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Expo 67. Quels pays seront à Montréal?

11 mai 2017

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Une vaste opération de séduction est orchestrée par les commissaires de l’Exposition pour obtenir la participation du plus grand nombre de pays possible, malgré les tensions internationales.

Expo 67 - Pavillon du Canada (can_mt1967-ph-3596)

Pavillon du Canada (Katimavik et Arbre des Canadiens)
Collection personnelle Roger La Roche
Entre la remise des îles à la Compagnie canadienne de l’Exposition universelle de 1967, le 1er juillet 1964, et l’ouverture officielle d’Expo 67, le 28 avril 1967, la tâche à accomplir fut énorme, pour les commissaires comme pour les membres de la direction de la Compagnie. Il ne suffisait pas d’aménager le site, mais aussi de s’assurer de la plus grande participation possible des nations et de l’industrie. Or, là aussi, rien ne fut simple, car le jeu de la géopolitique avait profondément modifié le monde entre 1963 et avril 1967.

Pour mener à bien l’exposition, chacun des deux commissaires avait un rôle très spécifique à jouer : Pierre Dupuy devait circuler d’un pays à l’autre pour inciter la participation du plus grand nombre possible de nations, et Robert Shaw devait garantir, avec son bras droit le colonel Churchill, que le site serait prêt à temps. Les deux étaient aussi responsables de l’implication des industriels, soit par la construction de leur propre pavillon ou encore par le financement des pavillons thématiques ou d’installations telles que l’Autostade ou le mobilier urbain.

Les premiers pays à s’engager formellement furent la Belgique, la France et le Royaume-Uni, suivis de près par le Maroc et l’Inde. Mais la collaboration de plusieurs autres pays d’importance allait s’avérer difficile, et l’expérience unique de Pierre Dupuy en matière de diplomatie allait être mise à contribution. Son premier défi fut la participation de l’URSS et des États-Unis; or, pour obtenir la présence des Américains, il fallait d’abord passer par Moscou…

Expo 67 - Pavillon de l'URSS (can_mt1967-ph-3781)

Le pavillon de l’URSS de soir avec son reflet sur l'eau.
Collection personnelle Roger La Roche

Un enthousiasme américain modéré

En effet, bien que les États-Unis fussent les partenaires privilégiés du Canada, le Congrès américain avait une forte réticence à prendre part à l’Expo 67. Du moins, un lobby travaillait vigoureusement contre cette coopération. Lobby en partie dirigé par Robert Moses, le président-directeur général de la Foire de New York (1964-1965) qui n’avait pas digéré que le Canada ne fût pas présent à son exposition. Or le Canada ne pouvait pas légalement y participer, car le Bureau International des Expositions, qui ne reconnaissait pas l’Exposition de New York, avait interdit aux pays membres (dont le Canada) de le faire. Cela faisait aussi l’affaire du Canada qui ne désirait pas être associé à l’image de « commercialisme » de l’Expo de New York, et le gouvernement de John Diefenbaker voulait aussi éviter les coûts d’un pavillon à New York alors que des sommes importantes devaient être investies pour l’Expo de Montréal. L’enthousiasme du président Johnson au sujet de l’Expo 67 était donc refroidi.

Expo 67 - pavillons (can_mt1967-ph-3663)

Pavillons de l’île Notre-Dame vus de l’intérieur du pavillon des États-Unis
Collection personnelle Roger La Roche

La démarche de Pierre Dupuy s’avéra cependant très efficace : il rencontra Nikita Khrouchtchev avant Lyndon B. Johnson. L’URSS venait justement de se désister de l’Exposition de New York. Prétextant (avec raison) une ingérence injustifiée du gouvernement américain dans le contenu du pavillon soviétique, Khrouchtchev avait tout simplement décidé d’éviter toute forme de participation à New York, au grand dam de Robert Moses. Une des conditions imposées par les services d’information des États-Unis, l’United States Information Agency, était que, dans un esprit de coopération « paritaire », les États-Unis aient la permission de construire un pavillon à Moscou pour y présenter une exposition en 1964. Malgré toutes les démarches de Moses auprès du président et du Congrès, l’URSS demeura absente de l’Expo de New York.

