Le projet de l’Hôpital Royal Victoria est proposé en avril 1887 par George Stephen et Donald Smith dans une lettre envoyée au conseil municipal de la Ville de Montréal. Les deux industriels fortunés offrent la somme d’un million de dollars pour la construction d’un nouvel hôpital destiné à toute la population montréalaise.
La propriété envisagée se situe à l’est de la maison de sir Hugh Allan, nommée Ravenscrag, à l’intérieur des limites du parc du Mont-Royal. En effet, les sites de prédilection des hôpitaux urbains en Amérique du Nord sont à ce moment relativement éloignés du bruit et de la pollution de la ville industrielle; le mont Royal offre donc la possibilité d’implanter le futur hôpital, aussi bien symboliquement que physiquement, au-dessus de la ville afin de maximiser la quantité d’air frais et de lumière. La Ville accepte de céder le terrain, ce qui enclenche un processus légal qui mène à l’incorporation de l’Hôpital Royal Victoria comme institution de bienfaisance. Cependant, la proximité du réservoir d’eau municipal, encore à ciel ouvert et situé en aval, inquiète les médecins qui craignent que les eaux usées souterraines et les agents pathogènes disséminés dans l’air contaminent l’eau potable des citadins. Les donateurs prennent en compte cette préoccupation et décident d’implanter le noyau original du Royal Victoria sur un terrain situé immédiatement à l’est, à l’intersection de l’avenue des Pins et de la rue University, qu’ils acquièrent de la famille Frothingham. Le terrain cédé par la Ville sera ultérieurement développé à d’autres fins hospitalières.
En 1893, l’Hôpital Royal Victoria se compose de trois édifices qui, ensemble, décrivent un plan au sol en forme de « H ». Le bâtiment central abrite l’administration tandis que les deux ailes, de part et d’autre, sont réservées à la chirurgie, à l’ouest, et à la médecine, à l’est. Chacune des ailes incorpore des salles communes rectangulaires à aire ouverte, réparties sur trois étages. Un vaste système de ventilation évacue l’air vicié de l’édifice par les deux tours localisées au nord des salles communes. L’aile ouest comprend également un amphithéâtre chirurgical ainsi que des salles connexes pour les professeurs et les étudiants. Dans l’aile est, rue University, se trouvent une petite chambre d’isolement et un amphithéâtre médical. Une étroite passerelle relie les deux ailes au bâtiment administratif au niveau du troisième étage, assurant les déplacements des employés tout en minimisant la circulation d’air vicié entre les trois bâtiments.
L’hôpital, conçu par l’architecte britannique Henry Saxon Snell, est inspiré de l’Infirmerie royale d’Édimbourg et illustre à merveille l’influence marquante des formes et des idéaux écossais sur les institutions montréalaises. La version de Snell, influencée par le « style seigneurial écossais », se compose d’épais murs de maçonnerie et de toits pentus revêtus de bardeaux d’ardoise réservés au bâtiment administratif. Le revêtement du toit des ailes est en cuivre. Depuis, le cuivre a été substitué à l’ardoise lors des travaux de réparation du bâtiment administratif.
Les trois édifices d’origine connaissent de nombreuses transformations qui s’échelonnent de 1894 jusqu’aux années 1920. Toutes ces interventions s’inscrivent dans le vocabulaire établi par Snell. Après la Seconde Guerre mondiale, les nouvelles constructions qui adoptent les canons de l’architecture moderne empiètent sur le noyau d’origine de l’hôpital et entraînent la démolition de certaines parties. L’usage futur des édifices d’origine au sein du complexe hospitalier n’est pas encore connu, mais ce noyau continuera de s’imposer comme un élément visuel emblématique de l’Hôpital Royal Victoria.