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Le Montréal italien

02 juin 2017
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La Petite Italie est le cœur de la présence italienne à Montréal. Pourtant, les Italo-Montréalais se sont installés dans tous les quartiers et colorent généreusement le paysage de la ville.

Carlo Honorato Catelli

Portrait de Carlo Honorato Catelli
Wm. Notman & Son Musée McCord. II-148155.1
Carlo Oronato Catelli arrive à Montréal en 1866 à l’âge de 17 ans. L’année suivante, il ouvre la première usine de pâtes au Canada, située rue Saint-Paul. On y fabrique des vermicelles et des macaronis de manière artisanale. L’entreprise est appelée à prospérer, si bien que le nom Catelli est, en 2016, bien connu des Canadiens. Dans un autre domaine, l’oncle de l’entrepreneur, Carlo Catelli, est sculpteur de métier et forme la maison T. Carli. Son travail peut être admiré dans plusieurs des églises de la métropole. Les Catelli sont deux exemples des marques profondes laissées par les Italo-Montréalais dans l’histoire et le patrimoine de Montréal.

Les premiers Italiens

Les livres d’histoire de l’Amérique du Nord mentionnent souvent l’apport de Jean Cabot, cet explorateur engagé par l’Angleterre pour découvrir une route vers les Indes. De son vrai nom, Giovanni Cabotto, il serait l’un des premiers Italiens (Vénitien) à mettre le pied sur le continent (1497). Bien après M. Cabotto, des Italiens sont de passage à Montréal comme militaires, que ce soit avec le régiment Carignan-Sallières (1665) ou, après la conquête britannique, avec l’armée anglaise. Au XIXe siècle, comme en témoigne l’histoire des Catelli, des Italiens viennent comme artisans ou commerçants. En 1881, ils sont une centaine à Montréal. À partir de ce moment, leur nombre ne fait que décupler.

La grande migration

Statue de Giovanni Caboto

La statue de Giovanni Caboto, érigée au coin des rues Sainte-Catherine et Atwater
Albert Giroux. Archives de la Ville de Montréal. VM166-D3020-10-018.
En Italie, un important mouvement migratoire marque la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Les problèmes économiques et politiques du pays poussent 13 millions d’Italiens à quitter la mère patrie. L’Amérique du Nord, dont le Canada, absorbe une partie de cet exode. Montréal est alors la capitale économique canadienne et un pôle attractif pour les immigrants en quête d’emploi.

Grâce aux agents recruteurs qui travaillent pour le compte de géants comme le Canadien Pacifique, des canaux de communication se créent entre Montréal et les villages d’Italie. Ces agents font miroiter aux Italiens des contrats attrayants. Pourtant, à leur arrivée dans la cité, ces derniers connaissent les difficultés des ouvriers saisonniers et les conditions de travail imposées par un capitalisme sauvage.

Plusieurs Italiens décident de s’installer définitivement à Montréal et encouragent leurs famille et amis à les rejoindre. L’immigration de parrainage supplante bien vite le système des agents. En 1901, on compte près de 1500 Italiens à Montréal. Dix ans plus tard, 7000 Italiens vivent dans la métropole.

Les premières paroisses italiennes

Square Dante

Un homme se tient debout devant la statue de Dante au square Dante, avec l'église Notre-Dame-de-la-Défense à l'arrière-plan
Archives de la Ville de Montréal. VM94-A0102-002.
La paroisse Notre-Dame-du-Mont-Carmel est fondée en 1905 dans la rue Dorchester (actuel boulevard René-Lévesque) au coin de la rue Saint-André. Elle répond à la demande d’une population catholique de langue italienne qui s’étend d’est en ouest à Montréal. Le nombre grandissant d’Italiens nécessite la création, en 1910, d’une seconde paroisse, Notre-Dame-de-la-Défense. Située au nord de Bellechasse, au pourtour de Saint-Laurent, cette paroisse est au cœur de ce qu’on nomme, aujourd’hui, la Petite Italie. Cette zone est, à l’époque, aux limites de la ville urbanisée. Des terrains bon marché y sont disponibles et permettent la construction d’une maison et, très important, l’aménagement d’un potager. Des commerces et des associations religieuses ou civiles, comme la Casa d’Italia (Maison d’Italie), s’y multiplient.

