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Goose Village, le Village-aux-Oies ou Victoriatown

14 décembre 2015

Le Village-aux-Oies (Goose Village), aussi appelé Victoriatown, forme une petite enclave résidentielle au cœur d’une zone ferroviaire et industrielle. En 1964, tout est rasé.

QD - Goose Village, avant-après

Montage photographique montrant le quartier avant les démolitions, puis une fois l’Autostade construit et, finalement, le stationnement du Casino en 2011.
Photos des Archives de la Ville de Montréal. Photomontage Centre d’histoire de Montréal.
Le Village-aux-Oies (Goose Village), aussi appelé Victoriatown, forme une petite enclave résidentielle au cœur d’une zone ferroviaire et industrielle. Délimité par les rues Mill, au nord; Bridge, à l’ouest; et Riverside, au sud et à l’est, son territoire se trouve dans le secteur de Pointe-Saint-Charles, dans l’ancien faubourg (devenu quartier) Sainte-Anne. Il est situé à proximité du port de Montréal et du pont Victoria.

Le nom du village lui vient sans doute des oies que l’on pouvait autrefois chasser en bordure du fleuve. Quant à l’appellation Victoriatown, elle a manifestement un lien avec le pont nommé en hommage à la reine Victoria.

Au milieu du XIXe siècle, les premières constructions y sont des baraquements temporaires érigés pour loger les immigrants irlandais, puis les ouvriers qui, entre 1854 et 1859, construisent le pont Victoria. Les résidences permanentes commencent à apparaître dans les années 1860, mais deviennent plus nombreuses au cours de la décennie suivante. À la fin du XIXe siècle, le territoire est à peu près entièrement bâti.

Les résidants n’ont aucune difficulté à se trouver des emplois dans les environs. Tout juste à l’ouest, le Grand Tronc (devenu le Canadien National) a une vaste gare de triage et ses principaux ateliers d’entretien et de réparation du matériel ferroviaire. Au nord et à l’est, de nombreuses usines bordent le canal de Lachine et les bassins du port. Au tournant du XXe siècle, on note la présence de journaliers, mais la majorité des chefs de ménage occupent un emploi qualifié dans un métier du fer (forgeron, mouleur, etc.) ou au Grand Tronc. Quelques francophones habitent alors parmi une population surtout anglophone, notamment irlandaise.

Une mixité de longue date

goose_village001.jpg

Angle des rues Forfar et Bridge.
VM94C270-0324, Archives de la Ville de Montréal
Une certaine diversité s’installe dans les années précédant la Première Guerre mondiale. De nouveaux immigrants arrivent dans le secteur, venant d’Europe de l’Est et surtout d’Italie. Ces derniers deviennent de plus en plus nombreux d’une décennie à l’autre, de sorte qu’au début des années 1960, près de la moitié des 1500 habitants du Village-aux-Oies sont d’origine italienne, alors que les communautés d’origine britannique ou française y forment des minorités. D’un groupe à l’autre, l’anglais est nettement la langue de communication.

La petite superficie du secteur et son isolement relatif favorisent le développement d’une solidarité locale. La sociabilité urbaine se déroule au parc Victoriatown et au Victoriatown Boys’ Club, mais aussi dans les rues et les ruelles du quartier. Les petits commerces qui parsèment le territoire forment autant de lieux de rencontre, tandis que les loisirs des familles italiennes sont rythmés par l’entretien du potager aménagé dans la cour. D’anciens résidants témoignent de l’intensité des relations de voisinage au cours de l’après-guerre.

QD - Carte des quartiers

Plan présentant les délimitations des trois quartiers « disparus » (en partie pour le Red Light et le Faubourg à m’lasse).
Bibliothèque et Archives nationales du Québec.
Le paysage urbain de cette zone est caractérisé par des rangées de petites maisons à deux étages qui accusent leur âge. À l’arrière, les hangars ont un air décrépit. La pollution industrielle fait sentir ses effets. Aux yeux des autorités municipales, cette enclave résidentielle ancienne est devenue une aberration et le Village-aux-Oies est emporté par le vent de modernisation qui souffle sur Montréal. En 1964, tout est rasé pour faire place à l’autoroute Bonaventure et à l’Autostade construit pour Expo 67. L’année précédente, les fonctionnaires municipaux ont capturé sur la pellicule les dernières images de ce milieu de vie particulier.

Ce texte de Paul-André Linteau est tiré du livre Quartiers disparus. Red Light, Faubourg à m’lasse, Goose Village, sous la direction de Catherine Charlebois et Paul-André Linteau, Les éditions Cardinal, 2014, p. 174-175.