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L’Office de consultation publique de Montréal : 20 ans de participation citoyenne

25 octobre 2022

En janvier 2002, l’Office de consultation publique de Montréal voit le jour au même moment que la nouvelle Ville de Montréal.

OCPM 2020

Six personnes travaillent sur une grande affiche blanche posée sur une table. Des crayons de couleur sont sur la table.
Office de consultation publique de Montréal
Dès l’adoption de la Charte de la nouvelle Ville de Montréal, en 2002, l’existence de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) y est enchâssée. Dans la pratique, son premier président, Jean-François Viau, est nommé lors du conseil municipal du 28 mai et les activités de l’OCPM débutent en septembre 2002.

L’organisme reçoit le mandat de mener des consultations publiques, qui lui est remis par le conseil municipal ou le comité exécutif de la Ville. Ces missions touchent surtout des projets en urbanisme ou en aménagement du territoire qui relèvent de la Ville, mais l’OCPM a aussi la tâche de mettre en place des mécanismes de consultation crédibles, transparents et efficaces. Certains projets liés à l’urbanisme ou à l’aménagement doivent obligatoirement faire l’objet de consultations devant l’OCPM, on parle alors d’objets statutaires.

Les premières années

OCPM 2002

Deux personnes sont assis à une table sur une scène. Ils font face au public assis dans la salle.
Office de consultation publique de Montréal
Dès sa nomination, Jean-François Viau constitue une petite équipe formée par Alain Cardinal, ancien directeur adjoint de la Ville de Lachine et de Luc Doray, tous deux impliqués dans le Sommet de Montréal. Bien que l’OCPM fût formellement créé, il n’existait pas encore fonctionnellement, et des projets immobiliers attendaient une modification réglementaire pour prendre leur envol. En juin 2002, à la fin de la session parlementaire, une série de dérogations sont adoptées pour permettre à ces projets de débuter. Cette loi oblige l’OCPM à se mettre en fonction au plus tard le 1er septembre 2002. Monsieur Viau procède alors à l’embauche des premiers commissaires, dont deux commissaires permanents, Jean Paré et Catherine Chauvin. Le 22 octobre, une première consultation se tient dans l’arrondissement Saint-Laurent.

En décembre 2003, la loi 33, qui approuve la dévolution de pouvoirs aux arrondissements, est adoptée. Beaucoup plus large que le mandat de l’OCPM, la portée de cette loi tend à accorder moins de pouvoir à la ville centre et davantage aux structures locales. Alors que la totalité des amendements apportés au plan d’urbanisme devait auparavant faire l’objet d’une consultation devant l’OCPM, la loi 33 autorise de ne plus passer devant cet organisme pour faire de telles modifications. Ceci répond aux demandes des anciennes villes de banlieue qui désiraient moins d’interventions de la ville centre dans leurs dossiers. En 2008, une modification reviendra partiellement sur cette disposition.

Tout au long de son mandat de quatre ans, Jean-François Viau s’efforce d’établir clairement l’indépendance de l’OCPM devant les autorités politiques. Si les bureaux de l’OCPM sont d’abord logés près de l’hôtel de ville, dans la rue Gosford, puis dans la rue Saint-Antoine, ils sont relocalisés en 2003 dans la rue Metcalfe, près des cours Mont-Royal, à distance du pouvoir politique. Selon Luc Doray, il était primordial, notamment par ce geste, d’établir cette indépendance, qui est à la base même de la mission de l’OCPM.