Les Italiens de la Petite Italie partagent leur quotidien avec une majorité canadienne-française. En 1930, ce sont 30 % des Italo-Montréalais qui y demeurent. La présence italienne est partout dans métropole. Les gens se rassemblent en fonction de leur village et de leur région d’origine. Les mariages et les organismes communautaires témoignent de cette fidélité à leur ville natale.

Fascisme et conflit mondial

Orphelinat italien San Giuseppe.

Enfants et religieuses de l'Orphelinat italien San Giuseppe..
Carte postale. Bibliothèque et Archives nationales du Québec. CP 6316 CON.

Une succession de facteurs provoquent un ralentissement important de l’immigration italienne vers le Canada. Dans les années 1920, Benito Mussolini, président de l’Italie, impose une loi pour restreindre l’émigration. Dans les années 1930, la crise économique pousse le Canada à fermer ses portes aux immigrants. La Seconde Guerre mondiale diminue à son tour les déplacements internationaux.

À Montréal, cette période est assombrie par l’émergence d’un discours fasciste. Une propagande entretenue par le consulat italien et des membres de l’élite de la communauté cherche à rallier les Italiens expatriés au régime fasciste de leur mère partie. Cet épisode provoque des tensions internes et externes chez les Italo-Montréalais. Durant la Seconde Guerre mondiale, plusieurs d’entre eux sont mis sous surveillance ou internés comme « étrangers ennemis ».

L’après-guerre

Italiens - pique-nique

Quelques italiens cuisinant des pâtes lors d'un pique-nique international regroupant plusieurs communautés ethnoculturels dans un parc à Ville LaSalle.
Conrad Poirier Bibliothèque et Archives nationales du Québec. P48,S1,P3036.
Les Italiens composent une importante part de l’immense vague migratoire qui déferle sur le continent durant l’après-guerre. À Montréal, ils passent de 24 000 en 1941, à 109 000 en 1971. Après le français et l’anglais, l’italien devient la troisième langue la plus parlée à Montréal.

Ces néo-Montréalais viennent en majorité grâce au parrainage. La Petite Italie déborde désormais vers Saint-Michel, Montréal-Nord et Saint-Léonard. D’autres Italiens demeurent à Lachine ou à Ville-Émard. Un réseau grandissant d’entrepreneurs italiens encourage cette expansion. Ces derniers adaptent le classique duplex montréalais aux besoins de leur communauté, soit en offrant des logements avec un sous-sol (pour les charcuteries) et, évidemment, un espace pour le potager. Avec leurs briques blanches et leurs ornementations, ils donnent une couleur architecturale qui se remarque dans plusieurs zones de la ville.

Bien qu’un groupe d’hommes d’affaires influents s’enrichissent, la majorité des Italiens sont des ouvriers qui connaissent des conditions de travail difficiles. Ils tirent toutefois profit de la prospérité de l’après-guerre et, de manière générale, leurs enfants atteignent un meilleur niveau de vie. En 2011, ce sont 264 000 Montréalais qui se déclarent d’origine italienne.

Références bibliographiques

BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA. « Histoire de l’immigration : groupes ethniques et culturels », [En ligne], 11 janvier 2016. http://www.bac-lac.gc.ca/fra/decouvrez/immigration/histoire-ethniques-cu... (consulté le 06 juin 2016).

DEL BALSO, Michael. « Une communauté en transition : la Petite Italie de Montréal », dans Le boulevard St-Laurent, lieu d’émergence d’un prolétariat immigrant, Regroupement des chercheurs-chercheures en histoire des travailleurs et travailleuses du Québec, Vol. 28, 2002.

GOUVERNEMENT DU QUÉBEC. Portraits statistiques des groupes ethnoculturels. Enquête nationale auprès des ménages de 2011, [En ligne], 4 mars 2016. http://www.quebecinterculturel.gouv.qc.ca/fr/diversite-ethnoculturelle/s... (consulté le 31 octobre 2016).

LINTEAU, Paul-André. Histoire de Montréal depuis la Confédération, 2e édition, Montréal, Boréal, 2000, 627 p.

RAMIREZ, Bruno. « Immigrants italiens dans l’espace social et culturel montréalais », dans BERTHIAUME, Guy et al. (dir.), Histoires d’immigrations au Québec, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2012, p. 43-60.

LINTEAU, Paul-André. « Les grandes tendances de l’immigration au Québec (1945-2005) », Migrance, no 34, 2009, p. 30-42.