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Le mouvement communautaire autochtone à Montréal

14 juin 2021

Depuis les années 1970, les groupes autochtones se mobilisent dans la métropole québécoise pour se rendre visibles les uns aux autres et pour mettre en valeur leur culture.

La présence autochtone à Montréal est millénaire : les traces d’occupation les plus anciennes y remontent à plus de 5000 ans. Plusieurs nations autochtones fréquentent l’île de façon discontinue jusqu’à l’arrivée de colons français en 1642. Au courant des décennies suivantes, leur présence ne s’efface pas, elle persiste alors que de nombreux autochtones vivent en ville ou la fréquentent chaque année.

Au début du XXe siècle, des autochtones arrivent à Montréal dans différents contextes. Parmi eux, plusieurs « Indiens émancipés » sans statut, de même que des mères qui ont perdu leur statut après leur mariage à un non-autochtone. Des enfants autochtones s’installent aussi dans la ville lorsqu’ils sont placés dans des familles montréalaises par les services à l’enfance, alors que d’autres personnes des Premières Nations s’y rendent pour y recevoir des soins médicaux.

À partir de 1970, la présence autochtone dans la ville se transforme. Une nouvelle ère de mobilisation marque le mouvement autochtone, et Montréal en devient un lieu important, grâce à la création d’institutions et d’organismes des Premières Nations. Les chefs autochtones se rendent de plus en plus fréquemment à Montréal. Vivre en ville ne signifie plus forcément couper les liens avec sa communauté, mais peut aussi permettre un prolongement de la vie communautaire. De nouveaux organismes communautaires pour les autochtones qui s’établissent dans les villes sont alors créés.

Le mouvement des centres d’amitié autochtones

Centre d’amitié autochone

Édifice du Centre d’amitié autochtone au coin des rues Ontario et Saint-Laurent.
MEM - Centre des mémoires montréalaises
Montréal n’est pas la seule ville à connaître une hausse de sa population autochtone pendant les années 1970, c’est aussi le cas de plusieurs autres villes canadiennes et québécoises. Le besoin est grand au sein de ces communautés de faire entendre la voix de ceux et celles qui composent avec la réalité urbaine et qui, bien souvent, ont perdu une partie de leurs droits. En 1951, un premier centre d’amitié autochtone a vu le jour à Winnipeg, où la population autochtone était déjà en hausse. Le premier centre d’amitié autochtone est ouvert au Québec en 1969 : il s’agit du Centre indien cri de Chibougamau (aujourd’hui appelé le Centre d’amitié Eanou de Chibougamau). Il est suivi du Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or en 1974, puis, un an plus tard, Montréal est la troisième ville québécoise dans laquelle un Centre d’amitié autochtone est érigé. Ces organismes ont pour vocation d’offrir des services aux populations autochtones des villes, mais surtout, d’être des centres de valorisation de leurs cultures.

En 1974, des étudiants autochtones de l’Université Concordia cherchent un endroit pour se rencontrer, pour discuter et pour faire valoir leurs droits. Ils ressentent le besoin de trouver un lieu pour se rendre visibles les uns aux autres. Ils s’installent alors dans un local au 2009, rue Bishop. L’année suivante, le groupe se constitue en personne morale et, en 1976, le Centre d’amitié autochtone de Montréal est l’un des trois membres fondateurs du Regroupement des Centres d’amitiés autochtones du Québec.

Le Centre d’amitié autochtone de Montréal

En 1977, il déménage dans des locaux plus grands, situés au 3730, chemin de la Côte-des-Neiges. Il est alors dans une véritable petite maison, avec des espaces de cuisine, de travail, de jeux, et la vie communautaire prend son essor alors que des personnes de tous âges fréquentent le Centre qui devient un espace familier. L’organisme accueille à la fois des personnes installées à Montréal depuis plusieurs années, qui participent aux activités culturelles, et des personnes arrivées plus récemment qui se heurtent aux défis d’adaptation. Le Centre prône une approche d’ouverture culturelle et accueille les usagers sans distinctions à l’égard de la nation d’appartenance. Il permet ainsi à ses membres de connaître et de côtoyer des gens de différentes nations. Après la signature de la Convention de la Baie-James, de plus en plus de Cris fréquentent la métropole. Les patients cris sont pris en charge par l’Hôpital général qui se trouve dans le même quartier que le Centre. Les affaires indiennes, situées alors sur la rue Stanley, sont aussi à proximité de l’organisme.

Dans les années 1980, plusieurs organismes autochtones, ou qui œuvrent auprès d’une grande population autochtone, ont pignon sur rue dans le quartier. Ainsi, on trouve à proximité du Centre les hôpitaux fréquentés par la communauté, la Commission scolaire crie de l’administration régionale crie, le foyer pour femmes autochtones de Montréal, la maison Waseskun, les Universités McGill et Concordia, le collège Dawson, les services parajudiciaires autochtones du Québec et le regroupement des Centres d’amitié autochtone. En 1982, le Centre d’amitié autochtone de Montréal organise le premier festival culturel autochtone de la métropole. Au courant des années 1980, la présence autochtone se diversifie à Montréal. Plusieurs Innus, Atikamekw et Algonquins, qui parlent français, s’y installent. En 1986, c’est au Centre d’amitié de Montréal que le premier ministre provincial de l’époque, René Lévesque, prononce un discours dans lequel il reconnait les 11 nations autochtones du Québec.

