Dans le cadre d’un projet sur les liens familiaux et la place des aïeuls au sein de la communauté portugaise de Montréal, des grands-parents témoignent de ce qui les unit à leurs petits-enfants. Ici, le témoignage de Manuel Vasco.
Dans le cadre de l’exposition Fil de tendresse, fio de ternura, Joaquina Pires est allée à la rencontre de grands-parents et de petits-enfants luso-montréalais, accompagnée de Fernando dos Santos, photographe, et de Francisco Peres, vidéaste. Plusieurs ont généreusement témoigné. Découvrez ici les mots de Manuel Vasco, grand-père de deux petits-enfants.
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Contre toute attente, lorsque nous commençons à vieillir, nous devenons encore plus rêveurs. Irrémédiablement fantaisistes, nous nous accrochons à des chimères en nous imaginant calmement, lors de nos vieux jours, entourés de petits-enfants, extasiés et plongés dans les mondes merveilleux que notre imagination fertile et expérimentée projette devant leurs yeux grand ouverts et innocents.
« Grand-père, raconte-moi une histoire. » Et nous, heureux, les yeux brillants et pleins de tendresse, nous creusons au plus profond du merveilleux puits intarissable. Nous leur parlons de la vie et des enchantements d’un jardin au bord de la mer où le soleil est plus lumineux et les caresses plus tendres.
Les mélopées de mon époque
Manuel Vasco
Hier, je suis allé à l’école de ma petite-fille assister à un concert de sa chorale. Autour, on entendait des cris et des rires débordants de joie. Bref, la jeunesse à son apogée, remplie de gaieté et de soif de vivre.
J’avoue que mes intérêts et goûts personnels ont déjà peu de points de convergence avec ceux de cette génération si différente de la mienne et moulée par un monde en pleine transformation. Lorsque mes petits-enfants viennent me visiter, je me surprends à observer du coin de l’œil leurs réactions. Dans les moments (des intervalles) où ils débranchent leurs gadgets électroniques, je les entends parler français entre eux presque indifférents à mes nombreux efforts d’établir des ponts de dialogue entre nous.
De mon temps
Manuel Vasco 2
Malgré tout ça, parfois, le ciel s’ouvre devant nous plein d’espoir. Lorsque mon petit-fils me demande de lui confectionner le arroz doce (pouding au riz) que sa grand-mère lui préparait ou lorsque nous passons devant la pâtisserie portugaise et que ma petite-fille me demande de lui acheter o pão com chouriço (un petit pain au chorizo). Ou encore, ces moments de joie lorsque tout à coup ils prennent un air plus sérieux pour me dévoiler leurs succès scolaires tout en sollicitant une caresse ou un simple sourire approbateur.
Ce sont des moments comme ça qui me font réaliser que rien n’est encore perdu. En effet, une voix provenant des profondeurs de ma mémoire me chuchote à l’oreille que, malgré tout, les fils qui tissent nos vies continuent entremêlés. Ce sont ces instants qui dissipent toutes les angoisses et effacent tous les points d’ombre et qui sont suffisamment magiques pour repeindre la vie avec les plus belles couleurs de l’Univers.
Manuel Vasco, avril 2016