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Traductions

La présence des Péruviens à Montréal

02 juin 2017

L’installation des Péruviens à Montréal est récente, et ils font encore face à des obstacles économiques. Cependant, ce groupe est déjà très dynamique sur la scène culturelle de la métropole.

Péruviens

Un homme et une femme en habits traditionnels péruviens se tiennent sur une scène. En arrière-plan, deux hommes habillés d'un veston noir.
Nelly Garay, co-fondatrice de l'association canado-péruvienne
On a souvent tendance à rassembler les Latino-Américains en un seul et même groupe lorsqu’il est question d’immigration. Il est vrai que les différentes sociétés latino-américaines possèdent des traits communs qui ont une influence sur le phénomène migratoire. Parmi ces traits, on peut nommer les difficultés politiques (conflits armés, répression politique, etc.) et économiques (inflation, chômage, etc.). Cependant, les différents groupes latino-américains présents à Montréal (Chiliens, Mexicains, Colombiens, etc.) ont chacun une trajectoire migratoire qui leur est propre. Le présent article dresse spécifiquement un portrait des Péruviens de Montréal.

Contexte politique et économique

Péruviens - Expo 67

Un homme et une femme dansent. Ils portent des habits traditionnels péruviens.
Nelly Garay, co-fondatrice de l'association canado-péruvienne
Comme pour bon nombre d’immigrants d’origine autre qu’européenne, les Péruviens ont commencé à s’établir à Montréal à partir des années 1960, et ce, de manière plutôt timide. Durant les années 1960, Ottawa et Québec ont modifié leurs politiques d’immigration, ce qui a ouvert les portes du pays aux ressortissants péruviens. Toutefois, au cours de cette période, le Pérou bénéficiait d’un contexte économique relativement stable alors que le régime militaire de gauche du général Velasco tentait de développer un marché interne et qu’il adoptait des politiques sociales.

La situation s’est toutefois modifiée à partir des années 1980. En 1980, le Pérou renouait avec la démocratie alors que les militaires quittaient le pouvoir. Cette situation semblait prometteuse pour le pays. Mais une grave crise économique a secoué l’Amérique latine, et a été accompagnée de violents conflits entre le gouvernement et les guérillas d’extrême gauche (Sentier lumineux, mouvement révolutionnaire Tupac Amaru). De 1980 jusqu’au milieu des années 1990, l’État péruvien et les guérillas se sont livrés une guerre dans les régions andines puis à Lima. Ces conflits ont fait 69 280 victimes, en plus de déplacer près de 600 000 personnes. Au même moment, l’État faisait face à l’endettement et à l’hyperinflation.

Au cours de la décennie suivante, le nouveau gouvernement d’Alberto Fujimori a mené des réformes néolibérales sévères qui ont désengagé l’État de plusieurs domaines d’intervention. Ces grands changements économiques, survenus en l’espace de quelques années, se sont faits au détriment de la population péruvienne qui a vu sa qualité de vie se dégrader (chômage, hyperinflation, inégalités sociales, etc.).

Les immigrants péruviens en chiffres

Péruviens - restaurant

Restaurant péruvien sur la rue Saint-Hubert
Photo de Denis-Carl Robidoux, Centre d'histoire de Montréal.
La violence des années 1980 et les problèmes économiques ont alimenté l’immigration de cette population à Montréal au tournant du XXIe siècle. Il est intéressant de mentionner que les parts d’immigrants indépendants, d’immigrants familiaux et de réfugiés à l’intérieur de ce groupe sont équivalentes. En 2008, on calculait que 37 % des immigrants péruviens admis au Québec entre 1968 et 2008 étaient des immigrants indépendants, 34 % des immigrants familiaux et 29 % des réfugiés. Une partie a été admise au Canada et au Québec et s’est installée de manière indépendante, tandis qu’une autre partie a été parrainée par des membres des familles. Une troisième partie a, elle, été admise pour des raisons humanitaires.

