L’intersection des rues Saint-Urbain et Prince-Arthur : témoin d’un passé hospitalier
Dans le quartier Milton Parc, les Montréalais reçoivent depuis 1843 divers soins médicaux dans d’autres établissements que l’Hôtel-Dieu, qui ont aussi formé de nombreuses infirmières.
Si l’histoire de la santé et du milieu hospitalier dans le quartier Milton Parc est surtout associée à l’Hôtel-Dieu de Montréal, il ne faut pas oublier que d’autres centres de traitement se trouvent sur ce territoire. Le croisement des rues Saint-Urbain et Prince-Arthur est d’ailleurs prisé par le monde médical qui y offre des soins depuis le milieu du XIXe siècle.
Le Maternity Hospital
Maternity Hospital
L’établissement admet alors principalement une clientèle de femmes dans le besoin à un moment délicat de leur vie : l’accouchement d’un enfant. Il ne faut pas oublier que la mortalité infantile est importante à cette époque. Au début du XXe siècle, un enfant sur trois décède avant l’âge d’un an. Ce sont surtout des femmes de la classe ouvrière qui viennent au Maternity Hospital pour y recevoir des soins. Un très petit nombre de patientes peut y entrer à la fois puisqu’on ne dénombre, en effet, en 1863, que 18 lits. L’Hôpital, qui prend le nom de Maternity Hospital, est alors connu davantage pour son rôle d’assistance sociale que pour la qualité des soins qui y sont prodigués. Ce n’est qu’au début du XXe siècle qu’on le déménage dans Milton Parc. L’édifice construit en 1905 par Andrew T. Taylor accueille désormais le personnel et les patientes dans un établissement plus grand et qui subsiste depuis dans le paysage montréalais.
Après le déménagement au tournant du XXe siècle, le profil des patientes change. En effet, de plus en plus de femmes issues de la classe moyenne y viennent pour accoucher et s’offrent des chambres de quelques lits ou individuelles. Les fonds ainsi amassés permettent aux médecins d’améliorer les soins grâce à de nouvelles technologies et de bonifier la formation offerte aux résidents en médecine et aux futures infirmières. Par exemple, en 1905, il en coûte 6 dollars pour un lit dans une aile collective de l’hôpital, 25 dollars pour une chambre pouvant accueillir trois futures mères et 40 dollars pour une chambre individuelle. En 1920, il faut désormais débourser 15 dollars pour une chambre collective incluant 5 dollars de frais médicaux et 100 dollars pour une chambre individuelle. C’est ainsi que l’Hôpital peut se payer les services d’un ophtalmologiste, d’un pathologiste, d’un anesthésiste et d’un dermatologiste en plus du corps médical et des infirmières qui accompagnent les patientes.
Au fil des années, l’Hôpital change de dénomination à quelques reprises. Du Maternity Hospital, il deviendra le Montreal Maternity Hospital puis le University Maternity Hospital et enfin le Montreal Maternity. En 1924, on rattache le centre de soins à l’Hôpital Royal Victoria et il devient le Victoria Montreal Maternity Hospital.
L’Hôpital français
Montreal Maternity Hospital
En 1919, un autre hôpital est fondé à Montréal : l’Hôpital français dont le personnel soigne les indigents francophones de la ville. On y offre également des services d’urgence au besoin. Constitué en personne morale l’année suivante, l’Hôpital français est fondé par le juge Gonzalve Desaulniers et les docteurs Paul M. A. Villard, François de Martigny et Paul A. Brisset des Nos. À l’instar du docteur Martigny, plusieurs membres du personnel sont issus du milieu militaire et mettent en pratique leurs connaissances acquises au front lors de la Première Guerre mondiale. Le centre, trop à l’étroit dans ses premiers locaux du 350-352 rue Saint-Denis, emménage dans ceux de l’ancien Maternity Hospital, laissés vacants en 1924. Il compte alors plus d’une centaine de lits. En 1925, J. E. Daoust et Roland Simard sont responsables de la construction du pavillon Athanase-David donnant sur la rue Prince-Arthur. Entre 1928 et 1930, des agrandissements sont apportés à ce pavillon, ce qui témoigne de l’utilité et de la fréquentation de l’hôpital par les gens du quartier et les nécessiteux.
En 1924, non seulement l’Hôpital déménage-t-il, mais un amendement à la Loi d’incorporation stipule que l’un des objectifs de l’Hôpital est d’assurer la formation d’infirmières. Cette fonction éducative perdure alors que l’Hôpital français devient l’Hôpital Sainte-Jeanne-d’Arc.
