Policier montréalais, Charles-André Latulippe témoigne ici de son expérience au sein de l’originale escouade à ski du mont Royal, une unité qui a aujourd’hui disparu.
Charles-André Latulippe
Amateur de sport et de plein air, il tente, l’année suivante, de devenir membre du corps de policiers à cheval de Montréal afin d’être intégré à l’escouade à ski qui sillonne le mont Royal pendant la saison hivernale. Le responsable lui donne sa chance, mais il chute à la toute fin de la descente à cause d’un amas de neige, et le lieutenant refuse sa candidature. Le responsable lui suggère de s’entraîner et de faire un second essai l’année suivante. Après ce faux départ, le constable Latulippe suit une formation à la station de ski Chantecler dans les Laurentides. Sa deuxième tentative, en 1948, dure une heure et est couronnée de succès : il peut enfin intégrer la patrouille à ski de la police de Montréal.
Être policier sur le mont Royal
Policiers à ski
Le sous-poste de police numéro 10 s’installe dans la demeure secondaire et les dépendances de l’ancienne résidence de lord Strathcona. Faisant partie de la division ouest du Service de police de la Ville de Montréal, le mont Royal d’alors est décrit par Charles-André Latulippe comme la « jungle », où les patrouilleurs doivent demeurer à l’affût des comportements indécents et illégaux. Les fins de semaine, ce sont des milliers de personnes qui fréquentent la montagne. En hiver, les policiers à ski circulent de l’avenue du Mont-Royal à l’avenue des Pins et de l’avenue du Parc jusqu’à Côte-des-Neiges. Les skieurs blessés doivent être traînés sur une civière jusqu’au poste avant d’être amenés à l’hôpital. Selon Latulippe, chaque semaine, ce sont une trentaine de personnes qui doivent être ainsi évacuées!
Les policiers à ski sont privilégiés : ils passent leur journée à l’extérieur et profitent du grand air. Le printemps revenu, ils doivent toutefois quitter le mont Royal et réintégrer leur poste de quartier où ils sont affectés à la circulation, à la patrouille à pied ou, comme c’est le cas pour le constable Latulippe, à l’autoradio.
Raid sur la montagne
Charles-André Latulippe - civière
En décembre 1957, une plainte officielle est déposée : des voyous troublent la quiétude de la montagne en insultant les passants et en faisant parfois preuve de violence. On envoie alors en reconnaissance deux patrouilleurs à ski habillés en civil. À la suite de leur rapport qui corrobore les faits, une rafle est organisée quelques jours plus tard, le 5 janvier 1958. Les efforts combinés de l’escouade à ski, du corps de policiers à cheval, des patrouilleurs de l’autoradio et de quelques détectives portent fruit : 20 délinquants sont écroués. Parmi eux, un dénommé Stanley Tex Parsons dont l’arrestation opposera le sergent Latulippe à ses supérieurs, l’assistant-inspecteur Minogue et l’inspecteur Caron. Minogue demande la libération de Parsons qui s’avère être le fils d’un ami proche. Latulippe refuse : Parsons a été inscrit au registre d’écrou et ne peut donc pas être libéré. Selon Latulippe, soit Parsons est libéré à la demande de ses supérieurs, soit il reste en cellule. Cette réponse conduit à un affrontement entre le sergent Latulippe et ses supérieurs. Parsons demeure derrière les barreaux. Il fait un séjour de trois mois en prison. Les autres délinquants arrêtés reçoivent eux une amende de 40 dollars, soit l’équivalent de trois semaines de travail pour un ouvrier à cette époque.
Mutation
Charles-André Latulippe - intérieur poste
Envoyé de nouveau au poste 16, le lieutenant Latulippe quitte le Service de police de la Ville de Montréal en 1966. Il est embauché pour travailler à la sécurité d’Expo 67 et il devient instructeur au centre de ski La Réserve dans les Laurentides. Quant à elle, l’aventure de l’escouade à ski sur le mont Royal prend fin en 1990 : la direction du Service ne voit alors plus l’utilité de cette unité.
Merci à Paul-André Linteau pour la relecture de cet article et au Laboratoire d’histoire et de patrimoine de Montréal pour son soutien à la recherche.
Centre d’histoire de Montréal, collection témoignages, fonds Scandale! Vice, crime et moralité à Montréal, 1940-1960, entrevue avec Charles-André Latulippe, 2012-089-011.
LATULIPPE, Charles. Mémoires d’avant, pendant et après mes années dans la police de Montréal, Saint-Sauveur, King Communications, 2013, 253 p.