Le patrimoine photographique montréalais offre un ensemble documentaire d’une formidable richesse. Nous le devons à des maîtres photographes, mais aussi à la photographie commerciale et privée.
Photographie - Daguerréotype
Pour comprendre et analyser le passé, l’historien puise sa matière auprès de témoins vivants, de sources écrites, d’objets, de documents picturaux et, depuis peu, de photographies et de bandes filmées. Or, le patrimoine photographique montréalais remonte à 1852. Il nous permet donc de conserver l’image de la vie et l’aspect physique de Montréal, de 1852 à nos jours. Ainsi, nous avons aujourd’hui accès à un ensemble documentaire d’une formidable richesse, réparti autant dans les archives publiques et privées que chez les particuliers.
La photographie, qui consiste à imprimer de façon durable une image par l’action de la lumière sur une surface sensible, s’appelait auparavant le daguerréotype, du nom de son inventeur français, Jacques Daguerre. Celui-ci peut être considéré comme l’inventeur de la photographie. Sa technique, mise au point en 1839, intrigue bien des amateurs de nouveautés. Rapidement, le daguerréotype fait sensation auprès des classes les plus fortunées d’Europe et d’Amérique. Montréal n’échappe pas à cette vogue et nombreux sont ceux qui vont se faire « prendre le portrait » à la place d’Armes chez Thomas Coffin Doane, le daguerréotypiste montréalais du milieu du XIXe siècle. À cette époque, il en coûte environ cinq dollars pour une photographie, ce qui représente une somme assez considérable. Ce ne sont donc pas les employés des nombreuses manufactures apparaissant alors à Montréal qui peuvent se permettre un tel luxe. Quant aux riches Montréalais, comme George Stephen (président de la Banque de Montréal et du Canadien Pacifique), ils font systématiquement photographier toute leur famille, ainsi que leur patrimoine foncier. Mais ce sont aussi les grandes entreprises qui font fructifier les affaires des studios de photographie en commandant des séries de clichés. La photographie commerciale devient rapidement incontournable pour toute entreprise voulant faire connaître la majesté des parcours de ses chemins de fer ou la taille impressionnante de ses manufactures.
La photographie se démocratise
Photographie - Studio de William Notman
Cette démocratisation ne touchera cependant le monde religieux que plus tardivement. En effet, Monseigneur Ignace Bourget, évêque de Montréal de 1840 à 1876, affecte une certaine réserve à l’égard des portraits. Ce sont donc principalement les bâtiments religieux qui seront représentés comme témoins de la dynamique présence religieuse à Montréal au tournant du siècle.
Traiter de la photographie à Montréal sans évoquer les studios de William Notman serait oublier celui dont le nom fut pendant longtemps synonyme de la photographie montréalaise. La qualité autant que l’abondance du travail effectué par les studios Notman (près de 400 000 clichés sont conservés au Musée McCord) expliquent le renom encore aujourd’hui associé à ce grand photographe.
De nombreux maîtres photographes
William Notman vers 1866-1867
À mesure que la technologie et les techniques se développent au cours du XXe siècle, une véritable culture photographique artistique apparaît au point de faire de la photographie un art à part entière. Parmi ceux qui feront de ce médium un art contemporain à Montréal, mentionnons notamment Gabor Szilasi, Conrad Poirier (25 000 clichés à Bibliothèque et Archives nationales du Québec), Armour Landry et Alan B. Stone (25 000 clichés aux Archives gaies du Québec).
En parallèle à cette voie artistique, la photographie a aussi acquis une importance vitale dans la transmission de l’information par le reportage documentaire ou journalistique. Mais probablement, le médium photographique s’est de loin le plus imbriqué dans notre quotidien par sa fonction de support aux souvenirs de tout un chacun. La photographie a ainsi changé notre relation avec la mémoire individuelle et collective.
Cet article est paru dans le numéro 38 du bulletin imprimé Montréal Clic, publié par le Centre d’histoire de 1991 à 2008. Il avait été écrit avec la collaboration de Jean-François Larose.
Port en 1874