Une période de transformation depuis 1990

À l’été 1990, le festival Présence autochtone, mis sur pied par l’organisme Terres en Vues, se tient au centre-ville de Montréal et réunit musiciens, écrivains, danseurs et comédiens qui célèbrent les cultures autochtones. Au début des années 2000, de nombreux organismes culturels autochtones agissent dans la ville, qu’il s’agisse du Wapikoni mobile, des maisons de production Ondinnok et Nutaaq Media ou du Jardin des Premières-Nations au cœur du Jardin botanique.

La population qui fréquente le Centre d’amitié autochtone de Montréal continue de s’accroître et, en 1995, le Centre déménage dans un nouveau quartier, au 2001, boulevard Saint-Laurent. Le rôle du Centre d’amitié autochtone de Montréal se transforme alors peu à peu. Les besoins au centre-ville pour le soutien aux autochtones en situation d’itinérance sont grands. De plus en plus d’usagers qui vivent dans le quartier fréquentent le centre pour recevoir un soutien d’urgence, soit pour de l’aide médicale, alimentaire ou psychosociale. La patrouille autochtone Ka’wahse est mise sur pied pour offrir de l’aide d’urgence aux autochtones du centre-ville dans le besoin. Le rôle culturel du Centre et le service aux familles sont relégués au second plan, et certaines personnes qui le fréquentaient alors qu’il était sur Côte-des-Neiges ne s’y retrouvent plus.

En 2012, le regroupement des Centres d’amitié brise son lien avec le Centre d’amitié autochtone de Montréal, car il ne remplit plus son rôle culturel. Le Centre d’amitié autochtone de Montréal demeure un acteur incontournable pour répondre aux besoins des personnes autochtones vulnérables dans la ville. Un nouveau centre voit le jour en 2012, l’organisme Montréal autochtone. Sa mission est de contribuer à la santé, à la force culturelle et au succès des familles autochtones de la métropole. Le Centre s’affilie au réseau des Centres d’amitiés autochtones pour devenir le représentant montréalais. Pendant cette période, la lutte des peuples autochtones liée au mouvement Idle No More se fait entendre aussi à Montréal pour revendiquer le respect de l’autonomie gouvernementale des autochtones et la sauvegarde de l’environnement.

De nombreux autres organismes communautaires autochtones naissent à Montréal pendant la même période. Le guide de référence autochtone à Montréal répertoriait, en 2015, 53 organisations autochtones dans la métropole, des organismes liés à la culture, à l’éducation, aux transports, à la santé, entre autres. Parmi eux, le Réseau de la communauté autochtone à Montréal, fondé en 2008, soutient les individus et les organismes qui sont engagés à améliorer la qualité de vie de la communauté autochtone à Montréal. L’organisation Mikana, quant à elle, agit contre le racisme vécu par les Autochtones. Fondé en 2015 par deux femmes autochtones engagées, l’organisme a trois objectifs : sensibiliser sur l’histoire des peuples autochtones, agir contre le racisme et la discrimination et créer des ponts entre Autochtones et Allochtones. Ces organismes communautaires témoignent bien de l’effervescence du mouvement communautaire autochtone à Montréal au début des années 2020.

Merci à Philip Meilleur pour la relecture de ce texte.

Références bibliographiques

LÉVESQUE, Carole, Nathalie KERMOAL et Daniel SALÉE. « L’activisme autochtone : hier et aujourd’hui », Cahiers Dialog, cahiers no 2011-01, actes de colloque, Montréal, 2011, 58 p.

COMAT, Iona. Se construire et s’affirmer par les lieux. Un regard sur les présences autochtones à Montréal, Thèse en cotutelle (Ph. D.) en sciences géographiques, Université Laval et Université de Pau et des Pays de l’Ardour, 2014, 492 p.

REGROUPEMENT DES CENTRES D’AMITIÉ AUTOCHTONES. Pashkabigoni. Une histoire pleine de promesses, 2008, 103 p.
https://www.rcaaq.info/wp-content/uploads/2018/07/Pashkabigoni-2008_FR.pdf

RÉSEAU POUR LA STRATÉGIE URBAINE DE LA COMMUNAUTÉ AUTOCHTONE À MONTRÉAL. Guide de référence autochtone à Montréal. Prendre sa place par l’employabilité, la formation et l’éducation, Montréal, 2015.
http://reseaumtlnetwork.com/wp-content/uploads/2019/02/ENTIER-Reference_...

ODENA. Fiche d’information. Résultats préliminaires de l’enquête réalisée auprès de la population autochtone de la ville de Montréal, mai 2013.
http://www.odena.ca/IMG/pdf/ficheinformationmontrealenquete.pdf