En 2011, on dénombre 15 685 personnes d’origine péruvienne au Québec, dont une écrasante majorité réside dans la région de Montréal (93,3 %). La connaissance des langues officielles du Canada est répandue à l’intérieur de ce groupe : 91,2 % connaissent le français et 48,2 % connaissent à la fois le français et l’anglais. Les données indiquent toutefois que les Péruviens occupent une position économique inférieure à la moyenne au sein de la société québécoise. Leur revenu annuel moyen en 2011 (27 320 $ contre 36 352 $) ainsi que leur taux de chômage (10,5 % contre 7,2 %) sont tous les deux moins satisfaisants que ceux de l’ensemble du Québec.

Il n’y a pas de quartier péruvien à Montréal, on trouve cependant une petite concentration de commerces péruviens dans le quartier Villeray. La grande majorité des boutiques péruviennes qui y sont établies, dans la rue Saint‐Hubert au nord de Jean Talon, sont des restaurants. Parmi ceux‐ci, on note El Jibaro, Eche Pa Echarle et Sol y Mar. On y compte aussi des commerces liés indirectement à la mère patrie, comme des marchés d’alimentation spécialisés ou des bureaux de change. Située plus près du marché Jean-Talon, l’épicerie Sabor Latino offre aussi des aliments péruviens, surtout des condiments (sauce, purée de piment) et des grains de maïs.

Manifestations culturelles péruviennes

Péruviens - procession

Procession religieuse du Señor de los Milagros en 2014
http://www.hermandadsenordelosmilagrosmontreal.ca
Par ailleurs, les Péruviens forment l’un des groupes immigrants latino-américains les plus visibles et les plus dynamiques au point de vue culturel dans la région métropolitaine de Montréal. Chaque année, les Péruviens soulignent la fête nationale de leur pays d’origine au mois de juillet. Cette manifestation met de l’avant la musique et la danse péruviennes, mais aussi des kiosques où l’on vend des plats traditionnels tels que le ceviche et les anticuchos. Au cours des dernières années, cet évènement s’est tenu dans le cadre des Week-ends du monde au parc Jean-Drapeau. Il faut aussi mentionner la procession du Señor de los Milagros, un culte catholique originaire de Lima, qui a lieu dans les rues du Centre-Sud chaque automne. Sur le plan gastronomique, de nombreux restaurants de la région de Montréal font honneur à une tradition culinaire de plus en plus reconnue. Au cours des dernières années, les Péruviens ont cherché à faire découvrir leur cuisine grâce à toujours plus d’établissements péruviens de haute cuisine, de restaurants de poisson (ceviche), de rôtisseries, etc.

L’installation des Péruviens à Montréal remonte seulement aux dernières décennies du XXsiècle. Ils ont quitté leur pays d’origine pour bénéficier de meilleures conditions de vie, mais aussi pour fuir la violence et les difficultés économiques. Bien que leur position socio-économique reflète certaines difficultés, les Péruviens participent activement à la vie culturelle de Montréal et laissent leur empreinte dans le tissu urbain de la métropole.

Références bibliographiques

CHARBONNEAU, Denis. L’immigration argentine et péruvienne à Montréal : ressemblances et divergences, de 1960 à nos jours, Mémoire (M.A.), Montréal, UQAM, 2011.

MINISTÈRE DE L’IMMIGRATION ET DES COMMUNAUTÉS CULTURELLES DU QUÉBEC. « Immigrants nés en Argentine ou au Pérou, admis au Québec de 1968 à 2008 », Direction de la recherche et de l’analyse prospective, Montréal, 2009.

MINISTÈRE DE L’IMMIGRATION, DE LA DIVERSITÉ ET DE L’INCLUSION DU QUÉBEC. Portrait statistique de la population d’origine ethnique péruvienne au Québec en 2011, 2014.

STERN, Steve J. Shining and Other Paths: War and Society in Peru 1980-1995, Durham, Duke University Press, 1998, 534 p.