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La Fête-Dieu à Montréal

28 mars 2018
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Célébrée à Montréal dès le XVIIe, la Fête-Dieu est contestée par des groupes protestants au XIXe. Tenue 60 jours après Pâques, elle donne lieu à des processions majestueuses jusqu’aux années 1960.

Fête-Dieu

Foule réunie pour la procession de la Fête-Dieu à Montréal
Bibliothèque et Archives nationales du Québec.CP 030047 CON.
Instituée pour la première fois dans la cité de Liège en 1246, la Fête-Dieu souligne la présence réelle du Christ dans l’hostie consacrée. Vivement critiquée pendant la Réforme protestante, l’importance de la Fête-Dieu pour les catholiques est réaffirmée pendant la Contre-Réforme en Europe au XVIe siècle. Le concile de Trente confère aussi à cette fête l’objectif de convertir les hérétiques à la religion catholique. Lorsque des colons français s’installent à Ville-Marie, ils y amènent avec eux la tradition de la Fête-Dieu.

La Fête-Dieu à Montréal aux XVIIe et XVIIIe siècles

Les célébrations de la Fête-Dieu donnent lieu à des processions minutieusement organisées et à des réjouissances populaires à Montréal dès le XVIIe siècle. Les habitants de la ville décorent alors leur maison et assistent à la procession qui s’arrête devant des reposoirs qui ponctuent le trajet. On en trouve par exemple dans la rue Notre-Dame devant l’église des Jésuites et celle des Récollets, puis devant l’Hôpital général sur la rue Saint-Pierre. La musique est à l’honneur et des chants sont prévus pour chacune des stations. À Montréal, un coup de feu tiré dans le toit de l’Hôtel-Dieu lors de la procession de la Fête-Dieu du 19 juin 1721 est à l’origine d’un important incendie dans la ville.

Opposition protestante au XIXe siècle

Fête-Dieu

Deux garçons et deux fillettes se tiennent au bas du balcon d'une résidence décorée pour la Fête-Dieu. Sur le balcon, deux femmes déposent des fleurs sur un tabernacle.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec. P48,S1,P8163.
Pendant les premières années du Régime britannique, la tradition de la Fête-Dieu se poursuit dans les rues de Montréal. Catholiques et protestants se côtoient pendant ces festivités. Au début des années 1840, la French Canadian Missionary Society, qui souhaite convertir les Canadiens français catholiques à la religion protestante, réclame l’arrêt des processions de la Fête-Dieu dans les rues de la ville. L’association affirme que la procession catholique empêche les protestants de se rendre à l’église et que le spectacle de la Fête-Dieu est choquant pour la conscience religieuse protestante. L’évêque de Montréal, Ignace Bourget, refuse d’accéder à cette demande et travaille plutôt à rendre les processions de la Fête-Dieu plus majestueuses encore. La presse catholique et la presse protestante s’opposent au sujet de la Fête-Dieu jusqu’en 1875. Loin de nuire au succès de la Fête-Dieu, cette polémique ne fait que renforcer sa popularité.

La Fête-Dieu aux XXe et XXIe siècles

Fête-Dieu

Réunies sous l’arche fleurie, des fillettes aux atours angéliques côtoient de jeunes garçons habillés en petit page pour la procession de la Fête-Dieu
Collection personnelle de la famille Mercier

Les processions de la Fête-Dieu demeurent très suivies à Montréal au tournant du XXe siècle. Membres des communautés religieuses, enfants, notables ou simples citoyens marchent dans les processions ou regardent le cortège passer. Des fleurs, drapeaux, fanfares et l’ostensoir qui contient le Saint-Sacrement agrémentent les processions. Les Irlandais catholiques se joignent souvent aux francophones lors de la Fête-Dieu.

En 1956, le grand défilé se déroule sur le Plateau en direction du parc La Fontaine où le reposoir orné de fleurs et de drapeaux est aménagé. De plus petits cortèges ont lieu dans les quartiers avoisinants comme ici, à Griffintown. Vêtue d’une belle robe blanche et d’ailes décorées d’étoiles, Lise Jetté-Mercier sourit timidement sur ce cliché de 1956. Sagement réunies sous l’arche fleurie, les fillettes aux atours angéliques côtoient de jeunes garçons habillés en petit page. C’est uniquement lors de cette année-là que les festivités de la Fête-Dieu prennent une telle ampleur à Griffintown. Alors enfants, Lise Jetté-Mercier et Claude Mercier se rappellent cette procession mémorable. Après un départ de l’église Sainte-Hélène dans la rue Saint-Maurice, les enfants défilent dans les rues de Griffintown. L’arche splendide de la rue Ottawa est l’endroit tout désigné pour une photographie commémorant l’événement. Remarquez les niches en hauteur, ce sont de véritables enfants qui y prennent place : l’une, au centre, en tant que représentation de la Vierge et ses sœurs, à ses côtés, en anges. Leur mère ayant fabriqué tous les costumes et leur père ayant élevé l’arche, ces trois sœurs eurent le privilège d’être les vedettes de la Fête-Dieu.

Fête-Dieu 2016

Procession de la Fête-Dieu devant la cathédrale Marie-Reine-du-Monde en 2016
© Église catholique à Montréal
Dès 1945, on note que les journaux montréalais couvrent moins l’événement, tendance qui s’accentue dans les années 1960 alors que les processions deviennent plus modestes. Soulignée par le diocèse de Montréal, celle de 2016 a réuni des centaines de catholiques dans un défilé qui, parti de la basilique cathédrale Marie-Reine-du-Monde, s’est rendu jusqu’à la basilique Saint-Patrick en empruntant la rue Sainte-Catherine.

Références bibliographiques

BERNIER-CORMIER, Marie-Eve. « La Fête-Dieu dans trois quotidiens québécois (1910-1970) », Études d’histoire religieuse, vol. 78, no 2, 2012, p. 41-58.

GALLAT-MORIN, Élisabeth. « La musique dans les rues de la Nouvelle-France », Les cahiers de la société québécoise de recherche en musique, vol. 5, nos 1-2, p. 45-51.

HAQUIN, André. « Fête-Dieu (1246-1996) », Actes du colloque de Liège 12-14 septembre 1996, Louvain-la-Neuve, Université de Louvain, 1999, 244 p.

RUDIN, Ronald. « Marching and Memory in Early Twentieth-Century Quebec  La Fête-Dieu, la Saint-Jean Baptiste, and le Monument Laval », Journal of the Canadian Historical Association / Revue de la Société historique du Canada, vol. 10, no 1, 1999, p. 209-235.

SHEITO, Christine. Une fête contestée : La Procession de la Fête-Dieu à Montréal, au XIXe siècle, Mémoire (M.A.), Université de Montréal, 1983, Cap-Saint-Ignace, Cahiers du Septentrion, 1999, 179 p.