de Montréal ne se limite pas à un seul village. Et les données de l’archéologie tendent à illustrer ce fait. Par exemple, le site archéologique Dawson, au centre-ville, correspond à un village des Iroquoiens du Saint-Laurent et il a souvent été identifié comme le Hochelaga de Cartier. Mais rien à ce jour ne nous permet de l’affirmer. De plus, des découvertes récentes sur ce site semblent pointer deux moments d’occupation distincts. D’autre part, plusieurs petits sites archéologiques répartis dans l’archipel montréalais témoignent d’une présence iroquoienne partout sur le territoire, autant à l’intérieur de l’île que sur les rives. On le constate nettement dans le Vieux-Montréal à proximité de l’embouchure de la Petite rivière, là où se dresse aujourd’hui la place Royale.

À la suite de millénaires d’occupations humaines variées et presque oubliées, l’espace situé à la confluence des majestueux cours d’eau que sont le Saint-Laurent et l’Outaouais a fait partie du grand pays des Iroquoiens du Saint-Laurent. Sur plusieurs générations, du XIIIe au XVIe siècle de notre ère, ces derniers ont occupé intensément la région qui deviendra celle de Montréal. Ils y ont habité dans des villages, cultivé la terre et profité des ressources de la pêche et de la chasse. Et ce sont les derniers, avant que les premiers Européens y mettent les pieds, à avoir parcouru intimement les forêts, les rivages et les ruisseaux de la grande île. Puis, Cartier a brièvement pointé le nez, annonçant des changements insoupçonnés.

Référence bibliographique

TREMBLAY, Roland. Peuple du maïs : les Iroquoiens du Saint-Laurent, Éditions de l’Homme, 2006, 139 p.