Dupuy fit alors valoir à Khrouchtchev l’importance stratégique qu’occupait le site de l’Expo 67, situé à quelques dizaines de kilomètres seulement de la frontière avec les États-Unis, ainsi que la part importante des visiteurs américains prévue pour 1967. La réponse ne tarda pas à venir, et l’URSS s’engagea officiellement à être présente à Montréal, et ce, avec un pavillon digne de la Russie qui fêterait alors les 50 ans de la révolution d’Octobre. C’est tout ce que voulait Pierre Dupuy pour aller rencontrer le président Johnson.

Un doublet essentiel

Expo 67 - Pavillon Grande-Bretagne (can_mt1967-ph-3926)

Pavillon de la Grande-Bretagne
Collection personnelle Roger La Roche

Des démarches préliminaires auprès de plusieurs des membres du Congrès furent d’abord menées par l’ambassadeur du Canada à Washington. Puis le commissaire Dupuy fit valoir auprès de Lyndon Johnson l’importance pour les États-Unis de faire contrepoids à la participation de l’URSS et du bloc soviétique, qui s’avérait très importante, à Montréal. La guerre froide entre les deux blocs était alors à son plus fort et, effectivement, les États-Unis ne pouvaient pas laisser le bloc soviétique prendre toute la place à l’Expo 67. Après quelques hésitations, la participation américaine fut annoncée officiellement; une implication que les Américains voulaient sensationnelle, mais qui ne répondit pas à leurs attentes, malgré un pavillon superbe…

Pendant tout ce temps, l’engagement du Royaume-Uni provoqua plusieurs débats à Londres. À cause de la crise financière importante que vivait ce pays, dépenser plusieurs millions de livres sterling pour construire et animer un pavillon à Montréal ne plaisait pas à tous. Mais il était impossible pour le Royaume-Uni de ne pas être présent au Canada, alors que celui-ci célébrait le centenaire de la Confédération — acte du Parlement qui permit un certain affranchissement d’une ancienne colonie et, surtout, la création et la justification du Commonwealth. De plus, la France avait décidé que sa contribution à l’Expo 67 serait exemplaire, car elle voulait souligner son regain d’intérêt pour le Québec. Après plusieurs mois d’indécision, le Royaume-Uni opta, malgré les difficultés financières, pour une participation importante à Montréal.

Cependant, cette crise financière au Royaume-Uni eut un impact sur la collaboration de l’Irlande. Ce pays avait rapidement confirmé son adhésion à l’événement de 1967 — après tout, l’importance de la diaspora irlandaise à Montréal justifiait amplement cette présence —, mais quelques mois avant la signature officielle et le début de la construction du pavillon, le pays se désista pour des raisons économiques (il fut toutefois présent en 1968 pour l’exposition Terre des Hommes).

Désistement de l’Espagne

Expo 67 - pavillon de l'Allemagne (can_mt1967-ph-4152)

Le point d'ancrage de la toile du pavillon de l'Allemagne
Collection personnelle Roger La Roche
L’Espagne allait aussi faire faux bond pour les mêmes raisons, mais la source du problème était ailleurs : l’Expo de New York! Franco avait décidé que l’implication espagnole à l’Exposition de 1964-1965 serait exemplaire, et il y réussit, l’Espagne ayant un des plus beaux pavillons. Mais, économiquement, l’Expo de Moses fut un échec monumental, et les coûts pour l’Espagne pour maintenir son pavillon dépassèrent largement les prévisions budgétaires. Il n’y avait donc plus d’argent pour venir à Montréal. Pierre Dupuy considéra le refus de l’Espagne comme un échec personnel.

Évidemment, dans la majorité des cas, l’opportunité de participer à une exposition au Canada fut un élément qui aida Pierre Dupuy dans sa quête. La très bonne réputation du Canada sur le plan international facilita énormément le travail du commissaire, d’autant plus qu’il était précédé de sa bonne réputation en tant qu’ambassadeur. Néanmoins, il y eut quelques refus difficiles à expliquer, notamment la Nouvelle-Zélande et plusieurs autres pays membres du Commonwealth. Bien sûr la majorité de ces pays étaient petits et n’avaient pas forcément les budgets nécessaires pour construire un pavillon, ce que la direction de l’Expo comprenait très bien.

