L’effervescence industrielle de Montréal attire plusieurs grands gestionnaires des États-Unis. Leurs traces sont encore perceptibles dans le patrimoine bâti ou la toponymie.
Gestionnaires américains - Shaughnessy
Viser le nord
Belding, Paul et Co
Sur le plan industriel, les nouvelles méthodes et technologies états-uniennes s’imposent de plus en plus. Des firmes américaines ou canadiennes s’empressent de recruter des gestionnaires américains afin de profiter de leur connaissance et de leur expérience, et de tirer avantage de ces avancées. Leur arrivée coïncide souvent avec l’établissement d’une succursale au Canada qui permet aux entreprises américaines de contourner les barrières tarifaires, d’accéder aux marchés britanniques et de diminuer les coûts de production. De nouvelles usines arborant le nom d’entreprises américaines, comme General Electric, American Locomotive ou American Can, se multiplient. D’ailleurs, le capital américain accapare une place grandissante dans les investissements au Québec, au point de bientôt détrôner la domination des intérêts britanniques.
Viser haut!
Charles Melville Hays
C’est ainsi que le flamboyant William Cornelius Van Horne, président du Canadien Pacifique (1888), brille au sein des grandes fortunes montréalaises. D’origine modeste, il se hisse au sommet de l’administration ferroviaire états-unienne, avant d’accepter de diriger la construction de la ligne principale du chemin de fer du Canadien Pacifique en janvier 1882. Outre sa précieuse collection d’art, Van Horne étale sa richesse par la construction d’une somptueuse résidence rue Sherbrooke. En 1973, le scandale de la démolition de cette maison sensibilise toute une génération à la préservation du patrimoine bâti. Thomas George Shaughnessy, l’administrateur rigoureux que Van Horne fait venir en 1882, prend la relève de la présidence du Canadien Pacifique en 1899. Sa luxueuse demeure sur la terrasse Sherbrooke est désormais intégrée au Centre Canadien d’Architecture de Montréal. Van Horne et Shaughnessy ont aussi chacun une rue et un parc dédiés à leur mémoire.
La compagnie du chemin de fer du Grand Tronc confie elle aussi sa restructuration à un Américain. Charles Melville Hays est un administrateur rompu aux méthodes américaines, qu’on dit « plus dynamiques et moins empreintes de scrupules que celles des systèmes britanniques », rapporte son biographe Theodore D. Regehr. Pour assumer la direction générale, il arrive à Montréal le 1er janvier 1896 et s’y installe avec sa famille. Président de la compagnie en 1909, il occupe un hôtel particulier de la rue du Musée (autrefois avenue Ontario) dans le Mille carré doré. Mort à bord du Titanic en 1912, ses funérailles en grande pompe sont l’occasion de louanger son statut social enviable... sans tenir compte des controverses liées à son administration!
De multiples ascensions
Édifice Aldred
Dernier exemple, le formidable gratte-ciel Art déco de 23 étages de la place d’Armes qui se découpe dans le ciel montréalais, l’édifice Aldred (1929-1931), du nom de l’Américain John Edward Aldred. D’origines modestes, l’homme d’affaires en vient à jongler avec d’importants intérêts aux États-Unis et au Québec. Il devient l’un des fondateurs de la Shawinigan Water and Power Company et en assume la présidence en 1908. Dès 1903, la compagnie fournit de l’électricité à Montréal. Aldred, qui ne réside cependant pas en permanence à Montréal, peut, lors de ses séjours dans les années 1910, déposer ses valises dans la luxueuse maison d’appartements Linton... de la rue Sherbrooke. Comme quoi, de passage ou à demeure, les grands gestionnaires américains visent les sommets!
LEWIS, Robert. Manufacturing Montreal, The Making of an Industrial Landscape, 1850-1930, The Johns Hopkins Press, Baltimore, 2000, 336 p.
LINTEAU, Paul-André. « Les migrants américains et franco-américains au Québec, 1791-1840 : un état de la question », [En ligne], Revue d’histoire de l’Amérique française, no 53, vol. 4, 2000, p. 561–602.
http://www.erudit.org/revue/haf/2000/v53/n4/005536ar.pdf