Au début du XXe siècle, peu de choix d’écoles s’offrent aux milliers d’enfants juifs qui arrivent à Montréal.
École et communauté juive
À Montréal, au début du XXe siècle, la communauté juive gagne rapidement en importance. Elle passe de quelques milliers d’âmes en 1900, à 60 000 personnes en 1931. Au sein d’un système d’éducation confessionnel, l’instruction des enfants des familles juives est un problème grandissant. En l’absence d’une école publique et laïque propice à l’intégration des immigrants, la communauté juive doit aménager son propre espace scolaire.
Entre uptowners, downtowners et commissaires
Issue de l’Institut du même nom, l’école Baron de Hirsch (1890), première école privée juive, est le fruit d’une initiative de la partie bourgeoise de la communauté juive de la métropole. Les uptowners sont issus d’une immigration qui commence au XVIIIe siècle. Ils sont majoritairement d’origine britannique et se fondent dans l’élite anglophone. Avec cette école, ils souhaitent favoriser l’intégration des nouveaux arrivants juifs au système canadien. Grâce à une loi québécoise votée en 1903, les enfants peuvent fréquenter l’école Baron de Hirsch durant cinq ans avant d’intégrer le réseau scolaire protestant. Les juifs sont alors légalement considérés comme des protestants et leurs taxes scolaires vont à la PBSCCM. L’école ferme toutefois en 1907.La volonté d’intégrer les élèves juifs au réseau existant demeure malgré tout présente, notamment au sein du Congrès juif canadien. Jusque dans les années 1970, l’élite juive fait toutefois face à l’intransigeance des commissions scolaires. La CECM, sauf en de rares exceptions, refuse d’intégrer les élèves non catholiques à ses écoles. Pour sa part, la PBSCCM accepte les familles juives, mais s’oppose à les intégrer dans l’administration de la commission scolaire. Introduire des gens d’une autre confession dans l’espace décisionnel serait, pour la PBSCCM, un pas vers la déconfessionnalisation du système d’éducation québécois et un risque pour sa survie.
École et communauté juive
Quand l’État s’en mêle…
École et communauté juive
Pour les promoteurs de l’école juive, il s’agit d’une demi-victoire. Ils obtiennent un financement moindre que celui des écoles catholiques et protestantes; sont toujours exclus du réseau d’éducation public; et doivent adapter leur enseignement aux nouvelles exigences gouvernementales. Au tournant des années 2000, moment où le réseau d’éducation québécois est officiellement déconfessionnalisé, 60 % des enfants juifs d’âge scolaire fréquentent une école privée.
École et communauté juive - école Peretz
L’école Peretz est officiellement fondée en 1913 par des juifs downtowners aux idées révolutionnaires. À l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de l’école, Hershil Novak, l’un des fondateurs, témoigne des premiers instants : « […], l’école offrit ses premières classes au Prince Arthur Hall, alors que la construction de l’édifice n’était pas encore terminée. Le syndicat des presseurs, […], promit de nous donner accès à une salle le jour du sabbat et le lundi. […] Nous avons déniché un tableau noir quelque part dans un sous-sol, mais il nous manquait des bancs pour écoliers. Les premières semaines, nous avons œuvré au milieu du bruit et des cris. Qui plus est, deux camarades devaient tenir le tableau noir à bout de bras. Voilà comment nous avons commencé à transmettre notre savoir aux enfants. »
NOVAK, Hershl, La première école yiddish de Montréal. Traduction et présentation par Pierre Anctil, Québec, Septentrion, 2009, p.81.
ANCTIL, Pierre. « Les Juifs yiddishophones. Un siècle de vie yiddish à Montréal », dans BERTHIAUME, Guy, et autres, Histoires d’immigrations au Québec, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2012, p. 61-76.
CROTEAU, Jean-Philippe. « La communauté juive et l’éducation à Montréal : l’aménagement d’un nouvel espace scolaire (1874-1973) », dans ANCTIL, Pierre, et Ira ROBINSON, dir., Les communautés juives de Montréal. Histoire et enjeux contemporains, Québec, Septentrion, 2010, p. 65-91.
LINTEAU, Paul-André. Histoire de Montréal depuis la Confédération, 2e édition, Montréal, Boréal, 2000, 627 pages.
MEDRESH, Israël. Le Montréal juif d’autrefois, Québec, Septentrion, 1997, p. 201-206.
NOVAK, Hershl, La première école yiddish de Montréal, Québec, Septentrion, 2009, 262 pages.