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Montréal ville cyclable, hier et aujourd’hui

25 janvier 2017
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Les Montréalais adoptent la bicyclette dès la fin du XIXe siècle. Le vélo est ensuite déclassé par le tramway et l’automobile, mais il revient en force 100 ans après son arrivée en Amérique.

Vélo d'hiver, photo de François Démontagne

Cycliste d'hiver à Montréal
Photo: François Démontagne (Vélo d'hiver Montréal : https://www.facebook.com/groups/velodhiver/))
Avec ses hivers rigoureux et ses rues en pente en périphérie de la montagne, Montréal n’était pas naturellement destinée à devenir l’une des meilleures villes cyclables au monde. Pourtant, elle figure parmi les 10 premières en Amérique du Nord et se classe très bien au palmarès planétaire. Des milliers de Montréalais se déplacent à vélo pour aller au travail, faire les courses, se mettre en forme, et même pour déménager! De nos jours, grâce à la mise en place d’infrastructures routières favorables, la bicyclette fait partie intégrante du système de transport à Montréal.

Une vieille histoire d’amour avec le vélo

Vélocipède à patins

Cinq personnes font du vélocipède à patins sur une patinoire sur le fleuve
Canadian Illustrated News, 19 février 1870, vol. 1, no 16, p. 144.

L’engouement des Montréalais pour la bicyclette ne date pas d’hier. L’ancêtre du vélo, le vélocipède à pédale, voit le jour en France en 1861. On peut se procurer cette invention à Montréal à compter de 1869. Les amateurs ont à leur disposition une école de « vélocipédie », dotée d’une piste d’apprentissage, où il en coûte 40 cents de l’heure pour apprendre à monter l’engin. À cette époque où l’automobile n’existe pas encore, le vélo, symbole de progrès, est le véhicule le plus rapide et le plus dangereux sur nos routes.

Une quinzaine de courses à bicyclette se déroulent à Montréal dès 1869. Les premières pistes cyclables de l’île sont inaugurées en 1874. On y fait des balades d’agrément tout aussi bien que des randonnées sportives. En 1878, des cyclistes se regroupent pour fonder le Montreal Bicycling Club, premier club du genre au Canada et deuxième en Amérique du Nord. Avec la popularité grandissante des randonnées à vélo sur les routes de campagne de l’île et des environs, une carte des routes cyclables devient nécessaire pour éviter aux cyclistes de se perdre.

Le vélo gagne du terrain, mais perd la partie

Carte des pistes cyclables en 1897

Carte des pistes cyclables de Montréal en 1897
Bibliothèques et archives nationales du Québec. CA601,S171,SS1,SSS2,D2-18-29.
Les premières bicyclettes coûtaient l’équivalent de plus d’un mois de salaire d’un ouvrier. Leur usage était donc réservé presque exclusivement à la bourgeoisie. Mais la popularité grandissante du véhicule à deux roues favorise son accessibilité, et le vélo connaît un véritable âge d’or à Montréal dans les années 1890. La bicyclette fait désormais partie des moyens de transport urbains, où elle crée une certaine commotion... Des pétitions circulent pour faire disparaître ces dangereux engins de la circulation. La Ville crée plutôt de nouvelles règles pour encadrer leur utilisation au milieu des piétons et des véhicules tirés par les chevaux.

L’arrivée de l’automobile, mais surtout celle du tramway, change radicalement la façon de se déplacer dans les rues de la métropole. Si la voiture, avec son coût prohibitif, n’arrive pas à concurrencer la bicyclette, la mise en place d’un système de transport en commun offre une option plus intéressante aux Montréalais. Implanté à compter de 1892, le réseau de tramway électrique sur rail prend de l’ampleur et séduit les usagers : pour quelques sous, on se déplace sans effort, à l’abri des intempéries et en sécurité.

Carte postale, rue Saint-Denis

Scène de rue, avec deux jeunes cyclistes et un tramway.
Carte postale, Centre d’histoire de Montréal.
Pendant plusieurs décennies, la bicyclette est reléguée à une utilisation sportive ou récréative, au rôle de jouet pour enfant et parfois à celui d’outil de travail. Pendant ce temps, l’automobile gagne inéluctablement du terrain et finit par régner en maître dans les rues de Montréal après la disparition des tramways.

Le retour de la petite reine

Il faut attendre les années 1970 pour constater un véritable regain de popularité du vélo. On passe de 20 000 bicyclettes enregistrées à Montréal en 1969 à 37 000 en 1972! C’est le bike-boom : pour la première fois en Amérique du Nord, les ventes de vélo dépassent celles des automobiles.

Monde à bicyclette 1

Deux cyclistes circulent avec le pont Jacques-Cartier en arrière-plan, l'un porte un drapeau du Monde à bicyclette.
Photo de Tooker. Archives Monde à bicyclette (Cyclo Nord-Sud).
La crise du pétrole n’est pas étrangère à cette situation, de même que le militantisme de groupes comme le Monde à Bicyclette et la Fédération québécoise de cyclotourisme, qui deviendra plus tard Vélo Québec. Les adultes remontent en selle, de plus en plus conscients des bienfaits pour la santé et pour l’environnement de l’utilisation de la bicyclette comme moyen de transport. Dans les années 1980 et 1990, demandes officielles et manifestations publiques se multiplient pour que Montréal se dote d’un vaste réseau de pistes cyclables et pour que les vélos jouissent d’une meilleure reconnaissance dans le système de transport de la Ville. On cherche aussi à contrer les problèmes de pollution, d’encombrement et de dépendance au pétrole auxquels Montréal fait face, comme les autres grandes métropoles.