Un organisme en constante adaptation

OCPM 2017

Une femme assise tient un enfant dans ses bras. Elle fait face à la caméra, tout comme un homme assis à côté d’elle.
Office de consultation publique de Montréal
En 2006, une première femme est nommée à la présidence de l’OCPM. Experte de la consultation, Louise Roy avait été vice-présidente du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). En plus de formaliser encore davantage les procédures de l’OCPM et de retravailler le code d’éthique et de déontologie des commissaires, elle permet à l’organisme de faire ses premiers pas en ce qui a trait aux activités virtuelles. C’est sous sa direction que le premier questionnaire en ligne est créé pour le plan de mise en valeur du mont Royal et que l’OCPM devient la première entité municipale à ouvrir sa page Facebook en 2008. En 2014, c’est au tour de Dominique Olivier d’accéder à la présidence de l’OCPM. Prenant le relais de sa prédécesseure, elle intensifie et diversifie les possibilités de participation virtuelle. Elle s’engage également à accroître la diversité du personnel et des commissaires de l’organisme, tant au niveau de l’âge que des origines ethnoculturelles. En 2022, Isabelle Beaulieu, commissaire depuis sept ans, accède à la présidence de l’OCPM en pleine pandémie. Docteure en sciences politiques, elle possède une longue expérience en consultation publique et en mobilisation des savoirs. Selon elle, l’un des principaux défis auxquels est confronté l’Office à son arrivée, « est de motiver les gens à sortir de chez eux et à venir faire le débat avec [eux, de] les convaincre qu’il est temps de ressortir de la maison. » Elle ajoute : « [Il s’agit] de ne pas rester en Zoom [...], la participation en ligne est très bonne; les gens participent. La participation en public est un peu plus difficile à mobiliser. »

Pendant ses 20 années d’existence, les méthodes de l’OCPM évoluent considérablement, dans l’objectif de toucher de nouvelles personnes. L’organisme développe ses méthodes de participation en ligne, mais il se rend aussi dans les quartiers pour préparer en amont les citoyens à la consultation. À ce sujet, Judy Gold, commissaire à l’OCPM, tient les propos suivants : « Quand j’ai commencé à travailler à l’Office en 2004, on a commencé à diversifier nos méthodes de consultation. Pour rejoindre des populations qui traditionnellement n’assistaient pas aux audiences formelles et aussi pour enrichir la réflexion des citoyens avant qu’ils viennent déposer leur mémoire devant la commission. Souvent on ajoutait des groupes focus. Des fins de semaine, de temps en temps, on organisait [des activités] dans un centre communautaire dans le quartier où se trouvait le projet, on invitait les citoyens à venir voir les maquettes ou les plans de projet, à discuter avec les promoteurs puis avec d’autres membres de leur communauté dans un cadre très informel. Lors de la consultation sur l’aménagement de l’entrée Peel, [...] on a installé, deux dimanches pendant le mois de septembre, une tente sur la montagne, juste à côté de la clairière. C’était pour rejoindre les usagers du parc qui étaient notamment les personnes immigrantes et les membres des communautés culturelles. »

La diversification des méthodes de consultation permet d’entrer en contact avec un plus grand nombre de personnes. La création d’une halte-garderie, l’alternance entre hommes et femmes au moment des périodes de questions et la possibilité de prioriser les parents lors des audiences font en sorte qu’un plus grand nombre de femmes se fait entendre. L’OCPM atteint 49 % de participation féminine juste avant le début de la pandémie de la COVID-19, un record dans son histoire.

Urbanisme, aménagement, environnement, vision

OCPM 2017 2

Une femme marche appuyée sur une canne. Une autre femme plus jeune est à ses côtés.
Office de consultation publique de Montréal
Entre 2002 et septembre 2022, l’OCPM tient plus de 175 consultations. Elles portent tant sur des projets d’urbanisme, d’aménagement que sur des projets de vision. Si l’OCPM peut être chargé de mandats qui modifient le plan d’urbanisme de la ville, le conseil municipal lui confie aussi des mandats qui touchent de grandes infrastructures ou des projets immobiliers de plus de 25 000 mètres carrés dans le périmètre du mont Royal ou du Vieux-Montréal. En 2012, une première consultation résultant du droit d’initiative des citoyens est lancée sur l’état de l’agriculture urbaine. Plusieurs autres consultations résultant d’initiatives citoyennes suivent, notamment sur la réduction des dépendances aux énergies fossiles en 2015. L’OCPM convie les citoyens à la fois pour des moments de réflexion et pour des projets réglementaires, parfois sur les mêmes enjeux. Alimentant la réflexion en amont, les consultations permettent de présenter des projets réglementaires qui ont déjà bénéficié de la contribution des citoyens et de mener le raisonnement encore plus loin. Pour Isabelle Beaulieu, bien expliquer la différence entre les moments de réflexion et les projets réglementaires est un défi important de l’Office pour que les citoyens comprennent bien l’importance de contribuer aux deux activités.

