Parcourons Montréal en 1734, et imaginons la vie des habitants de cette petite ville coloniale, française et catholique. Cité de commerçants et de militaires, elle couvre le Vieux-Montréal actuel.
Vue de Montréal en 1721
Le Montréal de 1734 est une petite ville coloniale française et catholique qui correspond au Vieux-Montréal d’aujourd’hui. Il n’y a pas de démocratie, pas de journaux, les épouses sont soumises à leur mari, les soldats sont nombreux, l’esclavage est reconnu par la loi et la torture fait partie de la procédure judiciaire. Ville de commerce et ville militaire, Montréal vit au rythme des changements de la garde et de l’appel des cloches aux nombreuses célébrations religieuses.
Une ville fortifiée
Plan de Montréal en 1731
Les activités commerciales ont lieu dans la basse ville, le long de la rue Saint-Paul, près du fleuve. Cette partie de la ville est plus densément bâtie et peuplée. Depuis l’incendie de 1721, il est interdit de construire en bois à l’intérieur des murs. Les marchands y ont fait bâtir leur demeure en pierre à l’image de leur fortune, avec boutique donnant sur la rue. Les Lemoine Monière, Berey des Essars, de Francheville et Volant Radisson habitent cette rue animée.
Dans la haute ville, située sur la colline traversée par la rue Notre-Dame, les résidences sont plus espacées. C’est là que les sulpiciens ont choisi de faire construire l’église paroissiale, en 1672, pour s’éloigner un peu des bruits de la basse ville. Tous les jours, des paroissiens, telle la veuve Francheville, s’y rendent pour prier. Les communautés religieuses installent aussi leur monastère, couvent, chapelle, jardin et verger dans cette partie de la ville.
Une vie réglementée
Maquette Montréal 1745 - place du marché
La vie des Montréalais est aussi régie par la religion catholique, la seule autorisée en Nouvelle-France. Ils doivent régulièrement faire abstinence, se rendre à la messe, se confesser et chômer les dimanches et les jours de fêtes religieuses. Le curé délivre aux voyageurs, avant leur départ, un billet de confession leur permettant de recevoir la communion ou, encore, des certificats de bonnes mœurs à ceux qui veulent accéder à un poste administratif. Il garde toujours l’œil bien ouvert. Le juge Raimbault en sait quelque chose. Il s’est vu interdire l’entrée de l’église lors de la fête de Pâques, faute d’avoir confessé une liaison avec une veuve. Le curé interdit aussi aux cabaretiers de servir de l’alcool pendant la messe et il lui faut même rappeler que les chiens ne sont pas acceptés dans les églises…
Tous ces règlements n’empêchent pas les dames de la bonne société de jouer en cachette aux cartes ou de danser toute la nuit, ni à certains et certaines de boire un coup dans les ruines du château de Callière.
Le jour de l’incendie
Illustration de Karl Dupéré-Richer
Le matin du 10 avril, Thérese de Couagne, la veuve de François Poulin de Francheville, va à la messe très tôt. Elle monte au grenier avec son esclave, Angélique, vers sept heures pour nourrir les pigeons. Entre midi et 13 heures, elle retourne à l’église pour se recueillir devant le Saint-Sacrement et y ira de nouveau pour la prière du soir. Elle y croisera alors Marie-Louise Poirier dite Lafleur, son ancienne domestique, lui promettant de la reprendre à son service quand Angélique sera partie. Angélique, elle, travaille dès l’aurore. Dans l’après-midi, elle cueille des feuilles de pissenlits le long des murs des couvents, des jardins privés et des murailles entourant la ville, avant de revenir à ses tâches ménagères. En fin d’après-midi, elle taquine sa voisine Marie-Manon, l’esclave autochtone de François Bérey des Essars, le trésorier du roi, qui est assise sur le pas de la porte. Marie-Manon prend l’air quelques minutes avant de retourner faire cuire un castor sur la broche.
Chacun vaque à ses occupations
Maquette Montréal 1745 - congrégation de Notre-Dame
Cet article est une version remaniée de textes de l’exposition Qui a mis le feu à Montréal? 1734. Le procès d’Angélique, présentée au Centre d’histoire de Montréal du 11 octobre 2006 au 30 décembre 2008.
Malgré les foudres du curé, plusieurs dames de marchands et de fonctionnaires aiment danser toute la nuit aux bras des cavaliers, les soirs de bals. Chez les Lemoine Monière et les Bérey des Essars, les maîtresses ont donné des ordres stricts aux domestiques et aux esclaves, car les dames bien nanties rivalisent d’ingéniosité pour exposer leur richesse. Un extrait du journal de Madame Bégon donne un aperçu de ces festivités :
« Le croiras-tu, cher fils, que cette dévote madame Verchères a fait danser toute la nuit dernière? Nos prêtres vont joliment prêcher; le jour de la Notre-Dame, dans l’avent, donner le bal!
Ce qu’il y a de beau, c’est que demain, il y en a un chez madame Lavaltrie, après demain chez madame Brageloyne. Voilà de quoi désespérer monsieur le curé! »
Centre de Québec de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Journal de Madame Bégon, P2, P1; P2, P27; P2, P28, Rocbert de la Morandière, Elisabeth (Madame Bégon), 12 novembre, 9 et 11 décembre 1748.
Beaugrand-Champagne, Denyse. Le procès de Marie-Josèphe-Angélique, Montréal, Libre Expression, 2004, 296 p.