La présence affirmée de Haïtiens dans le paysage montréalais, culturel ou politique, est le signe d’une communauté nombreuse et dynamique, implantée dans la métropole depuis plusieurs décennies.
Haïtiens - pavillon d'Haïti Expo 67
Mais l’histoire de l’immigration haïtienne au Québec commence véritablement avec le renversement du président Élie Lescot, en 1946, et surtout après l’installation en 1957 du régime répressif du docteur président François Duvalier, dit Papa Doc. Depuis, les bouleversements politiques, économiques, et même géologiques, de cette île, qu’on nomma jadis « la perle des Antilles », n’ont cessé de chasser loin de ses rives, ses fils et ses filles par milliers jusqu’à celles de notre île métropole.
En 2011, la communauté des quelque 111 000 Montréalais et Montréalaises d’origine haïtienne offre la diversité d’une véritable société : diversité d’opinions politiques, de statuts socioéconomiques, d’instruction, de travail et même de langue. Leur place dans le quotidien et l’imaginaire de la métropole est remarquable.
Jeunesse dorée
Haïtiens - 1958
La plupart retournent ensuite en Haïti. Certains restent ici, comme Max Dorsinville, venu à Montréal pour étudier au Collège Saint-Laurent et devenu par la suite écrivain, ou Édouard Wooley, ténor détenteur d’un doctorat en musique et un des fondateurs en 1948 du Studio d’art lyrique à Montréal. D’autres, comme Jean Bolté, étudiant en administration, retournent en Haïti après leurs études pour revenir ensuite à l’arrivée de Duvalier au pouvoir.
Un exil d’île en île
La dictature de François Duvalier, à partir de 1957, pousse des activistes politiques, des intellectuels, des artistes et des professionnels francophones et créoles à s’installer dans l’île de Montréal. Les pieds dans la neige et la tête en Haïti, « Montréalais le jour et Haïtiens la nuit », ils arrivent en pleine Révolution tranquille. La petite communauté de 500 personnes en 1967 compte déjà plus de 3700 personnes en 1971. Les professionnels sont accueillis à bras ouverts au moment où les systèmes publics de santé et d’éducation se forment.
Haïtiens - Anthony Phelps
Mais il n’y a pas que l’écrit et la parole pour se rencontrer. Les Montréalais et Montréalaises découvrent dans la frénésie les musiques de Joe Trouillot, Kesner Hall, Nono Lamy et Guy Durosier.
Montréal, ville refuge
La deuxième vague d’immigration des années 1970 est plus forte. Populaire et créole, elle est en grande partie composée de travailleurs non spécialisés et de leurs familles. Avec l’ouverture, en 1978, d’un vol direct entre Port-au-Prince et Montréal, des réfugiés haïtiens arrivent aussi dans la métropole québécoise. Haïti devient le pays d’où viennent le plus d’immigrants au Québec, avec 14,7 % de l’immigration.
Haïtiens - Édouard Anglade
La création de maisons d’édition comme Nouvelle Optique, de revues comme le collectif Paroles, de la maison de production de disques Caliban, de la Société de recherche et de diffusion de la musique haïtienne, la mise sur pied de l’émission La Voix d’Haïti à Radio Centre-Ville et la formation de groupes féministes sont autant de signes d’une vie intellectuelle florissante au sein de la communauté en pleine formation.
Vivre, enfin
Haïtiens - cabane à sucre
En 1986, le régime Duvalier s’écroule. Le fils de Papa Doc, Jean-Claude Duvalier, s’enfuit. L’espoir renaît avec l’élection de Jean-Bertrand Aristide. Plusieurs Montréalais d’origine haïtienne retournent à Haïti, rêvant de contribuer à son développement.
Même si les immigrants haïtiens doivent maintenant obtenir un visa pour venir au Canada, c’est une nouvelle vague de plus de 10 000 personnes, composée de professionnels, d’artistes et d’étudiants, qui viennent s’installer à Montréal jusqu’à la fin des années 1990. Les quartiers Saint-Michel et Montréal-Nord deviennent des petites patries haïtiennes où l’on parle, mange et danse créole. Des commerces s’ouvrent sur les rues Jarry, Bélanger, Fleury, Saint-Michel et dans le quartier Rivière-des-Prairies. Les boîtes de nuit résonnent au son du kompa.
Les Haïtiens arrivés jeunes ou nés ici se métissent culturellement, parlent français avec l’accent québécois, apportent de nouvelles valeurs et de nouvelles musiques. De crises familiales en crises sociales, ces jeunes gens vivent les tensions provoquées par l’intégration, mais aussi des réussites remarquables et remarquées par toute la société québécoise.
Terminus Montréal
Haïtiens - salon du livre
2010 : Montréal solidaire
Haïtiens - séisme
Ce texte est en partie tirée de l’exposition Tèt ansanm, tous ensemble – Présences haïtiennes d’ici, présentée au Centre d’histoire de Montréal du 19 mai au 5 septembre 2004. Il a été mis à jour en 2017.
GOUVERNEMENT DU QUEBEC, Consultation publique 2016. La planification de l’immigration au Québec pour la période 2017-2019. L’immigration au Québec. Le rôle du ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion et de ses partenaires, Montréal, Ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, 2016, p. 59.
GOUVERNEMENT DU QUÉBEC. DIRECTION DE LA RECHERCHE ET DE L’ANALYSE PROSPECTIVE DU MINISTÈRE DE L’IMMIGRATION, DE LA DIVERSITÉ ET DE L’INCLUSION. Portrait statistique de la population d’origine ethnique haïtienne au Québec en 2011, 2014. [En ligne] (Consulté le 13 mars 2017).
http://www.quebecinterculturel.gouv.qc.ca/publications/fr/diversite-ethn...
VILLEFRANCHE, Marjorie. « Partir pour rester. L’immigration haïtienne au Québec », dans Guy BERTHIAUME et al., Histoires d’immigrations au Québec, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2012, p. 145-161.