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La société montréalaise à l’époque de la Nouvelle-France

08 novembre 2016

Gens d’Église, de guerre, de commerce et de métier, mais aussi petites gens peuplent le Montréal de la Nouvelle-France. Dans cette société, tous se connaissent, mais ne se fréquentent pas forcément.

Place d'Armes, 1790 (c-151295)

Aquarelle représentant la place d'Armes en 1790 avec l'église Notre-Dame en arrière-plan.
Bibliothèque et Archives Canada, no d'acc R9266-256 Collection de Canadiana Peter Winkworth.
Dans la petite ville fortifiée, tous se connaissent, entretiennent des liens d’affaires ou de famille, se voient ou se côtoient sur la place du marché et à l’église. Ils se croisent et sont souvent voisins, mais forment des cercles relativement fermés. Les membres de l’élite coloniale, marchands, officiers et fonctionnaires, se marient entre eux. Ces alliances familiales sont la porte d’accès aux charges et aux postes rémunérés par le roi, un moyen sûr d’obtenir une pension à vie. Les gens de métier, comme les tanneurs, les boulangers, les tailleurs de pierre, les orfèvres ou les maçons, s’allient aussi par le mariage afin de préserver les avantages de leur savoir-faire. Quant aux domestiques, blanchisseuses, esclaves et engagés (Français venus travailler sous contrat en Nouvelle-France), ils dépendent des besoins et du bon vouloir des nantis.

Gens de commerce et gens de guerre

François Bérey des Essars

Illustration de François Bérey des Essars
Une école montréalaise pour tous.
Les militaires gradés et la bourgeoisie marchande font partie de l’élite de la société montréalaise. Le commerce de fourrures en a enrichi plusieurs. Ce commerce requiert, outre les marchands, l’expertise des armuriers, la plume du notaire, l’aiguille de la couturière, la protection des soldats, le transport des charretiers, le travail des journaliers, des domestiques et des esclaves, et l’alcool des aubergistes. Les négociants alimentent l’économie en fournissant aux marchands détaillants les produits de la métropole. Les marchands-équipeurs, eux, embauchent des engagés, fournissent des canots et des marchandises d’échange pour le voyage vers l’Ouest. Au retour, ils se remboursent avec les fourrures rapportées. Les officiers sont aussi bien présents dans ce commerce. En plus de contrôler les activités militaires et de mener des expéditions vers les territoires ennemis, ils entretiennent des relations politiques et économiques avec les Premières Nations, cherchant parfois à en tirer un profit personnel.

Les femmes de cette classe dépendent de leur mari. Elles tiennent maison, reçoivent, organisent dîners et soirées mondaines, rendent visite aux dames de leur rang, suivent la mode parisienne. Le décès de leur époux peut signifier le début de temps difficiles sur le plan économique. Mais certaines veuves reprennent parfois les affaires de leur défunt mari, et jouent ainsi un rôle important dans l’économie de la société. Les enfants de cette élite ont la chance d’aller à l’école. Ils apprennent la lecture, l’écriture et le calcul, ainsi que le catéchisme. Ils sont tout de même assez libres. On veut faire des petites filles des épouses modèles et des chrétiennes exemplaires et des petits garçons des hommes dignes de leur rang.

Les gens de métier

Montréal a un besoin constant de gens de métier. Chaque année, les autorités réclament de la France l’envoi de travailleurs spécialisés. Les menuisiers et les charpentiers, les maçons et les tailleurs de pierre, les couvreurs, les plâtriers et autres travailleurs de la construction ne manquent pas d’ouvrage. D’autres gens de métier sont aussi indispensables, comme les armuriers, les bouchers, les boulangers et les perruquiers.

Les épouses des hommes de métier épaulent leur mari dans leur travail. Elles peuvent aussi subvenir aux besoins de la famille en étant blanchisseuses, cabaretières ou couturières pour les marchands-équipeurs.

Les communautés religieuses

Maquette Montréal 1745 - Hôtel-Dieu

Maquette de Montréal en 1745, vue sur l'Hôtel-Dieu
Centre d'histoire de Montréal.

