Des revendications des années 1960 à la création de l’Office de consultation publique de Montréal
La volonté des Montréalaises et Montréalais d’être consultés dans les débats sur l’aménagement s’exprime tôt dans l’histoire de la ville, et de plus en plus fermement au milieu du XXe siècle.
Bien avant la création de l’Office de consultation publique de Montréal en 2002, des Montréalaises et des Montréalais se mobilisent pour faire reconnaître leur droit d’être consultés sur les grands enjeux qui touchent l’aménagement de la ville. Dès le milieu du XIXe siècle, des mobilisations citoyennes s’organisent pour protéger et mettre en valeur le mont Royal. Au fil des décennies suivantes, des groupes se rassemblent pour être informés et faire connaître leurs opinions sur différents sujets liés à l’aménagement de la ville.
Revendiquer l’action citoyenne dès les années 1960
Héritage Montréal
En 1984, une coalition formée d’associations comme Héritage Montréal et Sauvons Montréal ainsi que de représentants du milieu des affaires, dont la chambre de commerce de Montréal et le Montreal Board of Trade, fait pression pour obtenir une consultation sur un projet immobilier prévu par la firme Cadillac Fairview dans le secteur de l’avenue McGill College. Une alliance d’organismes, de professionnels et du milieu des affaires convainc alors le promoteur de financer une consultation indépendante. En 1985, une consultation sur l’aménagement du Vieux-Port de Montréal est menée par le Comité consultatif du Vieux-Port de Montréal. Cet exercice très pionnier permet d’éviter des dégâts qu’ont connus d’autres villes comme Toronto ou Québec dans le réaménagement de leur zone portuaire comme en témoigne Dinu Bumbaru, directeur des politiques chez Héritage Montréal.
En 1986, le Rassemblement des citoyens et citoyennes de Montréal (RCM) arrive au pouvoir à la Ville, sous la direction de Jean Doré. Ce parti politique, fondé en 1974, qui accorde une grande importance à la démocratie participative, va changer les procédures municipales et encourager la consultation. Dès la première séance du conseil de ville suivant son arrivée au pouvoir, le RCM s’engage à ouvrir une période de questions pour les citoyens à l’Hôtel de Ville, signe de la place qu’il désire donner à la parole citoyenne. En 1987, la Ville de Montréal commande une consultation pour l’agrandissement du Musée des beaux-arts de Montréal puis, en 1988, une autre sur le mont Royal.
Le Bureau de consultation de Montréal
Bureau de consultation de Montréal
Le BCM mène des commissions qui tiennent des audiences publiques en deux temps, une première partie est réservée à la présentation du projet, une seconde à l’audition des opinions. Dans une troisième phase ont lieu l’analyse et la production d’un rapport. Jules Patenaude, qui a travaillé au BCM comme analyste, affirme qu’il « était important que l’audience publique, [au cœur de] la consultation, soit un processus d’apprentissage, avec la période des questions [et avec] la possibilité d’avoir aussi des personnes invitées à des audiences pour expliquer certains volets plus précis ». Il ajoute : « Les questions du public, les questions des commissaires font en sorte que tout le monde évolue dans sa pensée, […] sur la façon de voir le projet et […] dans sa propre opinion. Tout le monde apprend des choses pendant l’audience publique. » Selon monsieur Patenaude, considérer l’audience publique comme un processus d’apprentissage pour tous est primordial.
Parmi les audiences marquantes tenues par le BCM, celles sur le plan d’aménagement du mont Royal ainsi que celle sur l’avenir de l’Hôtel-Dieu marquent particulièrement Jules Patenaude qui voit dans le Bureau de consultation de Montréal l’incubateur de l’Office de consultation publique de Montréal. En 1994, le RCM est renversé, et une nouvelle administration arrive au pouvoir, qui a davantage de réserves sur le travail du BCM. Son existence n’étant pas enchâssée dans la charte de la Ville, le Bureau est aboli par abrogation du règlement municipal qui l’avait créé. Une coalition formée d’organismes, dont Héritage Montréal, se mobilise pour demander le maintien du BCM, mais sans résultat. Le Bureau est remplacé par une commission du conseil municipal, composée d’élus. La Commission de développement urbain de Montréal (CDUM) tient les consultations prévues par la loi, mais il s’agit d’un organisme étroitement lié au pouvoir politique.
En 1997 et en 1998, deux coalitions de citoyens décident de tenir des audiences publiques et créent des commissions indépendantes pour discuter d’un projet d’ensemble résidentiel, le projet Villa Maria dans Notre-Dame-de-Grâce, et de l’avenir de la gare Jean-Talon. En calquant le modèle du BCM, ces citoyens insatisfaits mettent en place des commissions consultatives indépendantes, n’ayant pas d’organisme municipal crédible qui puisse se charger de cette mission.
La commission Tremblay
Bureau de consultation de Montréal 2
Peu de temps après, Louise Harel, alors ministre des Affaires municipales, dépose le projet de loi 170 qui crée la nouvelle Ville de Montréal. Très rapidement on y ajoute des dispositions comportant un chapitre sur l’office de consultation. Le 1er janvier 2002, l’Office de consultation publique de Montréal voit le jour, en même temps que la nouvelle Ville de Montréal.
LONDON, Mark. « Un mouvement en progression. La préservation à Montréal », Continuité, no 20, 1983, p. 18-20.
OFFICE DE CONSULTATION PUBLIQUE DE MONTRÉAL. Ma ville, ma voix. 10 ans de consultations publiques auprès des Montréalais, Montréal, OCPM, 2012.
OFFICE DE CONSULTATION PUBLIQUE DE MONTRÉAL. « Le mont Royal, une richesse collective », Les cahiers de l’OCPM, vol. 3, no 1, Montréal, OCPM, 2012.
OFFICE DE CONSULTATION PUBLIQUE DE MONTRÉAL. Participation sans exclusion : rétrospective des 15 ans de l’OCPM, Montréal, OCPM, 2017.
PARÉ, Jean. « Chapitre 7. Le rôle de l’Office de consultation publique de Montréal », Renouveler l’aménagement et l’urbanisme : Planification territoriale. Débat public et développement durable, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2008 (généré le 22 avril 2022), p. 201-219.
Une série d'entrevues ont été réalisées en 2022 dans le cadre du 20e anniversaire de l’OCPM. Les entrevues suivantes ont servi à l’écriture du présent article :
- Isabelle Beaulieu, 26 avril 2022
- Judy Gold, 25 avril 2022
- Luc Doray, 25 avril 2022
- Dinu Bumbaru, 10 mai 2022
- Jules Patenaude, 25 avril 2022