De 1947 à 1967, l’Institut Notre-Dame-de-la-Protection, ancêtre du Chaînon, a servi de foyer à de nombreuses fillettes et jeunes filles. Les Associées prenaient alors le rôle de maman.
L’Institut Notre-Dame-de-la-Protection, devenu Le Chaînon en 1978, a hébergé, de 1947 à 1967, de nombreuses jeunes filles âgées en moyenne de 7 à 17 ans. Le service de l’Accueil aux fillettes était géré par des femmes dévouées et engagées qui remplissaient un rôle maternel auprès de ces fillettes en les éduquant, les nourrissant, les consolant et les guidant le mieux possible vers un avenir plus réjouissant.
Avant la Direction de la protection de la jeunesse
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« J’en revois encore de ces filles qui avaient de gros problèmes. Mais à l’époque, même si on le sentait, on n’en parlait pas. Pour nous qui étions si choyés à la maison, même si nos parents n’étaient pas très riches, c’était tout un continent à découvrir. Celui de la misère, de la tristesse. C’est peut-être d’ailleurs parce que j’ai tant reçu, enfant, que j’ai été appelée à donner. » — Monique Bérubé, Associée, Le Chaînon : La maison de Montréal, 1998
C’est donc dans les décennies où très peu de ressources existaient pour les enfants pauvres, abandonnés ou dont l’inconduite des parents les exposait à divers dangers que l’Institut Notre-Dame-de-la-Protection élargit ses services pour offrir, de 1947 à 1967, un toit sécuritaire et permanent à des fillettes âgées en moyenne de 7 à 17 ans. L’accueil au sein de l’organisme est dicté par les besoins des protégées et par beaucoup de souplesse à leur égard, il arrive donc que des fillettes plus jeunes soient recueillies et que les jeunes filles ne se sentant pas prêtes à quitter l’institut à 17 ans continuent à y être hébergées.
Des fillettes exposées au danger
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La majorité des fillettes sont recommandées par des agents de probation de la Cour juvénile. Mais parfois, ce sont les Associées qui persuadent la mère de placer son enfant ou bien c’est la mère qui, inquiète ou au bout de ses ressources, demande à la Maison d’accueil d’héberger sa fille. Autour d’une soixantaine de fillettes vivaient quotidiennement à l’organisme alors que des centaines attendaient qu’une place se libère. La Maison d’accueil proposait un service temporaire pour les enfants qui avaient besoin d’un endroit le temps de refaire leurs forces ou, sinon, l’organisme abritait définitivement les fillettes, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’elles soient en mesure d’assurer leur existence d’une façon convenable, matériellement et moralement.
L’esprit d’une vie familiale
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Lorsque les fillettes, inscrites dans différentes écoles de la Commission scolaire, partent pour les classes, les Associées les embrassent et s’assurent de créer un lien affectif avec chacune d’entre elles. Les jeunes filles plus âgées vont à des écoles commerciales ou d’arts et métiers. Au retour à la Maison d’accueil, toutes accomplissent leurs devoirs sous la supervision des Associées qui les aident dans leurs travaux scolaires.
De plus, pour créer une véritable ambiance familiale, les loisirs sont tout aussi importants que l’hygiène, une alimentation suffisante, des habitudes de vie régulières, la sécurité et le contentement apporté par l’environnement physique et moral. On s’efforce de répandre la joie et d’alléger les rigueurs du quotidien de toutes les façons possibles : rire lors des repas, célébration des anniversaires, périodes de jeu, de chant et de musique. Les jeunes filles qui connaissent le piano sont invitées à s’installer au clavier, tandis que Monique joue de son accordéon et que les autres Associées agrémentent l’ambiance en jouant d’un instrument de musique ou en chantant avec les enfants.
Lieux de vie
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Les premières années de l’Accueil aux fillettes sont inconfortables par manque d’espace. Les jeunes filles vivent à l’étroit à la Maison d’accueil située dans la rue De La Gauchetière et elles doivent cohabiter avec des protégées plus âgées parfois prises avec de graves problèmes. Il n’y a pas d’endroit propre à la récréation et, faute de mieux, les corridors servent de salle de jeu et de salle d’étude. Malgré tous les efforts des Associées pour rendre l’environnement agréable et adéquat, les locaux sont trop étroits, peu appropriés et mal aménagés.