La première piste cyclable « moderne » est aménagée à la fin des années 1970, en bordure du canal de Lachine. Le réseau se développe de façon significative au début des années 1980. Le premier Tour de l’Île, créé en 1985 pour inaugurer les nouvelles pistes de l’est de la ville, marque une autre étape importante dans le développement de la culture cycliste montréalaise. L’événement devient une manifestation festive annuelle pendant laquelle des milliers d’amateurs de vélo se réunissent pour rouler dans les rues fermées à la circulation automobile. La popularité du Tour franchit rapidement les frontières du Québec et l’événement accueille aujourd’hui des touristes et des Montréalais de tous âges. Récipiendaire d’un record Guiness, avec 45 000 participants, cette manifestation vieille de plus de 30 ans rappelle chaque année aux autorités l’importance de poursuivre le travail de réaménagement urbain en faveur d’une présence accrue du vélo.

Une ville accueillante pour les cyclistes

Concours photo Montréal, carte postale, cycliste sur le pont

Cycliste roulant sur la piste multifonctionnelle du pont Jacques-Cartier
Photo de Patrick Palmer, concours photo Montréal, carte postale. Centre d'histoire de Montréal.
Les revendications des organismes faisant la promotion du cyclisme à Montréal continuent de porter fruit. Le nombre de cyclistes urbains augmente, le réseau des pistes cyclables continue de se développer, le vélo fait son entrée dans le métro, les cyclistes peuvent traverser le fleuve par le pont Jacques-Cartier, quelques pistes sont même déneigées en hiver… Montréal est élue meilleure ville cyclable du continent par le magazine Bicycling en 1999. Une importante piste cyclable est inaugurée au centre-ville en 2007. La piste Claire-Morissette, nommée en l’honneur d’une grande militante cycliste et écologiste, s’étend sur plus de trois kilomètres, entre les rues Berri et Greene, sur le boulevard de Maisonneuve. Des milliers de cyclistes l’empruntent chaque jour. En 2009, le magazine Forbes accorde à Montréal le 4e rang des villes les plus accueillantes pour le vélo en Amérique du Nord. L’année 2009 marque également l’arrivée des vélos en libre-service, les fameux BIXI.

En 2011, la firme d’urbanisme danoise Copenhagenize crée un palmarès des meilleures villes cyclables de la planète. Depuis, tous les deux ans, elle classe les villes selon des critères précis, dont le nombre de cyclistes, la qualité des infrastructures cyclables et les politiques en faveur du vélo urbain. Montréal figure au 8e rang dans le premier palmarès, passe en 14e position en 2013 et glisse au 20e rang en 2015… La firme recommande un meilleur entretien du réseau en hiver et la création de pistes le long d’artères principales, tout en notant l’état lamentable de la chaussée.

Vélos dans le métro

Deux jeunes filles entrent dans un wagon du métro avec leur vélo.
Archives Monde à bicyclette (Cyclo Nord-Sud).
Si Montréal recule au classement, ce n’est pas tant parce que sa situation se détériore, mais plutôt parce que d’autres villes investissent davantage dans leurs aménagements cyclistes. Pourtant, bon an, mal an, le réseau cyclable montréalais continue de se développer, atteignant plus de 730 km en 2016. En février 2017, Montréal accueille même la 5e édition du Congrès Vélo d’hiver (Winter Cycling Congress), un événement international de la Winter Cycling Federation. Il faudra probablement faire encore plus si la ville veut maintenir sa place dans le peloton de tête international. 

BIXI, les bicyclettes à partager

BIXI, photo de Sylvie Pinsonneault, concours Montréal, carte postale

Rangée de Bixi en gros plan
Photo de Sylvie Pinsonneault, 32e édition du concours photo Montréal à l'oeil. Centre d'histoire de Montréal.

En 2009, le système de vélos en libre-service BIXI est inauguré à Montréal. Des bicyclettes conçues spécialement pour ce projet sont offertes en location de courte durée aux Montréalais et aux touristes afin de favoriser ce moyen de transport actif. Le vélopartage est accessible 7 jours sur 7, 24 heures par jour, d’avril à novembre.

Dessinés par le designer montréalais Michel Dallaire, les vélos sont conçus en collaboration avec le manufacturier Cycles Devinci, de Chicoutimi. Robustes et sécuritaires, ils s’adaptent aux conditions climatiques de Montréal. Saviez-vous que la forme arrondie du cadre est inspirée par le boomerang? Un BIXI part souvent, mais il revient toujours… Le nom BIXI, quant à lui, est une contraction des mots BIcyclette et taXI, rappelant l’idée du véhicule partagé par plusieurs usagers. En 2008, le magazine Time classait le BIXI parmi les 50 meilleures inventions de l’année.

La formule BIXI séduit d’autres villes, et le système montréalais s’implante avec succès à Ottawa, Toronto, Boston, New York, Londres, Melbourne, etc. À Montréal, un organisme à but non lucratif est créé en 2014 par la Ville pour gérer le système de vélopartage. Cette même année, plus de 2,8 millions de déplacements ont été effectués par les 335 000 membres et les 69 000 utilisateurs occasionnels. BIXI-Montréal compte aujourd’hui 5200 vélos répartis dans 460 stations.