Depuis 1809, la colonne Nelson affronte quotidiennement les intempéries et les critiques politiques. Pour certains Montréalais, elle symbolise en effet l’impérialisme britannique du XIXe siècle.
Statue amiral Nelson au Centre d'histoire
Mitchell propose une colonne triomphale, à la manière antique. La statue de Nelson, une fois et demie plus grande que nature, la domine. L’amiral pose fièrement, couvert des médailles rappelant ses victoires militaires et tenant à la main gauche sa lunette d’approche. La manche droite repliée de l’uniforme nous rappelle que le militaire a perdu un bras au combat. Sous la colonne se trouve un socle quadrangulaire sur lequel sont illustrés les faits d’armes de Nelson. Un crocodile rappelle sa victoire lors de la bataille d’Aboukir, près de l’embouchure du Nil, contre la flotte française de Méditerranée.
La colonne, de style néoclassique, est construite en calcaire local, mais la statue et les panneaux du socle sont en pierre de Coade, un matériau conçu par la firme Coade & Sealy de Londres. Très connue pour avoir réalisé des centaines de monuments encore visibles en Angleterre, cette firme a développé une technique permettant de produire une porcelaine dont l’apparence imite la pierre. Les éléments fabriqués ainsi à Londres arrivent à Montréal en 1808, et l’œuvre est installée un an plus tard.
Le lieu
Colonne Nelson - Carte postale
Les restaurations de la colonne Nelson
En théorie, la pierre de Coade devrait être un matériau particulièrement résistant aux intempéries… Au contraire, on s’aperçoit avec le temps que la statue et les bas-reliefs résistent mal au climat montréalais. Le revêtement vitrifié d’origine s’érode et la pierre de Coade devient avec le temps de plus en plus poreuse, ce qui la rend beaucoup plus vulnérable aux changements de température et d’humidité.
Statue amiral Nelson - Restauration du Centre de conservation du Québec
En 1826, le monument a reçu une couche de peinture bleue et jaune, probablement pour le protéger des précipitations. Déjà, en 1851, la colonne Nelson était suffisamment en mauvais état pour qu’une souscription populaire ait été faite pour réparer le monument. En 1871, M. Bacceneri a rénové avec du ciment les bas-reliefs. Il semble que certaines réparations furent exécutées un peu avant 1882. En 1900, d’autres réparations et changements furent effectués sur le monument. En 1934, il fut nettoyé et des échafaudages entourèrent la colonne pendant près d’un an. En 1978, la sculpture représentant Nelson fut jugée en très mauvais état et fut donc transportée temporairement dans un entrepôt de la ville. Sans qu’on puisse identifier clairement qui en est responsable, l’œuvre fut alors restaurée rapidement en appliquant une résine de polyester et de la peinture pour automobile, pour tenter bien maladroitement de lui redonner son éclat d’origine!
Cette « restauration » empêche en fait la statue d’évacuer l’humidité et accélère la dégradation qu’elle visait à empêcher. Son état de conservation est jugé trop précaire pour qu’elle soit exposée à l’extérieur : l’œuvre doit être retirée de la colonne en 1998. Une copie en calcaire de l’Indiana, sculptée à Toronto, la remplace en 1999 et l’original a finalement trouvé un refuge au Centre d’histoire de Montréal.
Un monument à abattre?
Statue amiral Nelson - entrée au Centre d'histoire
En novembre 1893, quatre jeunes francophones, étudiants en droit, sont arrêtés alors qu’ils s’apprêtaient à dynamiter la colonne. Parmi les accusés se trouve le fils du premier ministre Honoré Mercier! Le juge qui les condamne à une maigre amende de 25 $ ne semble pas prendre l’affaire au sérieux et suggère même à la Ville de déplacer le monument…
Ce n’est pas la dynamite mais bien la Société Saint-Jean-Baptiste qui trouvera la meilleure réplique au symbole britannique de la place-Jacques-Cartier : une statue de Jean Vauquelin, marin français légendaire de la Guerre de Sept Ans. Posté directement face à Nelson, de l’autre côté de la rue Notre-Dame, Vauquelin offre un contrepoids nationaliste francophone.
Au début des années 1990, nouveau débat sur l’emplacement de la colonne : plusieurs Montréalais, dont le maire Pierre Bourque, proposent de la déménager près de Westmount, au coin de l’avenue Trafalgar et du chemin de la Côte-des-Neiges. Ce questionnement vient faire écho à près de deux siècles de relation amour-haine avec la colonne Nelson.
Le plus ancien monument au monde à la mémoire de Nelson?
Colonne Nelson - Gravure De Volpi
La colonne Nelson est le deuxième monument commémoratif non funéraire élevé à Montréal après la conquête britannique, le premier étant le monument dédié à Georges III, érigé sur la place d’Armes en 1770 et qui sera mutilé en 1775, dans le contexte de l’invasion du Canada par les révolutionnaires américains.
Plus ancien monument public montréalais à avoir survécu au passage du temps, la colonne Nelson et sa statue constituent un témoignage précieux de l’influence britannique à Montréal et du rapport trouble qu’entretiennent les habitants de la ville face à cet héritage : parfois célébré, souvent oublié.
Nom : Monument à Nelson
Numéro d’inventaire : Collection Ville de Montréal
Matériau(x) : Calcaire, béton, grès, pierre de Coade
Dimension : L’ensemble du monument comprenant la colonne et la statue fait environ 19 mètres de hauteur (la statue seulement : environ 2,6 mètres de hauteur).
Année ou période : 1809
Type d’objets : Sculpture
Artiste : Robert Mitchell
Emplacement : La statue originale est présentée dans l’exposition Traces. Lieux. Mémoires au Centre d’histoire de Montréal, mais le monument à Nelson, comprenant la colonne et la copie de la statue, se trouve sur la place Jacques-Cartier.
VILLE DE MONTRÉAL. « Fiche d’une œuvre d’art : Monument à la mémoire de l’amiral Horatio Nelson, dit colonne Nelson », [En ligne], Site Web officiel du Vieux-Montréal, Montréal, 2005. [http://www.vieux.montreal.qc.ca/inventaire/fiches/fiche_art.php?id=2] (Consulté en décembre 2015)
VILLE DE MONTRÉAL. « Monument à Nelson », [En ligne], Art public Ville de Montréal, Montréal. [http://artpublic.ville.montreal.qc.ca/oeuvre/monument-a-nelson] (Consulté en décembre 2015)