Un modèle de participation adapté

Expo 67 - pavillon du Venezuela (can_mt1967-ph-3735)

Pavillon du Venezuela.
Collection personnelle Roger La Roche
On décida alors de construire un ensemble de petits pavillons pour les pays du Commonwealth, aux frais de la Compagnie canadienne de l’Exposition universelle de 1967. Ces espaces seraient par la suite loués aux pays, réduisant ainsi de façon importante les coûts de leur implication. Ce même modèle de participation fut aussi développé pour les pays d’Amérique latine, ainsi que pour les pays émergents de l’Afrique. Malheureusement, seule la Place d’Afrique fut construite, à cause du manque d’intérêt des pays du Commonwealth et des désistements importants des pays d’Amérique latine.

Pourtant, plusieurs de ces pays d’Amérique latine avaient, au début, fait part de leur intention de participer à l’Expo 67. Quelques-uns avaient même réservé leur site : l’Argentine, la Colombie, le Pérou, le Venezuela, le Mexique. Seuls ces deux derniers se sont finalement engagés; les trois premiers, ainsi que plusieurs autres petits pays, se sont désistés au fil du temps. Le Brésil renonça à cause d’une crise économique qui allait miner le pays pendant plusieurs années. Mais le désistement de la majorité des autres pays était simplement dû à la situation géopolitique de l’Amérique centrale et du Sud : les mouvements révolutionnaires, dont plusieurs étaient soutenus par Cuba, bouleversaient les structures politiques, sociales et économiques de ces pays, que l’exposition internationale intéressait donc peu.

Enthousiasme et représailles

Expo 67 - Pavilon des Pays-Bas (can_mt1967-ph-4025)

Photo prise de l'intérieur du pavillon des Pays-Bas, avec vue sur le pont Jacques-Cartier en arrière-plan
Collection personnelle Roger La Roche
Par contre, plusieurs des jeunes pays africains allaient profiter de l’offre. Pour la majorité d’entre eux, c’était la première collaboration à une exposition universelle depuis leur indépendance, et ils en étaient très fiers. En revanche, peu de pays du Commonwealth furent présents, sauf les plus importants. Un cas d’exception cependant fut la Malaisie. Membre du Commonwealth depuis 1957, la Fédération de Malaya devint, en 1963, la Malaisie et absorba Singapour, Sabah et Sarawak. Elle fut un des premiers pays d’Asie (après l’Inde) à annoncer sa participation à l’Expo 67. Mais, en 1964, la population se souleva et Singapour annonça son indépendance en août 1965. Le Canada reconnut alors la souveraineté du nouveau pays, au grand dam des autorités de Malaisie qui décidèrent, en riposte, de ne pas participer à l’Exposition de Montréal.

Malgré ces désistements, le travail acharné de Pierre Dupuy porta fruit. Un seul des pays engagés abandonna avant la fin de l’évènement : le Koweït se retira à la fin du mois de mai, en représailles au soutien du gouvernement canadien à Israël lors de la guerre des Six Jours au Moyen-Orient.

Expo 67 - Pavillon de l'Inde (can_mt1967-ph-3652)

Le pavillon de l’Inde vu de l’intérieur du pavillon de l’Australie
Collection personnelle Roger La Roche

Au total, 60 pays étrangers, 3 États américains, ainsi que les villes de Paris et de Vienne étaient présents à l’ouverture de l’Exposition. Voyant le succès inespéré d’Expo 67, plusieurs nations ont par la suite regretté leur forfait. Et plusieurs des pays ayant pris part à Expo 67 ont ensuite été impliqués, en 1968 et en 1969, lors des premières saisons de l’exposition Terre des Hommes.

Liste des pays étrangers participants

Expo 67 - pavillons (can_mt1967-ph-4068)

Pavillons de plusieurs pays sur une section des îles Notre-Dame et Sainte-Hélène
Collection personnelle Roger La Roche

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