Payer ou ne pas payer pour emprunter un pont? Ce débat anime périodiquement l’actualité montréalaise, même si beaucoup de conducteurs contemporains n’ont jamais utilisé, ou même vu, un jeton de péage.
Si les postes de péage sont rares dans le paysage autoroutier du Québec du début du XXIe siècle, ils étaient presque inévitables dans les années 1940-1950. Leurs origines sont encore plus lointaines que l’apparition de l’automobile.
Établir un péage
Entrée du pont Jacques-Cartier
Dès les années 1780, des constructeurs privés sont autorisés à construire et entretenir des ponts dans la région de Québec… en échange de droits de passages bien entendu! Jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle, les structures lancées au-dessus des flots pour relier l’île de Montréal aux régions avoisinantes sont généralement, elles aussi, l’œuvre d’organismes privés. Le pont Victoria appartient ainsi au Grand Tronc (une compagnie ferroviaire intégrée plus tard au Canadien National) tandis que le pont Jacques-Cartier est construit par la Commission du havre.
Au moment de son inauguration en mai 1930, le « pont du Havre » est payant pour tous, peu importe le nombre d’essieux ou de pattes! Un automobiliste doit payer 25 cents (15 sous additionnels par passager), le passage d’un camion coûte jusqu’à 1,50 dollar selon la taille du véhicule tandis que le péage maximal est établi à 1 dollar pour un autobus. Des tarifs sont prévus pour les véhicules tirés par des animaux (15 cents pour un chariot tiré par un chien ou une chèvre!) et pour les troupeaux qui traversent en direction des abattoirs de Montréal (3 sous pour un cochon ou un mouton). Finalement, piétons et cyclistes ne sont pas épargnés (15 cents) : seuls les enfants de moins de 5 ans peuvent utiliser gratuitement le pont. Des moutons aux camions, tous sont mis à contribution pour payer les 23 millions de dollars qu’a coûté sa construction.
Postes de péage pont Jacques-Cartier
La croissance du parc automobile québécois est encore timide au moment de l’ouverture du pont Jacques-Cartier, mais elle s’accentue fortement au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ce qui amène par ricochet la croissance des villes de banlieues. De plus en plus nombreux, les automobilistes peuvent se procurer des jetons pour simplifier leur passage au poste de péage.
Le boom automobile des années 1950-1960
Sur la Rive-Sud, plusieurs maires dénoncent à la fois le manque de ponts et les péages qui nuisent selon eux aux échanges entre la métropole et sa région. En réponse à ces critiques, le Conseil des ports nationaux, organisme relevant du gouvernement fédéral, lance en 1957 la construction du pont Champlain. À son inauguration, le 29 juin 1962, un péage de 25 cents par véhicule est imposé pour rembourser les 35 millions de dollars investis pour cette mégastructure longue de 3,4 km. Pendant près de 30 ans, des dizaines de milliers de pièces et de jetons seront lancés quotidiennement dans les paniers des postes de péage installés aux deux extrémités du pont. Après une promesse électorale du député fédéral de La Prairie, cette pratique est abolie le 5 mai 1990.
Entrée du pont Champlain
Le donateur
Ce jeton est un don de Jean-Pierre Lavoie au Centre d’histoire de Montréal.
Jeton de péage
Nom : Jeton
Numéro d’inventaire : Collection du Centre d’histoire de Montréal
Matériau(x) : métal
Dimensions : 2,5 cm de diamètre
Année ou période : XXe siècle
Inscription : Les ponts Jacques Cartier et / Champlain incorporée / The Jacques Cartier and / Champlain bridges incorporated
Donateur ou donatrice : Jean-Pierre Lavoie
Pointe-à-Caillère, Musée d’archéologie et d’histoire de Montréal. Montréal, par ponts et traverses, Montréal, Éditions Nota bene, 1999, 94 pages.
SAINT-PIERRE, Jacques. « Les ponts : défier les éléments pour abolir les distances », Cap-aux-Diamants : la revue d’histoire du Québec, no 111, 2012, p. 44-48.