En 2016, l’OCPM publie le Guide montréalais sur les suivis. Bien que le suivi de ses recommandations après le dépôt de son rapport ne fasse pas partie du mandat de l’organisme, le document informe les citoyens sur les meilleurs moyens de connaître l’évolution des projets après les consultations, une façon de constater l’influence de leur participation. Les arrondissements mettent aussi de l’avant des mécanismes qui permettent à l’ensemble des Montréalaises et des Montréalais d’en être mieux informés. Comme en témoigne Luc Doray, secrétaire général de l’OCPM, il était primordial d’établir « des mécanismes, [gérés] par les arrondissements et le central, pour s’assurer que les suivis donnés [aux] recommandations [de l’OCPM] soient connus. » Il ajoute : « C’est fondamental, on l’a souvent répété, et je dirais que maintenant c’est assez acquis dans les pratiques des arrondissements. Les citoyens viennent de bonne foi devant nous, prennent du temps pour lire la documentation, poser des questions, écouter, écrire un mémoire ou le présenter verbalement. […] L’important n’étant pas que la Ville retienne l’ensemble des recommandations de l’Office, mais que la Ville dise [telle] recommandation, on la retient pour telle raison. [Une autre n’est pas retenue] pour telle raison, et ainsi de suite. C’est un acquis fragile qu’il faut conserver et sur lequel il faut continuer à travailler. »

Par son processus neutre et rigoureux, l’OCPM donne une voix à l’ensemble des citoyens qui s’impliquent dans les consultations. Il favorise la cohésion sociale, en encourageant la discussion et l’information. Il contribue aussi à montrer, comme l’affirme Dinu Bumbaru, que « la démocratie ne s’exerce pas seulement le jour du vote. Qu’il y a une démocratie participative, une démocratie délibérante où les gens échangent des idées! » Selon lui, « à travers l’Office, on a également une pédagogie collective des enjeux, et c’est très important ». Pilier important de la démocratie montréalaise, l’Office de consultation publique de Montréal permet aux Montréalaises et aux Montréalais de sentir qu’ils ont la possibilité de s’informer et de se prononcer à propos des grands enjeux qui secouent la ville.

L’Office de consultation publique de Montréal

L’Office de consultation publique de Montréal

Témoignage de Luc Doray et Isabelle Beaulieu, entrevues réalisées en 2022.

Recherche et entrevues : Annick Brabant 

Durée : 3 min 31 s

2022

Réalisation : 
Marc Thomas-Dupuis

Références bibliographiques

OFFICE DE CONSULTATION PUBLIQUE DE MONTRÉAL. Ma ville, ma voix. 10 ans de consultations publiques auprès des Montréalais, Montréal, OCPM, 2012.

OFFICE DE CONSULTATION PUBLIQUE DE MONTRÉAL. « Le mont Royal, une richesse collective », Les cahiers de l’OCPM, vol. 3, no 1, Montréal, OCPM, 2012.

OFFICE DE CONSULTATION PUBLIQUE DE MONTRÉAL. Le guide montréalais sur les suivis, Montréal, OCPM, 2012.

OFFICE DE CONSULTATION PUBLIQUE DE MONTRÉAL. Participation sans exclusion : rétrospective des 15 ans de l’OCPM, Montréal, OCPM, 2017.

PARÉ, Jean. « Chapitre 7. Le rôle de l’Office de consultation publique de Montréal », Renouveler l’aménagement et l’urbanisme : Planification territoriale. Débat public et développement durable, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2008 (généré le 22 avril 2022), p. 201-219.

Une série d'entrevues ont été réalisées en 2022 dans le cadre du 20e anniversaire de l’OCPM. Les entrevues suivantes ont servi à l’écriture du présent article :

  • Isabelle Beaulieu, 26 avril 2022
  • Judy Gold, 25 avril 2022
  • Luc Doray, 25 avril 2022
  • Dinu Bumbaru, 10 mai 2022
  • Jules Patenaude, 25 avril 2022