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8 octobre 1919 : naissance du Tourist Bureau of Montreal

05 octobre 2020
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Le tourisme prend son essor à Montréal au début du XXe siècle, mais les acteurs de ce nouveau secteur économique manquent de cohésion. Dès 1919, le Tourist Bureau of Montreal tente d’y remédier.

Guide touristique « Montreal Winter Attractions »

Guide touristique en couleurs montrant un couple patinant à droite, des glissoires au centre et un skieur à gauche.
Archives de la Ville de Montréal. P098-1-D068.
Le tourisme à Montréal ne date pas d’hier. En mai 1662, seulement 20 ans après la fondation de la future métropole du Canada, Asseline de Ronval y débarque en tant que visiteur. Il sera pendant longtemps le seul touriste à l’avoir explorée, car ce n’est qu’au XIXe siècle que le tourisme moderne prend forme. Au départ, il est l’apanage des classes aisées qui voyagent souvent pendant de longues périodes.

Le développement du tourisme est intimement lié à celui des transports. Si, en 1734, le chemin du Roy devient la première route carrossable en Nouvelle-France, ce sont les bateaux à vapeur, puis les trains et finalement les automobiles qui amènent les touristes jusque dans la métropole au XIXe siècle et au siècle suivant. Symbole par excellence du voyage, la voiture signifie la liberté, l’indépendance et la conquête de nouveaux lieux. Au début du XXe siècle, le Québec possède plus de routes pavées que toutes les autres provinces canadiennes. Québec, la capitale, mais surtout Montréal, qui se trouve à la confluence des différentes routes avec ses gares et son port, sont les épicentres de ce réseau routier.

Dès 1895, l’auteur Lucien Lacroix décrit ainsi la métropole canadienne : « Montréal a la physionomie de toutes les grandes métropoles commerciales : d’immenses magasins bondés de marchandises, des usines sans nombre dans les faubourgs, un port encombré de milliers de bateaux, et enfin, dans les rues une activité et un mouvement qui commencent dès le matin et qui ne cessent qu’assez tard dans la nuit. »

Pour faire face à la présence continue et croissante des gens d’affaires, qui tiennent leurs congrès dans la métropole, mais aussi des touristes qui affluent en ville, les hôtels poussent comme des champignons. C’est l’âge d’or des grands palaces montréalais comme le Rasco, le Donegana, le Queen’s, le Windsor ou encore le Ritz. La ville est aussi reconnue pour sa diversité culturelle. On ne s’ennuie pas à Montréal! Les premières institutions muséales apparaissent à la fin du XIXe siècle, et les promoteurs tablent sur les charmes de la vieille ville nichée près du fleuve Saint-Laurent pour attirer les touristes férus d’histoire. C’est aussi la belle époque des parcs comme le Dominion ou le Sohmer. Pour les amateurs de sports d’hiver, il est possible de skier et de faire du toboggan sur le mont Royal. Cependant, c’est le carnaval et l’attaque simulée du palais de glace qui émerveillent les gens et les poussent à se déplacer dans la métropole. Le tourisme religieux n’est pas en reste puisque l’Oratoire Saint-Joseph est inauguré en 1904, et Montréal accueille un impressionnant congrès eucharistique en 1910. Bref, la ville a tout pour plaire.

La naissance de Tourisme Montréal

Guide touristique « Montreal, Canada, Province of Quebec Tours »

Couverture d’un guide touristique de Montréal de 1920 avec une illustration montrant de l’avant-plan à l’arrière-plan : une voiture, un train et un bateau sur le fleuve.
Archives de la Ville de Montréal. P098-1-D059.
Malgré ses nombreux atouts, Montréal manque de cohésion en ce qui concerne son développement touristique. En effet, chaque promoteur (compagnies ferroviaires, entreprises de croisière, hôtels, etc.) développe son produit isolément sans réelle concertation. Devant cette démultiplication des intervenants et l’absence de mécanismes de promotion communs et efficaces, un groupe se réunit le 8 octobre 1919 au New Birks Building. Sous l’égide de l’Automobile Club of Canada (ACC), cette rencontre a un objectif simple : discuter de la création d’un organisme dont le but premier serait la promotion de la métropole montréalaise comme destination touristique. C’est la naissance de Tourisme Montréal, connu alors sous le nom de Tourist Bureau of Montreal. En tout, 23 personnes assistent à cette réunion. Elles représentent différents secteurs de l’écosystème touristique montréalais : les transports, le milieu hôtelier ou encore le commerce de luxe, mais aussi le politique. La Ville de Montréal, la chambre de commerce locale et la Merchants Association, entre autres, y envoient des représentants.

Dans le procès-verbal de la rencontre inaugurale du Tourist Bureau of Montreal datant du 8 octobre 1919, on peut lire les lignes suivantes : « […] for the purpose of discussing “CANADIAN TOURS”; the opening of a Tourist Bureau, the fostering of a larger motor tourist traffic for the United States, and the appointment of a Committee of Management. » [« (…) dans le but de discuter des “Voyages canadiens”; la création d’un office de tourisme, la promotion d’un plus grand tourisme automobile venu des États-Unis, et la nomination d’un comité de gestion. »]

Le but avoué de cette nouvelle entité montréalaise est, initialement, de promouvoir et d’accroître le tourisme routier en provenance des États-Unis. Depuis le début du XIXe siècle, les provinces du Québec, de l’Ontario ainsi qu’une part des Maritimes font partie d’une tourist belt, une région transfrontalière qui inclut certains états de la Nouvelle-Angleterre et la ville de New York, où le tourisme se fait de façon concertée. De plus, à cette époque, l’accès à l’automobile est de plus en plus facile et le temps de loisir augmente. Le tourisme n’est plus l’affaire des bourgeois et des classes aisées. De plus en plus de gens sillonnent les routes afin de découvrir de nouveaux horizons. En 1915, environ 3500 touristes visitent le Québec en voiture en provenance des États-Unis alors qu’ils sont plus de 125 000 en 1923. Il apparaît donc normal que le nouvellement fondé Tourist Bureau of Montreal se tourne vers le sud de la frontière pour débusquer et attirer de nouveaux visiteurs.

