Pendant et après la Seconde Guerre mondiale, des intellectuels de l’élite polonaise trouvent refuge au Canada et organisent la vie culturelle polonaise à Montréal. Parmi eux, une femme…
Wanda Stachiewicz, 1978
L’immigration polonaise en temps de guerre
Débutée à la fin du XVIIIe siècle, l’immigration polonaise vers le Canada se modifie dans les années 1920. Jusque-là composées essentiellement d’immigrants d’origine paysanne et sans le sou, les vagues d’expatriés changent et sont alors constituées de gens instruits, parlant souvent le français et l’anglais. Ce flot migratoire perdure jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale. L’immigration polonaise est alors considérablement ralentie.
En 1939, la Pologne est envahie et partagée entre l’Allemagne et l’Union soviétique. Par millions, les Polonais sont déplacés vers la Sibérie, les camps de concentration ou les camps de travaux forcés. Privilégiée, Wanda Stachiewicz est l’une des rares réfugiées accueillies en sol canadien durant la guerre.
Mère et combattante
Wanda Stachiewicz
Fille du recteur de l’Université Jan-Kazimierz à Lvov, Wanda Stachiewicz est, en 1939, femme du chef de l’état-major de l’armée polonaise. Au début de la guerre, elle s’investit dans la résistance contre l’envahisseur, tout en assurant la sécurité de ses trois enfants. Dans l’incapacité de communiquer avec son mari et sentant la situation s’envenimer, Wanda décide de fuir la Pologne : « Et ainsi, sans foyer et accablée, j’ai traversé la frontière roumaine de nuit, accompagnée de mes trois enfants. Dans la forêt, approchant la ligne de démarcation, nous nous sommes penchés et nous avons embrassé la terre sombre. Mes fils en ont pris une motte pour accompagner le triste exil. Ma petite fille, fatiguée et somnolente, mais heureuse dans son inconscience, a serré contre elle son ourson, le dernier cadeau de son père. »
Après un périple à travers l’Europe, elle quitte l’Angleterre avec ses enfants vers Montréal. À son arrivée, Wanda est accueillie au couvent du Sacré-Cœur, situé dans l’ancien village du Sault-au-Récollet. Sans le sou, elle échange ses services de professeure de piano contre l’aumône des Sœurs. Progressivement, elle établit un nouveau réseau parmi l’élite montréalaise et polonaise.
Une femme parmi les hommes
Wanda Stachiewicz - événement
Quatre années après son arrivée, Wanda réalise son ambitieux projet. Pour ce faire, elle cogne à la porte de nombreux hommes influents, dont le président de l’Université McGill qui accepte d’accueillir l’organisme en ses murs. Elle acquiert également l’appui du célèbre professeur Wilder Penfield, directeur de l’Institut de neurologie de McGill et membre de l’Académie polonaise. L’Institut polonais des arts et des sciences au Canada est fondé en 1943, en plein conflit mondial. Il vise alors la défense de la cause polonaise et de la liberté de l’homme ainsi que le rayonnement de la culture polonaise. L’établissement devient rapidement un lieu de rencontre incontournable pour les intellectuels polonais. Nombre d’entre eux arrivent après la guerre, lorsque la Pologne tombe sous le joug soviétique. Parmi eux, le mari de Wanda, qui retrouve sa famille en 1948.
Au terme du conflit mondial, Wanda fonde la Bibliothèque polonaise, partie intégrante de l’Institut, où elle travaille jusqu’à la fin de ses jours. Centenaire, Wanda décède en 1996. L’établissement est alors renommé en son honneur, Bibliothèque polonaise Wanda-Stachiewicz.
Merci à Stefan Władysiuk, de la Bibliothèque polonaise Wanda-Stachiewicz, d'avoir contribué à la recherche au contenu de cet article.
En 1992, l’écrivaine québécoise Arlette Cousture écrit une fiction en deux tomes (Ces enfants d’ailleurs, 1992 et 1994) sur l’immigration polonaise durant la Seconde Guerre mondiale vers le Canada et notamment vers Montréal. Le premier tome s’est vendu à plus de 300 000 exemplaires au Québec et en France. L’ouvrage a aussi été porté à l’écran par Jean Beaudin en 1996.
Ces enfants d’ailleurs, [Enregistrement vidéo], réalisateur : Jean Beaudin, Montréal, Montréal Malofilm Vidéo, 1998, vidéocassette VHS, 91 min.
COUSTURE, Arlette. Ces enfants d’ailleurs, Montréal, Libre expression, 1992.
DEMBINSKA, Magdalena, et Katrazyna KARNASZEWSKA. « Les Polonais du Canada. Vagues migratoires et vie de la diaspora », dans BERTHIAUME, Guy, et autres. Histoires d’immigrations au Québec, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2012, p. 77-94.
DOMANSKI, Maciej. The Construction of Social Reality in Minority Discourse: Polish Immigrants in Montreal, Thèse de doctorat (anthropologie), Université de Montréal, 2003. xii, p.120 et les suivantes.
STACHIEWICZ, Wanda. Journey Through History. Memoirs, Canadian Polish Research Institute, Toronto, non daté, 200 pages.