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Jules Helbronner, défenseur des ouvriers montréalais

08 juillet 2016

De 1884 à 1894, Jules Helbronner signe plus de 323 éditoriaux consacrés à la classe ouvrière. Il dénonce les mauvaises conditions de vie et de travail ainsi que la forte dépendance envers le patronat.

Jules Helbronner

Photo de Jules Helbronner
Source inconnue.
Jules Helbronner nait à Paris le 23 décembre 1844 et immigre au Canada à l’âge de 30 ans. À son arrivée, il œuvre d’abord dans le milieu des affaires puis se tourne vers le journalisme. Après avoir écrit dans Le Journal d’Arthabasca et dans Le Moniteur du commerce, il entre au journal La Presse en 1884. Pendant la décennie qui suit, il signe plus de 323 éditoriaux consacrés aux problèmes de la classe ouvrière sous le pseudonyme de Jean-Baptiste Gagnepetit. Ces éditoriaux contribuent au succès du quotidien La Presse, fondé l’année même de son embauche. Pendant les années 1880, il participe également à une commission royale d’enquête sur les relations entre le travail et le capital, qui s’intéresse aux conditions de vie des ouvriers.

La cause ouvrière

Dans ses textes, Jules Helbronner se penche sur les problèmes que connaissent les ouvriers montréalais au tournant du XXe siècle. L’éditorialiste dénonce les mauvaises conditions de vie et de travail des salariés ainsi que leur forte dépendance envers le patronat. À cette époque, si les ouvriers qualifiés bénéficient de conditions plus favorables, les ouvriers non qualifiés peinent souvent à joindre les deux bouts. Le versement mensuel des salaires concourt à l’endettement des ménages ouvriers. Forcées d’emprunter en attendant le versement de leur salaire, les familles ouvrières doivent ainsi rembourser des sommes importantes en intérêts. Le travail des mères et des enfants ainsi que le paiement des travailleurs sous forme de coupons échangeables dans les magasins de compagnie contribuent, selon lui, aux mauvaises conditions de vie des travailleurs. L’apparent désintérêt des autorités civiques et judiciaires devant cette situation scandalise Jules Helbronner. Son objectif principal est d’éveiller la conscience de la classe ouvrière en misant sur le potentiel politique et intellectuel des travailleurs. Il cherche ainsi à sensibiliser les travailleurs aux solutions qui s’offrent à eux et à leur donner les outils nécessaires afin d’améliorer leur condition.

Jules Helbronner - La maison de refuge de l'Union nationale française

Page de L’album universel sur la maison de refuge de l’Union nationale française
L’album universel, vol. 19 no 11. pp. 252-253 (12 juillet 1902). Bibliothèque et Archives nationales du Québec, albums de rues Édouard-Zotique Massicotte. 
Dans ses textes, Helbronner propose plusieurs solutions pour corriger la situation des ouvriers. Il milite pour le paiement hebdomadaire ou bimensuel des salaires afin de limiter l’endettement et le remboursement d’intérêts. Il encourage également les ouvriers à former des associations de travailleurs, qui leur permettraient d’avoir un plus grand pouvoir de négociation avec leurs employeurs. Dès les années 1880, il s’engage au sein d’organisations syndicales telles que l’Assemblée des Chevaliers du travail de Ville-Marie et le Conseil des métiers du travail. L’éditorialiste encourage les travailleurs à former des coopératives d’achat et à participer à la vie politique. L’épargne ouvrière, la prévoyance collective et la scolarisation des enfants du milieu ouvrier comptent parmi les sujets récurrents de ses chroniques.

Juif d’origine française

Jules Helbronner - La fête des vétérans Français de Montréal

Page de Le Monde illustré montrant la fête des vétérans Français de Montréal en 1901
Le Monde illustré, vol. 18 no 904. p. 279B (31 août 1901). Bibliothèque et Archives nationales du Québec, http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/2085689. 
Les adversaires d’Helbronner exploitent son origine juive pour jeter le discrédit sur ses idées, misant sur le sentiment antisémite qui existe en Occident à la charnière du XIXe et du XXe siècle. Parmi ces adversaires, Joseph Béard, journaliste au périodique La Croix, dénonce la présence d’un éditorialiste juif à La Presse et condamne les idées sociales qu’il défend. Lorsque Helbronner critique le régime de retraite proposé par l’Union francophone canadienne à ses travailleurs, le président de cette association affirme que ces attaques sont sans fondement puisqu’elles sont formulées par un juif. Helbronner intente plusieurs procès en diffamation contre ses détracteurs. Les attaques dont il est la cible en raison de sa religion ne parviennent pas à miner sa popularité. Français d’origine, Helbronner demeure actif au sein de la communauté française établie à Montréal : il prend part aux activités de la Chambre de commerce française de Montréal, il préside l’Union nationale française, et reçoit même le titre de chevalier de la Légion d’honneur en 1906.

Après La Presse

Jules Helbronner quitte le journal La Presse en 1908, à la suite de différends avec la direction du quotidien. Il travaille au journal La Patrie dès 1909 puis déménage à Ottawa en 1916. Il y décède le 25 novembre 1921. Des dignitaires français et canadiens, des intellectuels ainsi que des représentants syndicaux assistent à ses funérailles et témoignent du profond respect que l’engagement de Jules Helbronner a suscité au sein de la société montréalaise.

Références bibliographiques

DE BONVILLE, Jean. « Helbronner, Jules », [En ligne], Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2005. [http://www.biographi.ca/fr/bio/helbronner_jules_15F.html] (Consulté le 6 mai 2016).

DE BONVILLE, Jean. Jean-Baptiste Gagnepetit : les travailleurs montréalais à la fin du XIXe siècle, Montréal, Les Éditions de l’Aurore, 1975, 253 pages.

MÉTHOT, Mélanie. « Jules Helbronner, père de la conscience ouvrière », Mens, vol. 2, no 1, 2001, p. 67-104.