Une première direction

Guide touristique « Montréal. The Paris of the New World »

Brochure avec des bandes rouges dans le haut et le bas de la page couverture. Au centre, il y a une photographie en noir et blanc du centre-ville de Montréal.
Archives de la Ville de Montréal. P098-1-D088.
C’est le major S. J. Mathewson qui prend les commandes du Tourist Bureau of Montreal. Outre cette nouvelle fonction, Mathewson a sa propre entreprise, une compagnie de grossistes établie en 1834. Il sera président de l’organisation jusqu’en 1928. Le conseil d’administration, quant à lui, sera dirigé par J. R. Douglas, représentant de l’Automobile Association of America et employé de la compagnie J. M. Douglas & Co qui a pignon sur la rue Saint-Nicolas. Rapidement, la direction et le conseil d’administration du Tourist Bureau of Montreal s’entendent et débloquent un budget de 2500 dollars pour mettre en branle une première campagne publicitaire. Lancée dans les journaux américains en 1921, avec la coopération de l’Association des touristes des Adirondacks (de l’État de New York), la campagne fait mouche et les demandes de renseignements affluent. Renouvelée au printemps pendant de nombreuses années, cette publicité fait connaître les charmes québécois et montréalais aux touristes des États-Unis. Rapidement, on mise sur le caractère multiculturel de Montréal avec des slogans publicitaires comme Cosmopolitan Montreal [Le Montréal cosmopolite] et Abroad Without Crossing the Sea [Aller à l’étranger sans traverser l’océan].

Au fil du temps le Tourist Bureau of Montreal a changé de nom à maintes reprises : Montreal Tourist and Convention Bureau Inc. (en 1924), Montreal Convention and Visitors’ Association (en 1964), Montreal Convention and Visitors’ Bureau Inc./Office des congrès et des visiteurs de Montréal Inc. (en 1969), Office des congrès et du tourisme du Grand Montréal Inc./Greater Montreal Convention and Tourism Bureau Inc. (en 1982) et, à la fin des années 1990, Tourisme Montréal. Chacun de ces changements de dénomination va de pair avec des transformations socioéconomiques qui influent sur le milieu touristique. Malgré tout, l’organisme conserve la même mission depuis 1919 : regrouper différents acteurs de l’écosystème touristique montréalais afin de leur offrir la meilleure visibilité possible à l’extérieur de Montréal, ainsi qu’organiser des campagnes publicitaires et des événements faisant la promotion de la métropole comme destination voyage à découvrir.

Merci à Pierre Bellerose de Tourisme Montréal pour sa relecture de l’article. 

Les pionniers de l’office de tourisme montréalais

Voici la liste des gens présents lors de la rencontre de fondation du Tourist Bureau of Montreal le 8 octobre 1919 au New Birks Building.

  • H. S. Kenyon, Fairweather’s Limited
  • J. R. Douglas, Automobile Club of Canada
  • Major H. W. Pillow, British American Bank Note Co.
  • W. J. McNally, Goodyear Tire & Hutter Co.
  • Dr E. M. Desaulniers, Législature du Québec
  • P. F. Sine, Northern Electric Company
  • Colin Harris, Henry Birks and Sons Limited
  • Theo G. Morgan, Henry Morgan & Co Limited
  • J. K. Pierce, Canada Steamship Lines
  • J. Davidson, Hôtel Windsor
  • E. Moore, Mappin & Webb Limited
  • Dr Chas. K. P. Henry, Automobile Club of Canada
  • Victor Lévesque, Chambre de commerce
  • Échevin J. F. Dixon, Ville de Montréal
  • J. J. Fitzgerald, Merchants Association
  • V. C. Soucisse, Montreal Publicity Association
  • Edward Smith, Hôtel Ritz-Carlton
  • Douglas M. Lindsey, Holt Renfrew Limited
  • Capitaine J. A. Duchastel, Automobile Club of Canada
  • J. H. Leblanc, Canadian National Railways
  • J. J. Meagher K.C., Automobile Club of Canada
  • D. P. Cotter, Gillette Safety Razor Company Limited
  • Geo. A. McNamee, Automobile Club of Canada
Références bibliographiques

EL ALAOUI, Hind Oualid. L’avènement du patrimoine et la construction de l’image touristique de Montréal, Thèse (Ph. D.) (études urbaines), Université du Québec à Montréal, 2015, 367 p.

LACROIX, Lucien. Yankees et Canadiens. Impressions de voyage en Amérique, Paris, Librairie Victor Lecoffre, 1895.

LAMBERT, Maude-Emmanuelle. À travers le pare-brise : la création des territoires touristiques à l’ère de l’automobile (Québec et Ontario, 1920-1967), Thèse (Ph. D.) (histoire), Université de Montréal, 2013, 358 p.

TOURISME MONTRÉAL. « Historique de Tourisme Montréal ». (Consulté le 29 juin 2020)
https://apropos.mtl.org/fr/organisation/historique-de-tourisme-montreal