L’école en ville, les vacances à la campagne
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De cette Grande’Corvée découle l’octroi de deux maisons et d’un camion pour transporter les fillettes. La maison principale, située plus au nord que la maison-mère, au 6895, rue Boyer, au coin de la rue Bélanger, est localisée dans un environnement plus vert et sécuritaire. Elle offre aux jeunes un espace pour jouer dehors et permet aux jeunes filles de vivre dans une maison uniquement pour elles et les Associées. Puis une maison de vacances située à Sainte-Rose permet aux fillettes de fuir l’étouffement des chaleurs de la ville lors du congé scolaire en été. Cette maison remplace avantageusement les deux camps d’été précédents, à Sainte-Scolastique et à Saint-Basile. Yvonne Maisonneuve avait toujours déployé maints efforts pour que les fillettes puissent courir à cœur joie, se baigner et respirer l’air pur des paysages verdoyants lors des vacances scolaires. La Maison Sainte-Rose permet d’accueillir 70 fillettes. Toutes les fillettes de l’organisme sont du lot, sauf les quelques rares qui passent les vacances dans leur famille, et les places restantes sont offertes à des fillettes pauvres du bas de la ville.
L’attachement et les liens familiaux
« J’ai gardé des liens étroits avec plusieurs fillettes de l’époque et je me sens vraiment mère et plusieurs fois grand-mère! » — Lucie Morrissette, Associée, Le Chaînon : La maison de Montréal, 1998
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Lorsque les jeunes filles quittent la Maison d’accueil, l’attachement perdure. Elles sont invitées, si elles le souhaitent, à participer à certains loisirs, à des conférences, à des cours pratiques et à des retraites. Les Associées maintiennent le contact par l’envoi de cartes de souhaits, par des appels téléphoniques, et les jeunes filles reviennent festoyer et discuter avec elles. Parfois, les anciennes fréquentent la Maison, accompagnées de leur mari et de leurs enfants. Quelques-unes des Associées jouent le rôle de grand-mère auprès des enfants de leurs anciennes protégées. Encore à ce jour, certains liens profonds se maintiennent, depuis plus de 60 ans.
Pendant 20 ans, l’Accueil aux fillettes de l’Institut Notre-Dame-de-la-Protection aura permis à des centaines de jeunes filles de bénéficier d’un refuge stable, empli d’amour et de sécurité, le tout assuré par le dévouement des Associées. En 1967, le service de l’Accueil aux fillettes et les Maisons sont transférés aux religieuses du Bon-Pasteur.
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L’élaboration de cet article a bénéficié du soutien du Laboratoire d’histoire et de patrimoine de Montréal de l’Université du Québec à Montréal, notamment grâce à l’expertise de l’historien Martin Petitclerc. Merci à Sylvie Bourbonnière, directrice générale de La Fondation Le Chaînon, pour sa relecture, de même qu’à Lucie Morrissette, Fernande Themens et Jeannine Gagné.
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Archives
Les archives de l’Association d’entraide Le Chaînon.
Monographies
BAILLARGEON, Denyse. Brève histoire des femmes au Québec, Montréal, Boréal, 2012, 288 p.
BAILLARGEON, Denyse. « Pratiques et modèles sexuels féminins au XXe siècle jusqu’à l’avènement de la pilule », Une histoire des sexualités au Québec, Jean-Philippe Warren (dir.), Montréal, VLB éditeur, 2012, p. 17-31.
BIZIER, Hélène-Andrée. Une histoire des Québécoises en photos, Montréal, Fides, 2006, 319 p.
HALPERN, Sylvie. Le Chaînon : La maison de Montréal, Montréal, Stanké, 1998, 238 p.
LÉVESQUE, Andrée. Résistance et transgression, Montréal, Remue-Ménage, 1995, 157 p.