Les communautés religieuses d’hommes et de femmes jouent un rôle primordial dans la société montréalaise, particulièrement les sulpiciens, qui sont les seigneurs de l’île de Montréal. Les récollets et les jésuites s’occupent de l’enseignement chrétien des garçons et les sœurs de la congrégation de Notre-Dame de celle des jeunes filles.

Les sœurs hospitalières de Saint-Joseph, qui sont semi-cloitrées, dispensent les soins de santé à l’Hôtel-Dieu. C’est également là que plusieurs femmes de la haute société vont terminer leurs jours en louant une chambre en échange d’un legs important. D’autres préfèrent l’Hôpital général des frères Charon, à l’extérieur des murs de la ville, qui fait office d’hospice pour les mendiants, les indigents et les prostituées.

Soldat français

Illustration d'un soldat français
Une école montréalaise pour tous.

Les soldats

Il y a environ 250 soldats dans la ville. Ils logent chez les habitants, car il n’y a pas encore de caserne pour les troupes. Les Montréalais doivent fournir « le couvert, le paillage, la marmite et la place à leur feu ». Et les magasins du roi fournissent la nourriture.

Les soldats font la garde aux portes de la ville et à différents endroits, comme à la porte de l’Hôtel-Dieu. Ils construisent aussi les fortifications de la ville. Comme ils ne sont pas très bien payés, ils travaillent parfois à la journée pour des habitants qui ont besoin d’aide pour des travaux.

Les domestiques et les esclaves

Marie-Manon

Illustration de Marie-Manon, esclave amérindienne de François Bérey des Essars
Une école montréalaise pour tous.

À Montréal, le travail des domestiques occupe des hommes, des femmes et même de jeunes enfants. Ils sont logés, nourris et vêtus, et sont quelquefois placés dès l’âge de 2 ans pour servir une famille jusqu’à 18 ou 20 ans. Ils ont parfois droit à un lit ou, plus rarement, à une chambre. Leur travail commence très tôt et se termine très tard. Il consiste, entre autres choses, à nettoyer la maison de fond en comble, à faire les courses les jours de marché, à cuire le pain, à repasser le linge, à préparer les repas et à travailler au jardin.

Les esclaves, autochtones et noirs, héritent en général des tâches les plus ingrates. Ils vident les pots de chambre, transportent les seaux d’eau potable plusieurs fois par jour depuis la petite rivière Saint-Pierre, coupent et portent le bois pour les nombreuses cheminées, lavent les planchers, battent les tapis, font la lessive au fleuve, soignent les animaux et passent de longs moments à tourner la broche pour cuire la viande.

Cet article est une version remaniée de textes de l’exposition Qui a mis le feu à Montréal? 1734. Le procès d’Angélique, présentée au Centre d’histoire de Montréal du 11 octobre 2006 au 30 décembre 2008.

Engagement d’Angélique Vignaud au sieur Mailhiot et sa femme

Cet extrait d’un acte notarié du début du XVIIIe siècle décrit les conditions de l’engagement d’une enfant de huit ans comme servante domestique.

« [...] Louise Hélène Poirier, veuve de Jean-Baptiste Vignaud habitant de l’Ile Perrault, servante domestique du sieur François Mailhiot, marchand bourgeois de cette ville y demeurant rue St-Paul, laquelle a par ces présentes volontairement engagé sa fille Angélique Vignaud, âgée d’environ huit ans, audit sieur Mailhiot et à damoiselle Charlotte Gamelin son épouse ce acceptant, jusqu’à l’âge de vingt ans accomplis, [...] en qualité de servante domestique sans qu’elle puisse quitter leur service sous quelque prétexte que ce soit [...] lesdits sieur et damoiselle Mailhiot promettent [...] de nourrir, loger et entretenir [...] traiter humainement et en outre de lui donner [...] douze chemises neuves de toile de Beaufort, une pièce d’étamine, un jupon de sallamande, une paire de bas d’étamine, une paire de souliers, deux aunes de mousseline, une paire de gants, une coiffe noire et un mouchoir de soie [...] »

Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Centre de Montréal, CN601, S89, notaire Charles René Gaudron de Chèvremont, Engagement d’Angélique Vignaud au sieur Mailhiot et sa femme, 15 décembre 1736.

Référence bibliographique

Beaugrand-Champagne, Denyse. Le procès de Marie-Josèphe-Angélique, Montréal, Libre Expression, 2004, 296 p.