L’Hôpital Sainte-Jeanne-d’Arc et son école d’infirmières
Hôpital Sainte-Jeanne-d’Arc
La transition de l’Hôpital français vers l’Hôpital Sainte-Jeanne-d’Arc prend effet à peu près à la même période, au cours de la seconde moitié des années 1920. En 1929, le nouvel Hôpital est affilié à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal poursuivant ainsi la tradition du lieu comme site de formation universitaire. Les travaux effectués dans le bâtiment font en sorte que l’on passe d’un hôpital d’environ 130 lits à un établissement pouvant accueillir près de 200 patients à la fois. À l’aube de la Seconde Guerre mondiale, on dénombre 275 lits et berceaux à Sainte-Jeanne-d’Arc. L’Hôpital conserve sa vocation généraliste et son administration est composée d’une soixantaine de médecins qui forment le bureau médical de l’établissement. En plus de ces médecins, près de 70 infirmières en formation y travaillent.
En 1939, une nouvelle charte est donnée à l’établissement grâce à une loi sanctionnée le 28 avril. La mission de l’Hôpital Sainte-Jeanne-d’Arc de Montréal se décline alors en quatre points. L’hôpital généraliste doit offrir et maintenir des services de médecine, de chirurgie et de pharmacie en plus d’avoir un dispensaire, de posséder un endroit de convalescence, d’offrir une résidence aux infirmières ainsi que des espaces pour les médecins. Il est tenu d’hospitaliser et de soigner les personnes sans distinction, selon les tarifs et conditions établis par la réglementation de l’établissement. L’établissement doit hospitaliser et soigner les personnes dans le besoin selon les dispositions de la Loi de l’assistance publique de la province de Québec et de la réglementation de l’hôpital. Enfin, il est dans l’obligation d’administrer une école d’infirmières et d’aides maternelles et de procéder à la certification et à la diplomation des candidates et candidats.
Plan assurance incendie, 1957
Entre les années 1920 et la fin des années 1950, l’hôpital est considérablement transformé. On y ajoute notamment un nouveau pavillon. Ainsi, en 1957, l’Hôpital Sainte-Jeanne-d’Arc compte, entre autres, les pavillons Athanase-David et Alexandre-Taschereau, une résidence pour les religieuses de Saint-François-d’Assise à qui on a confié les soins infirmiers (même s’il s’agit d’un établissement laïque), une blanchisserie, en plus d’une cuisine et d’une cafétéria. Les infirmières laïques en formation sont, quant à elles, logées, à partir de 1950, dans l’ancienne maison du notaire Victor Morin située juste en face de l’hôpital.
L’Hôpital Sainte-Jeanne-d’Arc sera en activité jusqu’en 1997 alors qu’il est victime d’une réorganisation structurelle. « C’était un hôpital réputé pour la qualité de ses accouchements. Avec des groupes d’humanisation des naissances, nous luttions pour des chambres de naissance, des maisons de naissance et des sages-femmes. La perte de cet hôpital, avec la qualité de ses services d’obstétriques, a été un véritable deuil », témoigne Charlotte Thibault, résidante du quartier Milton Parc. Les bâtiments sont cédés à la Corporation d’hébergement du Québec qui doit se charger de trouver un nouveau locataire. C’est ainsi qu’au début des années 2000, le Centre hospitalier de soins de longue durée Saint-Georges et le Centre Dollar-Cormier, spécialisé dans la réadaptation face aux dépendances, s’y installent et poursuivent, depuis, la tradition médicale du site.
En 1970, dans une énième période de travaux à l’hôpital Sainte-Jeanne-d’Arc, on démolit l’Académie Saint-Urbain pour faire place à un stationnement alors que la popularité de la voiture ne se dément plus depuis quelques décennies déjà.
L’école, qui a fermé ses portes en 1955 et qui a brièvement servi de résidence aux internes de l’hôpital par la suite, existait depuis 1889, opérée par les religieuses de la congrégation de Notre-Dame. Alors qu’elle a d’abord été fréquentée par une clientèle bilingue, les élèves sont de plus en plus francophones au fil des décennies. Elles sont aussi de plus en plus nombreuses. Si elles sont 40 lors de l’ouverture, elles sont 200 dans les années 1950. Outre le programme scolaire de base, les élèves peuvent y suivre des cours de musique et de dessin. Lorsque l’école cesse ses activités et que le bâtiment est vendu, les religieuses qui y enseignaient sont mutées vers le Collège Regina Assumpta, plus au nord de la métropole.
DESJARDINS, Rita. « Ces médecins montréalais en marge de l’orthodoxie », CBMH/BCHM, vol. 18, 2001, p. 325-347.
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